Faits et dires
* L’Union soviétique applique dès aujourd’hui un moratoire sur le déploiement de ses missiles de portée moyenne. Elle suspend la réalisation des autres contre-mesures en Europe. Ce moratoire est valable jusqu’en novembre 1985. La décision que nous prendrons après cette date dépendra des États-Unis : suivront-ils oui ou non notre exemple et arrêteront-ils le déploiement de leurs missiles de moyenne portée en Europe ?
M. Gorbatchev, Secrétaire général du Parti communiste soviétique,
à la Pravda, le 8 avril 1985
* Les réactions à cette initiative : À Washington, le département d’État note que « ce moratoire ne fait que réitérer une proposition discréditée déjà formulée en mars 1982 » tandis que le porte-parole de la Maison Blanche, M. Larry Speakes, affirme que cette « proposition ne va pas interrompre le déploiement américain ». En France, le Quai d’Orsay après avoir souligné l’avance prise par l’URSS dans ce domaine, estime que « l’annonce soviétique ne saurait donc se substituer aux négociations de Genève ». À Londres, Mme Thatcher, Premier ministre britannique, juge cette initiative inacceptable et le Foreign Office l’interprète comme une opération en vue de semer la discorde parmi les alliés européens des États-Unis. À Bonn, on se refuse à prendre ce moratoire en considération compte tenu des pourparlers engagés à Genève. Attitude semblable de la part du gouvernement belge : « À Genève l’URSS aurait pu présenter des contre-propositions plus sérieuses ». Avant de partir pour Moscou, le ministre néerlandais des Affaires étrangères précise que son pays ne modifiera pas son engagement d’accepter sur son sol les euromissiles américains. Enfin, à Pékin on s’est contenté de prendre note de la décision soviétique.
* L’arrêt de la course aux armements nucléaires sur terre et la non-militarisation de l’espace constituent un problème unique qui doit être réglé de façon globale.
M. Gorbatchev, le 10 avril 1985
* La première étape des négociations de Genève, qui vient de prendre fin, permet d’affirmer que ce n’est pas sur l’entente avec l’Union soviétique que mise Washington… Les États-Unis ne veulent pas agir en faveur de résultats raisonnables.
M. Gorbatchev, au Comité central du Parti communiste
de l’Union soviétique (PCUS), le 23 avril 1985
* Dans le futur nous serons capables de développer une défense effective contre les missiles balistiques de toutes portées. Notre but est de pouvoir détruire de manière non nucléaire les fusées soviétiques avant qu’elles n’atteignent leur cible.
Caspar Weinberger, secrétaire de la Défense,
au Figaro-magazine, 13 avril 1985
* Nous Français, nous devons être attachés à la paix des étoiles. Il faut y travailler… Il ne faudrait pas que, sous prétexte de venir chercher nos industries, nos techniques, notre savoir-faire, nos technologies, nos cerveaux, les Américains nous placent dans une sorte de super Otan économique… Il ne faudrait pas que l’initiative de défense stratégique fasse croire que la dissuasion nucléaire est effacée. Elle maintient l’équilibre de la paix en Europe.
M. Charles Hernu, ministre de la Défense, à FR3, le 18 avril 1985
* Pourquoi n’y aurait-il que les Américains et les Russes qui pourraient contrôler, vérifier le désarmement ? Pourquoi pas un satellite européen de vérification ? Et si nos partenaires européens, hélas, ne le voulaient pas, pourquoi la France n’aurait-elle pas son propre satellite d’observation puisque nous sommes une puissance nucléaire et que nous sommes concernés.
M. Charles Hernu, ibidem
* Les pays d’Europe doivent se concerter pour voir s’il y a une possibilité d’IDS (Initiative de défense stratégique) européenne indépendante.
M. Charles Hernu, ibidem
* Une guerre chimique serait-elle déclenchée, il appartiendrait au président de la République de dire si cela menace l’intérêt vital de la France. Et qui dit que l’on ne répliquerait pas à une guerre chimique par une riposte nucléaire ? C’est la merveilleuse incertitude de la dissuasion nucléaire (1).
M. Charles Hernu, ibidem
* Dans une lettre à ses partenaires européens, M. Roland Dumas, ministre des Relations extérieures, leur suggérait de mettre sur pied « une agence de coordination de la recherche européenne ». Six secteurs de pointe étaient retenus. Cette initiative « Eurêka » fut aussitôt mise en parallèle avec l’IDS américaine par la presse, bien qu’elle n’eût aucun objectif militaire avoué. Six jours plus tard, devant l’UEO (Union de l’Europe occidentale), M. Dumas précisait : « Le défi pour l’Europe est d’abord technologique, le défi militaire viendra plus tard ». Dans leur communiqué final, les membres de l’UEO se sont contentés de noter leur détermination à « prendre les mesures nécessaires au sein des Communautés européennes pour renforcer la capacité technologique propre de l’Europe ».
Paris, 18 avril 1985 - Bonn 23 avril 1985
* Le président des États-Unis ayant manifesté l’intérêt de son pays pour ce projet Eurêka, M. François Mitterrand a fait cette mise au point au cours de l’émission télévisée (TF1) « ça nous intéresse », le 28 avril 1985 : « M. Reagan s’est mépris. Eurêka n’a pas à être soumis aux pays industrialisés que j’irai rejoindre à Bonn jeudi prochain (le 2 mai). C’est un projet européen ; il appartient à la Communauté européenne de l’examiner. C’est un projet européen, ce n’est pas un projet soumis à la bénédiction américaine ».
* En RFA (République fédérale d’Allemagne), le chancelier Kohl, tout en saluant l’initiative française concernant Eurêka, souhaite une participation effective des pays européens à l’IDS car ce serait « une occasion historique pour l’Europe de faire valoir ses intérêts politiques, stratégiques et technologiques. De cette manière l’IDS pourrait être une chance réelle pour l’Otab et l’Europe ».
Chancelier Kohl, au Bundestag, le 18 avril 1985
(1) Pourquoi Le Monde a-t-il présenté cette déclaration comme une « révélation », alors que le 15 décembre 1984 le général Lacaze avait déjà tenu les mêmes propos ? (cf. « Faits et dires » de février 1985).