Faits stratégiques 1984-1985
Pour la première fois, nous avons affaire à une version française de Strategic Survey. En réalité, il y a plus que des faits dans cette analyse des stratèges de Londres, qui portent un jugement mesuré sur les rapports Est-Ouest, sur les progrès de la défense européenne, et sur toutes les situations de crise dans le monde. Ils relèvent en particulier l’incapacité des grandes puissances à contrôler les conflits locaux, et la volonté des puissances régionales de jouer un rôle plus actif dans la recherche de la paix. Ce livre ne présente pas seulement un intérêt historique, même si les faits ont parfois eu tendance à devancer les estimations de l’été 1985.
La partie la plus intéressante nous paraît être l’examen des nouveaux facteurs de la sécurité : missiles de croisière, concept de l’hiver nucléaire, défense antimissiles balistiques : ces techniques et doctrines suivent en effet des évolutions plus lentes que les réactions politiques. Les auteurs en étudient objectivement les aspects positifs et négatifs, ainsi que les implications stratégiques à long terme. Lents, mais meurtriers et peu coûteux, les missiles de croisière confèrent une efficacité supplémentaire à la dissuasion américaine, mais ils obligent les Occidentaux à réviser leur défense aérienne. La théorie de l’hiver nucléaire paraît entachée de nombreuses incertitudes, et même si elle était démontrée, « cela apporterait de l’eau au moulin des partisans des armes nucléaires autant qu’à celui de leurs adversaires ». Sans éluder aucune des critiques portées à l’IDS (Initiative de défense stratégique) de Reagan des deux côtés de l’Atlantique. L’Institut international des études stratégiques (IISS) estime que la remise en cause des fondements stratégiques de la dissuasion était nécessaire depuis longtemps. « Les arsenaux nucléaires ont atteint des niveaux excessifs au point d’en être absurdes… le débat ouvert par ce programme ne peut être que salutaire ». Parfaitement documentés et impartiaux, les dossiers de l’IISS ne manqueront pas de susciter la réflexion des experts, et peut-être, d’inspirer l’action des diplomates et des décideurs.