Aéronautique - Une capacité militaire de transport aérien
De tous les grands commandements de l’Armée de l’air, seul le Cotam (Commandement du transport aérien militaire) a des homologues dans le secteur civil. C’est pourquoi, en période de tension économique, d’aucuns se demandent si son existence est vraiment nécessaire et si les missions qui lui sont dévolues ne pourraient pas avantageusement être assurées par les importants moyens mis en œuvre au sein de l’aviation civile.
L’analyse des besoins, de la spécificité des missions et des moyens nécessaires pour y faire face, permet de justifier l’option retenue de nos forces armées, comme d’ailleurs par celles des différents pays industrialisés comparables au nôtre.
Les besoins
En temps de guerre ou de crise, nous serions amenés à redéployer dans les délais les plus courts certaines unités nucléaires des trois armées pour sauvegarder notre potentiel de dissuasion. De même, plusieurs escadrons d’avions de combat changeraient de lieu de stationnement pour répondre rapidement à toute évolution géographique de la menace, ou pour prendre le recul nécessaire à l’interception d’hostiles pénétrant dans notre espace aérien à haute altitude et à très grande vitesse. Seul l’aérotransport est de nature à assurer le redéploiement de ces différentes unités dans un minimum de temps.
De la même façon, dans un conflit en Centre-Europe, la « projection » de régiments de l’Armée de terre et de la force d’action rapide, ainsi que leur soutien logistique ultérieur, ne sauraient s’accommoder uniquement des moyens de transport de surface et imposeraient le recours au transport aérien tactique.
Dans le cadre d’actions de moindre envergure, la défense des intérêts vitaux de la nation et le respect des accords d’assistance militaire passés avec certains pays amis nous imposent d’être capables d’acheminer rapidement des moyens d’intervention, bien au-delà des frontières du Vieux Continent. Le but recherché est de transporter sur place des éléments significatifs de la Force d’action rapide (FAR) ou d’autres forces en tant que de besoin.
En 1983, l’opération Manta avait monopolisé à son départ jusqu’à 25 C-160 Transall et 3 DC-8 de l’Armée de l’air. Cette intervention avait clairement montré les limites de nos possibilités d’aérotransport, d’autant plus vite atteintes que les missions de support des trois armées continuaient d’être assurées à quelques rares exceptions près. Seul l’affrètement d’avions-cargos et de charters civils avait permis de faire face à la demande (une trentaine de rotations de gros-porteurs civils ont été nécessaires).
Dès le temps de paix enfin, la logistique propre aux unités des forces armées de métropole ou prépositionnées à travers le monde, entraîne d’importants besoins d’aérotransport. D’autre part, la nécessité de répondre immédiatement à une demande de transport urgente impose de maintenir en alerte 24 heures sur 24, chaque jour de l’année, des aéronefs prêts à décoller.
Le besoin en matière de transport aérien militaire (TAM) ne saurait donc-être mis en doute. À sa souplesse d’emploi qui permet d’intervenir en tous lieux dans les délais les plus courts, s’ajoutent une rapidité d’exécution sans comparaison avec les moyens de transport dits de surface, et la possibilité de s’affranchir des contraintes liées à d’éventuelles destructions ou désorganisation des voies de circulation terrestres. Le TAM exploite ces qualités dans les domaines logistique et tactique, face aux différentes menaces actuelles ou envisageables pour l’avenir. Le concept d’emploi des armées requiert en effet une aptitude aux réactions rapides aussi bien outre-mer que sur le théâtre européen, et l’aéromobilité d’une partie significative de nos forces apparaît donc comme une nécessité.
Les modes d’actions tactiques requièrent par ailleurs des équipages parfaitement entraînés aux largages de personnels et de matériels, à haute comme à très basse altitude, aux posés d’assaut sur terrains sommaires de jour comme de nuit, enfin aux techniques de navigation à très basse altitude par tout temps et dans un environnement hostile. Seuls les aéronefs de type cargo militaire tactique, conduits par des équipages formés à ces techniques particulières de vol, sont en fait susceptibles d’assurer l’ensemble des missions des forces armées en matière de transport aérien.
La spécificité des missions
Pour assurer toutes ces missions, les armées doivent disposer d’une flotte aérienne apte à projeter hommes et matériels en tout point du globe et au plus près des unités engagées. Le TAM ne peut être équipé que d’appareils spécialement conçus pour répondre aux besoins militaires capables d’opérer de manière autonome et dans un environnement hostile. En effet, aucun des aéronefs en service dans les compagnies commerciales n’est apte à assurer les missions de pénétration à basse altitude, de largage ou d’atterrissage sur terrain non aménagé. Leurs possibilités de transport sont intéressantes sur grande distance, mais ils restent tributaires en escale d’une infrastructure aéroportuaire adéquate pour la manutention du fret comme pour leur propre remise en œuvre technique. Ils sont en fait peu adaptés à la livraison à destination des personnels prêts au combat et des véhicules en ordre de marche, opérationnels dès leur débarquement sur le lieu de l’intervention.
Les moyens
Tous les pays industrialisés disposent de flottes aériennes militaires ; elles sont même particulièrement imposantes aux États-Unis et en URSS. Dans chacun de ces deux pays, le transport aérien militaire regroupe largement plus de mille avions, dont 5 à 600 cargos à longue ou moyenne distance. Outre les énormes C-5A Galaxy et Antonov An-124 Condor dont la souplesse d’emploi n’est pas évidente, les gros-porteurs en service, quadriréacteurs ou quadriturbopropulseurs, offrent actuellement des charges maximales de 40 à 80 tonnes sur des distances de l’ordre de 5 000 à 6 000 kilomètres. Dans le domaine des cargos tactiques moyens l’éventail est moins ouvert, les appareils en ligne sont principalement le C-130 Hercules à l’Ouest (plus de 50 pays utilisateurs) et l’An-12 CUB à l’Est (une quinzaine de pays utilisateurs).
La tendance actuelle est à l’élargissement et au renforcement des flottes aériennes militaires par la mise en service des C5B et An-124, par l’allongement des C-141 et de certains 130, par la généralisation du système de ravitaillement en vol des aéronefs. L’arrivée à l’échéance 1992 du nouveau C-17 Globemaster III permettra à l’armée de l’air américaine de disposer d’un gros cargo militaire capable aussi bien des longs vols stratégiques que des missions tactiques les plus délicates.
La France, pour sa part, ne possède aucun cargo militaire longue distance et aligne une flotte tactique de 70 C-160 Transall dont 22 ravitaillables en vol. Pour ses transports stratégiques, notre armée dispose de 5 DC-8 dont les possibilités de transport de matériels lourds et volumineux sont très limitées. Ces deux types d’aéronefs, ossature de notre transport aérien militaire, réalisent respectivement 40 000 et 10 000 heures de vol environ chaque année. L’activité de la flotte C-160, en augmentation depuis la disparition des Noratlas, ne permet pas de préserver autant qu’il serait souhaitable le potentiel de cet appareil.
Il apparaît donc nécessaire d’envisager au plus tôt l’acquisition de quelques cargos militaires pour compléter et décharger les unités Transall. Le type de l’appareil, sa taille et ses possibilités, sont à étudier sous l’aspect opérationnel autant que budgétaire. S’agissant d’un petit nombre d’avions, l’Armée de l’air souhaite éviter des frais de développement importants et peut se contenter d’un modèle déjà en service.
À plus long terme, le retrait du service des C-160 les plus anciens, qui doit intervenir à l’horizon 2000-2005, se traduira par la perte brutale des deux tiers de nos capacités de transport tactique. La relève devra être assurée par un cargo militaire capable d’emporter des charges significatives sur une distance de 7 000 kilomètres et apte à assurer de manière satisfaisante l’ensemble des missions dévolues au TAM.
* * *
Le TAM ne peut en aucune manière être assimilé à une compagnie commerciale de transport aérien. Constitué pour répondre aux besoins spécifiques de notre défense, il apparaît comme un outil indispensable au service des armées et de la nation, dont on ne saurait se priver sans hypothéquer gravement l’efficacité de nos forces, voire la crédibilité de notre politique de défense.
Sans vouloir lui conférer la puissance nécessaire pour faire face simultanément à l’ensemble des besoins et des situations, il convient de le maintenir à un niveau suffisant pour répondre rapidement à toute mission importante, particulièrement en temps de crise. ♦