Un livre admirable vient de paraître, celui de Pierre Massé : La crise du développement (Gallimard, 1973). Nos lecteurs ont pu en avoir un avant-goût par l'article qu'il a fait paraître sous un titre identique en mars 1973. Nulle lecture, à notre époque de violence et de confusion, n'apporte plus de clarté ni plus d'espérance lucide. Oui, lisons Pierre Massé (Une approche de l'Idée de Plan, l'Univers économique et social, l'Encyclopédie française tome IX : Le Plan ou l’Anti-hasard, Gallimard, 1965 ; Les dividendes du progrès, en collaboration avec Pierre Bernard : La crise du développement, Gallimard, 1973), mais relisons aussi François Perroux dont Indépendance de la nation (Collection 10/13 - 1969) et, plus récemment, Pouvoir et économie (Bordas, 1973) ont jeté les bases d'une théorie des relations de « lutte-coopération » dans les échanges économiques inégaux entre nations ou groupes sociaux. La même éthique inspire les deux penseurs, le même sens des responsabilités du politique et la même finalité attribuée au développement compris comme le « passage pour chacun et pour tous de conditions moins humaines a des conditions plus humaines ».
Inquiétude créatrice et stratégie du conflit - Relisons Pierre Massé
Croit-on vraiment que les approximations sur le coup chilien, les commentaires fumigènes sur la guerre au Moyen-Orient et les balivernes débitées « à côté » de l’affaire Lip parviendront à faire éluder les difficultés de fond que nous avons peut-être encore le temps de surmonter ?
Ce qui est en question, c’est le pouvoir du capital en tant que tel, la collaboration hostile des deux Grands, plus ambiguë encore que leur coexistence pacifique, l’illusion, étendue en tache d’huile, que la violence seule tranche les nœuds que la timidité des pouvoirs réguliers et la confusion consternante des esprits ont embrouillés avant de les serrer. Quand je veux mettre un peu de clarté et d’ordre dans les questions relatives à une politique économique praticable, je rapproche quelques écrits de Pierre Massé : chacun d’eux, bref et clair, et l’ensemble cohérent qu’ils forment, pourquoi n’ont-ils pas encore mobilisé les volontés ? Fût-ce pour aller sensiblement plus loin, mais en commençant par comprendre une doctrine inséparable de vingt années de notre histoire économique (1946-1965).
Leur unité s’affirme en une proposition principale : la seconde moitié du XXe siècle révèle en profondeur une économie de contradictions et de conflits.
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