Revue des revues
• Le numéro de mars-avril 1988 de Survival, organe de l’Institut international d’études stratégiques de Londres, contient deux articles sur les forces classiques en Europe et une étude sur l’évolution de la doctrine militaire soviétique.
Le premier article, par Stephen D. Biddle, de l’université de Harvard, a pour sujet l’équilibre conventionnel européen. Pour l’auteur, les forces en Europe sont analysées en termes d’inputs (hommes, matériels, approvisionnements) ou d’outputs (nombre de tués et de blessés, terrain perdu ou gagné, etc.). Les inputs sont décomptés en « haricots » (par exemple le rapport du nombre de chars détenus par chaque partie), difficiles à intégrer dans un tableau unique, ou en « indices d’efficacité » utilisant des formations militaires de référence comme l’équivalent de division blindée. On trouve d’importantes différences dans les appréciations, le rapport du nombre de chars variant de 2 contre 1 à 4 contre 1 suivant les présuppositions qui sont prises en compte sur la situation politique, la disponibilité des réserves, la durée de mobilisation, etc.
Stephen Biddle remarque que les partisans de l’indice d’efficacité estiment qu’un rapport de 1,5 contre 1 constitue pour l’Alliance une « suffisance ». La méthode des outputs donne d’autres résultats. Le modèle de William Lanchester s’est concentré sur l’attrition, en particulier celle produite par la concentration des feux. Le moindre décalage entre les deux parties produit l’annihilation du plus faible. Le niveau d’équilibre peut ne pas être 1 contre 1 et William Kaufmann l’a fixé à 1,414 pour l’Europe. Dans ces conditions, un rapport de force de 1,8 contre 1 produit l’annihilation complète de 40 divisions Otan en moins de 40 jours de bataille. Le modèle de Joshua Epstein suppose également un équilibre instable avec un rapport des inputs légèrement plus faible que celui qui produit l’équilibre. On voit alors le rapport des forces s’améliorer avec le temps et l’Otan se trouver en situation de supériorité au bout de 40 jours de bataille. Les deux méthodes produisent ainsi des résultats radicalement différents à partir de situations relativement voisines.
Pour l’auteur de l’article, la difficulté vient du fait que l’Otan ne peut savoir si elle sera en situation favorable en temps de crise. Une bataille instable produira une défaite rapide. Une concentration des forces attaquantes produira un avantage local et une percée dans un secteur clé. Si le rapport d’équilibre est stable, les déséquilibres auront tendance à disparaître. Le problème est de connaître la nature de la bataille moderne, blitzkrieg modèle juin 1940 (instable) avec prédominance à l’offensive, ou guerre de tranchées modèle 1914-1918 (stable) avec prédominance à la défensive. Une doctrine offensive est de nature plus provocante en cas de crise. En conclusion, Stephen Biddle pense que l’on doit rechercher la stabilité dans la bataille, mais il reste à en définir les facteurs. C’est, d’après lui, le véritable débat.
Le deuxième article a pour auteur David M. Shilling, du département de la Défense américain. Il étudie les critiques faites dans son pays aux budgets militaires en Europe. Il rappelle qu’entre 1971 et 1976 celui des États-Unis a subi d’importantes variations alors que les budgets européens croissaient régulièrement de 2 % par an. Entre 1980 et 1985, ils n’ont pas augmenté aussi vite qu’aux États-Unis. Ce qui compte, ce ne sont pas les inputs financiers mais les outputs en termes de matériels et d’unités. On s’aperçoit alors que, pendant les dix dernières années, beaucoup de nations de l’Otan ont modernisé leurs forces : nouveaux chars, nouveaux missiles antichars, etc. Les stocks de munitions ont été améliorés. Le SHAPE (Grand quartier général des puissances alliées en Europe) a récemment défini les missions fondamentales du temps de guerre, ce qui permet à chaque pays d’intégrer les nouvelles technologies dans sa programmation. Les états-majors de Bruxelles ont établi la liste des améliorations nécessaires : moyens d’arrêt de la première vague, mobilisation des réserves, renforts aériens immédiats, etc. En 1985, les ministres de la Défense se sont engagés dans un programme d’améliorations (Conventional Defense Improvements ou CDI). Le point fait en 1986 a montré de nets progrès.
David Shilling met en évidence des critiques qui s’appliquent en fait aux petits pays. Pour porter un jugement, il faut voir si les forces actuelles permettent d’appliquer la stratégie de riposte adaptée. En Centre-Europe, on apprécie mieux maintenant les forces soviétiques, soit 65 divisions contre 35 à l’Alliance, avec 30 divisions en deuxième échelon. Ces dernières ne peuvent arriver au contact avant plusieurs semaines car 70 % des forces stationnées en URSS ne sont pas opérationnelles. Par contre, l’Alliance a amélioré le système Pomcus de prépositionnement de matériel. L’arrivée des renforts américains serait facilitée par « le concept de la nation-hôte », où des dizaines de milliers d’Européens prêteraient leur concours. L’élément conventionnel de la riposte adaptée paraît ainsi suffisamment solide, surtout si l’on tient compte d’autres éléments, forces françaises, technologie occidentale supérieure, etc.
David Shilling distingue deux périodes dans la bataille, la deuxième étant celle dans laquelle arrivent au contact les forces mobilisées en URSS. Cette distinction devrait, d’après lui, peser très lourd dans les négociations de réduction des armements conventionnels. Pour la première période, il est pensable de pouvoir renoncer à des divisions Pomcus en gardant la cohésion de la défense en Europe qui devra probablement céder quelques éléments non américains, en plus grand nombre que les éléments non soviétiques dans les forces du Pacte. Par contre, avec en vue la deuxième période, l’URSS devrait réduire le nombre de ses divisions du deuxième échelon, ce qu’elle peut faire car celles-ci ne servent pas à tenir les pays satellites et sont de valeur relativement faible.
David Shilling conclut en affirmant que la situation en Europe du centre n’est pas désespérée au point de déstabiliser l’Alliance en cherchant à forcer les Européens à augmenter leurs budgets militaires. Les critiques doivent être réservées pour les vrais coupables, les petits pays. Pour le reste, l’Alliance est dans la bonne voie.
L’étude sur la doctrine militaire soviétique est en fait la critique par Christoph Bluth du King’s College de Londres, d’un livre de Michael MacGwire sur les objectifs militaires dans la politique étrangère soviétique.
La thèse principale de Michael MacGwire est qu’au milieu des années 1960 il y a eu un changement fondamental de la manière dont les Soviétiques voient une guerre future. Bien avant décembre 1966, ils ont admis que la première phase d’une guerre en Europe serait conventionnelle, le danger de l’escalade au nucléaire restant considérable. Dans la deuxième moitié de la décennie, ils auraient admis qu’il n’était plus inévitable qu’une guerre mondiale conduise à une frappe nucléaire sur l’URSS. Un des objectifs de leur politique militaire serait alors d’éviter cette escalade, malgré la stratégie de la « réponse flexible ».
Pour Christoph Bluth, la littérature militaire soviétique ne confirme pas la thèse de MacGwire, mais montre qu’une phase purement conventionnelle est envisageable et qu’il est impossible d’effectuer une première frappe détruisant entièrement les forces stratégiques adverses. Si l’Otan attaque, ce sera conventionnellement. Les Américains admettent les guerres limitées parce que leur territoire n’en souffre pas. Ainsi Michael MacGwire a raison quand il déclare que les Soviétiques ont adopté un concept de sanctuarisation des territoires des deux superpuissances, mais il interprète trop étroitement les textes.
Cela amène Christoph Bluth à étudier comment les Soviétiques conçoivent leur doctrine militaire, qui est en fait la politique du parti et du gouvernement dans le domaine militaire. Cette doctrine a force de loi contrairement à la science militaire, système unifié de connaissances dont l’application aux opérations est l’art militaire. Selon notre auteur, Michael MacGwire donne une origine rationnelle à ce qui a été assez souvent un débat confus et irrationnel ; le changement décrit par celui-ci a bien eu lieu. Richard Pipes et J.D. Douglass se trompent quand ils attribuent aux Soviétiques l’idée d’une victoire dans une guerre nucléaire : ils confondent ce qui est défense militaire avec l’utilisation de la force militaire dans la politique. Dans son discours de Toula de janvier 1977, Brejnev a accepté la parité nucléaire et amorcé le « non-emploi en premier ». En 1981, il a renouvelé son adhésion au principe de la destruction mutuelle assurée et a même nié la possibilité d’une victoire en guerre nucléaire. La conclusion de Michael MacGwire est donc exacte. Les Soviétiques cherchent surtout à décider de la meilleure politique à suivre au cas où la guerre deviendrait inévitable.
Georges Outrey
• La livraison 3/88 de la revue Europäische Wehrkunde est principalement consacrée à la XXVe Rencontre internationale de la Société pour les études de défense, tenue à Munich du 5 au 7 février 1988. Elle donne in extenso les interventions du chancelier Kohl, des ministres de la Défense Manfred Wörner, André Giraud, Frank Charles Carlucci, du député Hans-Jochen Vogel (SPD, Parti social-démocrate d’Allemagne), des sénateurs américains Sam Nunn et Robert Carlyle Byrd, du général John Rogers Galvin, SACEUR (Commandant suprême des forces alliées en Europe), de l’ambassadeur (er) J.G. Tower… tandis que le rédacteur en chef de la revue, Wolfram von Raven, résume l’essentiel des débats sous le titre : « Soucis anciens et espoirs neufs ». Annoncée pour ce numéro, l’étude du rapport Discriminate deterrence est de ce fait renvoyée au mois prochain.
Comme toutes les précédentes, la session était préparée et dirigée par E.H. von Kleist (1). Elle a réuni 184 dirigeants civils et militaires de haut rang dont 12 ministres ou chefs de gouvernement, parlementaires, savants, journalistes des nations de l’Alliance et de quelques pays neutres. « Un tel forum permet, mieux que les conférences officielles de l’Otan, de confronter, coram publico, des points de vue sur la stratégie qui ne se bornent pas à l’exposé de thèses gouvernementales, puisque l’opposition y participe. La franchise d’expression y est totale » (Tower).
La rencontre a été dominée par les problèmes en rapport avec le récent Accord sur l’élimination des forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) : inquiétudes européennes avant, suivies d’une euphorie excessive après, avec une évolution inverse des courbes de popularité de Reagan et de Gorbatchev ; craintes en République fédérale d’Allemagne (RFA) (objectif désigné des armes nucléaires conservées sur son sol) d’une « singularisation » de sa situation et d’un « découplage » avec l’Amérique ; réticences des Européens à s’engager aux côtés des États-Unis, même pour protéger des intérêts majeurs communs mais situés « hors zone Otan ». Ouvrant les débats, « le chancelier s’est honnêtement efforcé de clarifier les problèmes » mais, sauf à mettre en danger la cohésion gouvernementale, il ne pouvait traiter à fond de la « modernisation » des armes nucléaires conservées, « ce seul mot ayant sur Genscher l’effet de l’eau bénite sur le diable » (Raven) (2). Alfred Dregger (CDU, Union chrétienne-démocrate d’Allemagne) ose en parler, mais avec de telles contorsions que Egon Bahr (SPD) le félicite « de se convertir aux thèses de l’opposition », Kohl rétorquant que « Dregger est bien le dernier qu’on puisse accuser de désertion » …
Sonnenfeldt expose les projets américains de modernisation, indispensables pour pouvoir frapper les grands arrières d’un agresseur. L’ambassadeur Burt s’élève contre toute idée de « singularisation » du sol de la RFA : grâce à la dissuasion, et en échange du partage des risques, tous bénéficient d’un même niveau de sécurité. William Sebastian Cohen s’en prend au « genschérisme » qui semble gagner de plus en plus la RFA. L’analyse des intentions de Gorbatchev et les spéculations à leur sujet « restent le fil rouge des discussions » mais, après ses entretiens à Moscou, le ministre-président de Bavière Franz Josef Strauss constate seulement que « L’URSS ne veut certes pas la guerre, mais elle ne nous laisse vraiment pas deviner la sorte de paix qu’elle veut ». Aussi, pour Robert Carlyle Byrd, leader démocrate du Sénat, le maître mot reste-t-il « prudence »…
• H.J. Vogel (« Sécurité en Europe : une tâche commune à l’Est et à l’Ouest ») répète les thèses maintenant classiques du SPD : rechercher « une percée dans la dynamique du désarmement… bannir les armes nucléaires déployées dans des pays qui n’en possèdent pas… faire confiance aux efforts de Gorbatchev ». M. Wörner plaide au contraire pour « réalisme et sobriété » : ne se fier qu’aux faits ; priorité au désarmement (classique et chimique) asymétrique ; faire face à trois défis majeurs : ne pas négliger la défense conventionnelle, maintenir au niveau nécessaire les armes nucléaires (« à terre, en avion, à la mer ») déployées en Europe, améliorer les relations avec l’Est, mais « sans laisser s’endormir l’esprit de défense du peuple ».
André Giraud (« Sécurité, au sens large, de l’Europe ») rappelle la position française, se félicite du rapprochement militaire franco-allemand, pas important vers une rénovation de l’UEO (Union de l’Europe occidentale) qu’il faut ouvrir à l’Espagne et au Portugal pour constituer les fondations du pilier européen d’une Alliance atlantique toujours aussi indispensable. « Pas d’alliance forte sans une Europe forte… Une situation de dépendance ne renforcerait ni notre solidarité, ni la prise de conscience par chacun de ses responsabilités ». Prenant acte d’une « sensibilité compréhensible » des Allemands au risque nucléaire, il souligne que des forces classiques, même appuyées par les armes nucléaires stratégiques seules, ne sauraient avant longtemps suffire à assurer la sécurité de l’Europe. L’accroissement de la portée des armes nucléaires tactiques devrait donc être entreprise au plus vite… « Il ne faudrait pas que des appréciations nationales divergentes aboutissent à des contradictions majeures entre les politiques, tant de défense que de désarmement, menées par nos pays ».
« L’engagement de l’Amérique pour la sécurité de l’Europe », de F.C. Carlucci, souligne le caractère, « très important certes, mais consultatif », des avis de la Commission Discriminate deterrence (bien que présent, Fred Iklé, son président, n’est pas intervenu). L’Otan tout entière va être de plus en plus confrontée à des menaces se révélant hors de la zone qu’elle couvre : pénétration soviétique au Proche-Orient, dont le pétrole va redevenir aussi indispensable qu’il y a quinze ans, dans le Nord de l’Afrique où on ne saurait exclure a priori l’installation de bases soviétiques en Libye, aux Caraïbes que traverse 60 % du trafic logistique Otan vers l’Europe ; multiples conflits locaux ; instabilité dans le Pacifique… Les études de la situation « hors zone Otan », entamées en 1981-1982 au Comité des plans de défense, sont à reprendre avec la détermination d’aboutir à des solutions communes, en se rappelant que certains efforts américains ailleurs contribuent aussi à la sécurité de l’Europe ; il ne saurait être question de découplage, pas plus que de singularisation du risque allemand. Il est temps de se décider à appliquer toutes les décisions prises à Montebello en 1983 (3) et de pallier, malgré les limitations imposées par la crise économique, les insuffisances criantes concernant la FOFA (Follow-on Forces Attack), le ravitaillement, la capacité de durer, la défense aérienne (sans oublier qu’à plus ou moins brève échéance, n’importe quel type d’objectif, s’il a été localisé, devrait pouvoir être détruit n’importe où par des armes autres que nucléaires). Rien de tout cela ne contrevient à l’Accord FNI qui n’entraîne par ailleurs aucune réduction significative des moyens classiques américains stationnés en Europe.
Et il conclut : « Le défi majeur consiste à maintenir une volonté commune de défense… (Cela doit comporter)… le soutien efficace de nos bases par nos alliés, et non une politique visant à effacer les traités sur lesquels elles reposent,… la volonté, en cas de crise, de fournir aux renforts le soutien voulu et de procéder à temps à la montée en puissance de leurs propres forces… J’aimerais apprendre de vous comment on pourrait améliorer une coopération destinée à témoigner de notre résolution là où elle importe vraiment, là où se produirait une agression à étouffer dans l’œuf… De part et d’autre de l’Atlantique, des contradicteurs veulent nous convaincre de renoncer à notre objectif constant et d’abandonner nos responsabilités, notre stratégie d’alliance… L’isolationnisme peut surgir partout, de la Turquie à la Californie, de l’Espagne à la Scandinavie. Seul le soutien durable des peuples de nos démocraties sera finalement capable de maintenir la cohésion d’une Alliance qui négocie sur les armements et pilote les crises dans le but d’éviter les guerres… Ne nous laissons pas séduire par ceux qui prétendent que nos efforts vont à rencontre des efforts de paix : le plus grand mouvement de la paix de l’histoire, c’est l’Alliance qui unit nos États ». Richard Perle, récemment encore une haute personnalité du Pentagone, ajoute alors qu’il « ne saurait admettre le maintien de troupes américaines sur un sol européen qu’on aurait démuni d’armes nucléaires » (4), et le général von Sandrat, CINCENT (Commander in Chief, Allied Forces, Central Europe), déclare ne pas voir « ce qu’auraient de diabolique des armes qui assurent notre sécurité depuis quarante ans ».
Le sénateur Nunn (« Signaux de danger et poteaux indicateurs pour l’Alliance ») développe un concept liant étroitement l’avancement des négociations nucléaires au désarmement classique et chimique, dans le droit fil des réflexions de Carlucci. Pour le SACEUR (« améliorons la capacité de combat des forces conventionnelles »), en dépit des risques découlant de l’Accord FNI, il est en mesure de remplir sa mission de dissuasion, mais la modernisation des forces nucléaires, et plus encore classiques, devient urgente.
Raven constate en conclusion que « le colloque a soulevé plus de questions cruciales qu’il n’a apporté de réponses concrètes ». Chacun pour son pays, les sept ministres de la Défense présents ont réaffirmé le bien-fondé des décisions de Montebello mais même Strauss doute de la possibilité de les mettre à exécution « à cause d’une aversion pour les armes nucléaires qui s’est étendue et renforcée en Allemagne, surtout depuis Tchernobyl ». Sans le nier, Wörner a promis que la décision serait prise « l’heure venue ». Les discussions de Munich prouvent que celle-ci a sonné depuis longtemps : « Qu’attend le gouvernement fédéral, de plus en plus miné par l’atmosphère de singularisation, pour réveiller l’opinion, pour lui faire percevoir combien il est illogique d’approuver une stratégie de riposte flexible reconnue valable tout en refusant les moyens techniques et militaires nécessaires à son application ? Quel cours l’Otan entend-elle suivre dans les prochaines négociations sur le désarmement ? »
La réunion de Munich a néanmoins été des plus utiles : « Elle a surabondamment prouvé la persistance d’une perplexité de la volonté actuellement paralysée dans l’attente d’une évolution de la situation, perplexité qui aurait besoin d’être énergiquement secouée si on veut éviter qu’elle ne finisse par dégénérer en résignation… Ces conversations entre experts ont fait toucher du doigt le danger couru par la RFA de basculer dans le vide parce que des espoirs neufs n’ont pas encore repoussé ses vieux soucis ».
Jean Rives-Niessel
(1) Poméranien, né en 1922 dans une famille de très vieille noblesse terrienne, la guerre est venue interrompre sa formation d’agronome. Officier d’infanterie, il est blessé devant Leningrad ; ataviquement hostile au nazisme, il participe au « complot du 20 juillet », est arrêté, exclu de l’armée, envoyé en camp de concentration tandis que son père est exécuté. Depuis sa libération, il milite pour la sécurité européenne, fondant cette revue (dont il est toujours l’éditeur), la Société et les rencontres internationales du même nom, autre façon de témoigner de son amour de la terre et de son aversion pour les totalitarismes.
(2) Un autre article de Raven (« l’inventaire ») dresse le catalogue des points d’accord et de désaccord entre Alliés, tels qu’ils ressortent des différences entre les divers communiqués du dernier Sommet de Bruxelles et entre les textes signés et leurs traductions. On a pu remarquer, à cette occasion, que « sans le dire ouvertement, l’Alliance a l’impression que la RFA traverse en ce moment une période de flottement qui porte ombrage à sa situation (dans l’Otan)… À nous (Allemands) d’en prendre conscience au lieu d’essayer de ne pas nous en apercevoir parce que ce fait nous déplaît ».
(3) Repli (réalisé) de 1 400 têtes nucléaires, mais aussi remplacement des Lance ; développement d’un missile stand off, d’avions à double capacité et de bombes nucléaires, modernisation de l’artillerie nucléaire.
(4) Le n° d’avril 1988 de Défense Nationale semblait (page 200) attribuer cette affirmation au secrétaire à la Défense.