Afrique - Les États africains de la Ligue arabe
Le sommet extraordinaire des États arabes, tenu à Alger du 7 au 10 juin 1988, a réuni 16 rois et chefs d’État ainsi que le leader de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), M. Yasser Arafat. En dehors de quatre émirs de la péninsule arabe, des rois d’Arabie saoudite et de Jordanie, six présidents sur les neuf présents étaient africains. Trois dirigeants étaient absents, le président de l’Irak, le sultan d’Oman et le chef de l’État somalien. La simple comparaison des chiffres montre l’importance qu’occupent les États africains dans les relations interarabes, et par voie de conséquence, les répercussions que les tensions propres à l’Afrique peuvent avoir sur les crises de la « nation arabe », la réciproque étant d’ailleurs encore plus évidente.
Toutefois, on observe que les problèmes qui divisent le Proche-Orient ne sont pas tous perçus en Afrique ; de même, certaines affaires jugées vitales par les dirigeants du continent africain n’ont aucun écho dans le monde arabe. La guerre Iran-Irak apparaît, par exemple, comme une péripétie lointaine à l’ensemble de l’Afrique ; de même, le problème moral que cause l’apartheid d’Afrique du Sud ne parvient pas à la conscience de la plupart des pays arabes qui ne semblent le poser que par pure courtoisie. En revanche, les États africains de l’hémisphère Sud, aussi bien que les pays subsahariens, sont concernés par le conflit israélo-arabe ; ils le sont dans la mesure où les deux adversaires sollicitent leurs suffrages à l’occasion des débats internationaux, ce qui implique donc la diplomatie active des deux camps. De la même manière, les pays arabes d’Afrique du Nord et ceux du Proche-Orient sont attentifs à tout ce qui peut changer l’équilibre politique d’une zone s’étendant grosso modo du Kenya à l’Afrique de l’Ouest, zone qui comprend des populations en majorité islamisées et dont les États, par la clientèle qu’ils peuvent procurer à tel ou tel clan, sont capables d’augmenter l’audience dudit clan au sein de la Ligue arabe. Égypte, Maroc, Algérie, Libye, tous membres de cette organisation, ont tour à tour cherché, par des alliances avec des pays du Sahel, un complément d’influence internationale qui devait s’exercer en priorité pour débattre des problèmes du monde arabe. En tout état de cause, chacun de ces États, par une action diplomatique directe ou dans le cadre de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), déploie sur le continent une politique qui vient rarement compléter celle des autres membres de la Ligue arabe, pays qu’il considère même presque toujours comme des rivaux potentiels. Ces oppositions s’expliquent par les affrontements qu’ils connaissent entre eux à l’occasion des problèmes nés de traditions différentes, de l’adoption d’idéologies concurrentes ou encore des litiges causés par un découpage colonial un peu trop artificiel. À ces oppositions viennent s’ajouter les interférences de certaines puissances du Proche-Orient comme l’Arabie Saoudite, les Yémens, certains émirats et, à un moindre degré aujourd’hui, l’Iran, qui profitent de ce que les pays de l’Afrique sahélienne cherchent à se protéger des influences venues du Nord pour proposer un soutien qui s’est avéré jusqu’ici plus moral que réellement tangible.
Certains des pays africains de la Ligue arabe connaissent des tensions intérieures. En est un exemple la Somalie, dont le président n’est pas venu à Alger parce qu’il était retenu par des difficultés avec les tribus du nord de son pays. D’autres sont confrontés à des crises plus ou moins ouvertes qui les opposent à leurs voisins, membres de la Ligue arabe ou non. C’est le cas de l’Algérie et du Maroc qui s’affrontent à propos du Sahara occidental et d’un contentieux frontalier. C’est aussi le cas de la Libye et de la Tunisie, de la Libye et du Tchad, de la Somalie et de l’Éthiopie, de l’Égypte et du Soudan qui, trop proches pour rester indifférents devant leurs difficultés respectives, se cherchent souvent des querelles destinées à se protéger l’un de l’autre en se singularisant.
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