Afrique - Algérie : deux totalitarismes contre pragmatisme - Surprises à la conférence franco-africaine de Casablanca
Algérie : deux totalitarismes contre le pragmatisme
Les émeutes d’Algérie, déclenchées comme par miracle le 4 octobre 1988 et qui ont gagné en quelques heures la plupart des villes côtières, ont débouché sur trois événements : le référendum du 3 novembre qui a plébiscité l’action du gouvernement, le congrès du parti qui a décidé de poser la candidature du président Chadli Bendjedid aux prochaines élections présidentielles (candidature unique conformément à la Constitution), enfin la formation d’un gouvernement de technocrates présidé par M. Kasdi Merbah qui fut, pendant longtemps, le chef de la sécurité militaire, c’est-à-dire une des éminences grises du régime. Résultat concret pour les émeutiers : le ravitaillement parvient à des magasins ouverts à tous et non au seul Riadh al Fat’h inaccessible au commun des mortels. Résultats possibles pour les partisans d’une démocratisation des institutions de la république : une plus grande liberté de la presse, une publicité certaine donnée aux protestations des ligues des droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne la répression des derniers troubles. Conclusion que feront probablement les cadres du Front de libération nationale (FNL) : l’impossibilité d’échapper à la politique dictée par la présidence si le président conserve le soutien de l’Armée nationale populaire (ANP), à supposer toutefois que l’armée demeure monolithique. Résultats concrets pour le président Chadli : les émeutes réclamant la libéralisation du régime se sont calmées ; les plus radicaux du FLN auront désormais plus de mal à lui reprocher les réformes économiques qu’il propose, ainsi que ses petits pas en direction de l’Occident, rapprochement symbolisé par la reprise des relations avec le Maroc, puisque cette évolution semble correspondre à la volonté populaire.
Les conclusions telles que nous les décrivons ne sont qu’apparence. En réalité, la situation demeure tendue et incertaine, parce que les données du problème sont difficiles à déceler. Les milieux politiques s’expriment beaucoup, du moins les officiels qui n’ont pas de responsabilités réelles ou les personnalités de l’opposition. Quant aux forces qui détiennent les clés de la situation, elles sont composées de membres particulièrement discrets. Toutefois, elles représentent le noyau actif d’une nation en gestation. Malgré les apparences, leur souci ne semble pas avoir été d’imposer une idéologie ; au contraire, elles ont paru vouloir se servir d’une idéologie pour créer les structures d’un État, assurer l’unité nationale et doter la nation d’une personnalité qui lui permette d’exister dans des frontières définies et de se singulariser par rapport aux pays voisins.
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