Marine - La Marine royale australienne
Le 1er octobre 1988, dans la magnifique baie de Sydney, le croiseur Colbert et les avisos-escorteurs Amiral Charrier et Commandant Bory prenaient part, avec une soixantaine de navires représentant dix-sept Nations, à l’une des plus impressionnantes revues navales du monde.
Un an avant la France, l’Australie célébrait un bicentenaire, celui de sa fondation par les premiers colons blancs, quelques centaines de « convicts » débarqués sur son sol par le capitaine Arthur Phillip. Deux siècles plus tard, ce pays immense – quatorze fois la superficie du nôtre – compte 16 millions d’habitants, dont le niveau de vie est comparable à celui des grands pays industrialisés grâce à une balance agricole très largement excédentaire et à l’exploitation d’un sous-sol minier particulièrement riche. Mais l’insuffisance du secteur industriel et le déséquilibre des échanges extérieurs constituent les principaux obstacles à la croissance.
Une nouvelle politique de Défense
Sa situation excentrée et le faible niveau de son économie n’ont jamais permis à l’Australie de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale. La politique de Défense a été longtemps marquée par la doctrine du « repli sur soi » découlant d’une perception floue de la menace. Il y a deux ans, le ministère de la Défense se livrait à une réappréciation de la situation dans un Livre blanc qui contrebattait l’idée selon laquelle l’Australie serait protégée par son insularité et par l’absence de voisins hostiles. L’étude rétablissait la notion de danger potentiel et substituait au précédent concept celui d’une « défense en profondeur », inspiré peut-être par les États-Unis, qui autorisait désormais les interventions navales et aériennes dans la zone du Pacifique Sud et du Sud-Est asiatique. Cette nouvelle politique, qui lui est favorable, contribuera-t-elle à l’essor de la Marine ?
Une Marine plus sollicitée
La Marine royale australienne est une marine d’importance moyenne dont les responsabilités vont croissant ces dernières années. Trois grandes missions lui ont été confiées.
La défense des intérêts du pays : défense du littoral et des approches maritimes, notamment sur la côte Nord ; surveillance et contrôle de la Zone économique exclusive.
Une présence plus marquée dans la zone du Pacifique Sud afin de maintenir son influence sur les micro-États qui pourraient être tentés par des propositions venant de pays extérieurs à la région. Pour prévenir cette éventuelle désaffection qui lui ferait perdre le leadership qu’elle escompte obtenir à terme, l’Australie vient d’offrir à sept États insulaires une aide dans le domaine de la surveillance des pêches : ces derniers, incapables d’assurer convenablement la surveillance de leur Zone économique exclusive avec leurs moyens militaires propres, devraient bénéficier de l’assistance de trois avions de patrouille maritime Lockheed P-3 Orion et de la fourniture de petits patrouilleurs assortie de la maintenance, du soutien logistique et de la formation des équipages. Le projet est estimé à 62 millions de dollars australiens.
Le respect des engagements pris au titre des accords de défense qui lient l’Australie et de nombreux États.
• Compte tenu de leur communauté d’origine et de la situation régionale des deux pays, la Nouvelle-Zélande est un partenaire privilégié. Une étroite coopération militaire s’est instaurée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, que Wellington et Canberra n’ont cessé d’entretenir dans bien des domaines : matériel, entraînement, logistique.
• Destiné à l’origine à faire front contre une éventuelle renaissance du militarisme japonais, le traité de l’ANZUS signé en 1951 par l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis prévoit que chacun des signataires « agira pour faire face à un danger commun » en cas d’agression armée contre le territoire de l’un d’entre eux ou contre ses forces armées, navales ou aériennes dans le Pacifique. Des exercices conjoints et des activités militaires communes réunissaient régulièrement les trois signataires jusqu’en février 1985, date à laquelle une crise sérieuse a ébranlé le traité : à la suite du refus de la Nouvelle-Zélande d’accueillir dans ses ports des bâtiments nucléaires américains, les relations entre les deux voisins se sont assombries et l’Australie s’est ouvertement rangée aux côtés des États-Unis. Depuis lors, l’ANZUS est mis en sommeil. Les États-Unis demeurent l’allié principal de l’Australie, pour laquelle il ne peut y avoir ni forces mixtes, ni intégration au sein des forces américaines. En août 1989, les manœuvres interarmées « Kangourou » constituaient la première application d’envergure des principes stratégiques de défense définis en 1987.
• En 1971, était signé le pacte des cinq Nations entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne, la Malaisie et Singapour pour assurer la défense de ces deux derniers pays à l’aide, en particulier, d’un dispositif de défense aérienne intégrée. Le déploiement périodique de McDonnell Douglas F/A-18 Hornet en Malaisie est remplacé peu à peu par des exercices conjoints.
Des forces navales encore modestes
Avec un tonnage d’environ 115 000 tonnes, la Marine royale australienne dispose essentiellement :
– d’une force sous-marine composée de 6 sous-marins type Oberon équipés du Sub-Harpoon antinavire et de la flûte remorquée à très basse fréquence de conception nationale, le Karrawara ;
– d’une force de haute mer constituée de 3 destroyers lance-missiles type Charles Adams commandés aux États-Unis il y a une vingtaine d’années et dont les systèmes d’armes et les équipements de guerre électronique ont été récemment modernisés ; 4 frégates lance-missiles type FFG-7, construites aux États-Unis et de 5 frégates type River dérivées des Rothesay britanniques et construites en Australie ;
– d’une force de patrouille côtière composée de 15 patrouilleurs de 200 tonnes type Fremantle et de 5 patrouilleurs de 150 tonnes type Attack ;
– d’un chasseur de mines du type Ton et de deux nouveaux chasseurs de mines qui terminent leurs essais et sont dotés d’une coque catamaran, de deux gouvernails actifs et de deux poissons autopropulsés type Pap-104 de notre marine ;
– d’un pétrolier-ravitailleur du type Durance dérivé et de divers bâtiments de débarquement et de soutien.
Depuis le désarmement définitif du porte-avions Melbourne, l’aéronautique navale ne possède plus que des hélicoptères Westland Wessex, Westland Seaking et Aérospatiale AS350 Écureuil et attend la livraison de 16 Sikorsky SH-60 Seahawk à capacités anti-sous-marine et antisurface pour armer les frégates FFG-7.
Le programme de renouvellement de la flotte est ambitieux et comprend trois projets :
– l’acquisition de 6 sous-marins d’attaque suédois type 641 dont le premier devrait être livré en 1994 ;
– le programme ANZAC conduit en commun avec la Nouvelle-Zélande (Australian-New Zealand Defence Coopération) et qui prévoit la construction en Australie de 8 à 12 frégates à long rayon d’action équipées d’un hélicoptère Seahawk. En août 1989, le ministre de la Défense australien faisait connaître son choix des frégates allemandes Meko et, le 7 septembre 1989, son partenaire néo-zélandais passait commande ferme de deux de ces frégates ;
– la création d’une force de lutte contre les mines fondée sur 6 chasseurs de mines à coque catamaran
– dont deux seront prochainement admis au service actif – complétée par des bâtiments de commerce équipés de moyens spécialisés conçus en Australie.
À travers ces projets, apparaît très clairement la volonté australienne de créer une industrie d’armement nationale qui soit en mesure d’exporter.
Un redéploiement naval inévitable mais coûteux
Comme les deux autres composantes armées, la Marine est actuellement concentrée sur le littoral Sud-Est, la flotte étant pour l’essentiel basée à Sydney. Darwin et Cairns, sur la côte Nord, sont des points d’appui. Devant le développement spectaculaire de certaines marines de la zone (Inde, Chine, Japon) et l’activité navale sans précédent dans cette région, l’Australie voudrait disposer désormais d’une marine océanique capable de maintenir un déploiement naval permanent et de contribuer ainsi à la stabilité dans cette partie du monde. Elle assure dès à présent une permanence d’un ou deux bâtiments de surface et d’un sous-marin dans le Sud-Est asiatique.
Le redéploiement de la moitié de la flotte sur la côte occidentale est prévu au tournant du prochain siècle. La base de Stirling, au sud-ouest de Perth sur l’océan Indien, accueillera une part importante des forces de surface et sous-marines pour un coût évalué à 330 millions de dollars australiens.
Le budget de la défense est traditionnellement de l’ordre de 2,8 % du PIB. À la suite du krach boursier d’octobre 1987, qui n’a pas épargné l’économie australienne, ce budget a été révisé à la baisse. Il est aujourd’hui insuffisant pour permettre à la Marine australienne de voir la réalisation de tous ses programmes.
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Consciente du rôle de puissance régionale qu’elle pourrait jouer dans une partie du monde en pleine mouvance, l’Australie se trouve confrontée à plusieurs défis qu’elle souhaiterait relever : affirmer sa présence en océan Indien pour y contrebalancer l’importance d’une marine indienne en plein développement ; maintenir son emprise sur les micro-États et contrer la progression de l’influence soviétique dans le Pacifique. Pour ce faire elle a besoin d’une marine forte, dont elle ne peut assurer le financement compte tenu des difficultés qu’elle rencontre dans les domaines économique et social. Son allié américain pourrait l’aider à se doter de cet outil qui s’avère adapté aux desseins politiques d’un État. ♦