Obérées par l'héritage historique des conflits qui ont opposé durant la première moitié du XXe siècle les deux nations, les relations nippo-soviétiques se libèrent lentement de ce climat de méfiance, d'autant que pèse sur elles la question lancinante des Territoires du Nord — quatre îles situées au Nord de Hokkaido et occupées depuis 1945 par les Soviétiques. Mais cette question, pas plus que celle de la coopération du Japon au développement de la Sibérie, ne peut s'abstraire des relations quadrangulaires Tokyo-Moscou-Washington-Pékin. La soif de ressources énergétiques du Japon est sans doute de nature à faire évoluer cette configuration, mais pas nécessairement dans le sens de la prépondérance du côté soviétique.
Les relations nippo-soviétiques
Le développement des relations nippo-soviétiques n’est pas favorisé par leur héritage historique. D’un côté comme de l’autre, les souvenirs du passé sont de nature à nourrir la méfiance, voire une certaine hostilité. À Moscou, c’est la politique expansionniste du Japon dont les armées du Tsar firent les frais en Mandchourie en 1904 et qui provoqua des heurts sanglants avec l’Armée Rouge en Sibérie en 1938 et 1939 ; c’est aussi l’intervention nippone en Sibérie, lors de la Révolution soviétique, qui ne se termina qu’en 1923. À Tokyo, c’est l’entrée en guerre de l’URSS, en 1945, en violation du pacte de non-agression nippo-soviétique, alors que le Japon était déjà à genoux ; c’est aussi la détention en Russie, plus de quatre ans après la fin de la guerre, de 800 000 prisonniers japonais qui y furent durement traités.
Le caractère particulièrement négatif de cet arrière-plan explique que la reprise des relations n’ait été que très lente entre les deux pays. Ajoutons que la situation de dépendance dans laquelle se trouvait le Japon par rapport aux États-Unis après 1945 ne pouvait, tout au long de la période de guerre froide, qu’inciter Moscou à la plus grande réserve.
Ce n’est donc que plus de dix ans après la fin de la guerre et trois ans après la mort de Staline qu’un premier résultat a été obtenu. Lors de la visite qu’il a effectuée à Moscou en 1956, le Premier ministre japonais, M. Ichiro Hatoyama, signait avec M. Boulganine, le 15 octobre, une « Déclaration commune » par laquelle les deux pays décidaient de faire cesser entre eux l’état de guerre et de rétablir des liens diplomatiques. L’URSS se déclarait prête à appuyer la candidature du Japon aux Nations Unies à laquelle elle avait mis obstacle jusqu’alors ; elle acceptait de rapatrier tous les citoyens japonais détenus sur son territoire ; elle renonçait à exercer des réparations. Les deux pays faisaient entrer en vigueur des conventions, notamment sur la pêche en haute mer dans la partie Nord-Ouest du Pacifique. Ils convenaient d’engager rapidement des négociations en vue d’accords de commerce et de navigation et de poursuivre celles déjà commencées en vue de la conclusion d’un traité de paix. Dans cette perspective, l’URSS acceptait d’ores et déjà, en principe, de remettre au Japon deux îlots : Habomai et Shikotan situés au Nord-Est du Hokkaido et qu’elle occupait depuis 1945, « la remise effective de ces îles au Japon n’intervenant cependant qu’après la conclusion du traité de paix entre l’URSS et le Japon ». Par un protocole séparé, Tokyo et Moscou s’accordaient la clause de la nation la plus favorisée.
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