Aéronautique - La défense sol-air d'une base aérienne (II)
La chronique du mois dernier était consacrée à la défense sol-air des points sensibles de l’Armée de l’air. Elle évoquait en particulier le concept dans lequel cette défense s’inscrit et les deux formes – défense passive, défense active – qu’elle revêt sur les bases aériennes.
La chronique d’aujourd’hui se propose de décrire les caractéristiques techniques et les performances des armes antiaériennes en service dans l’Armée de l’air et d’évoquer les évolutions prévisibles de la défense sol-air des bases.
Description technique sommaire et performances des armes antiaériennes
Le bitube de 20 millimètres 76T2
Il intervient en complément du Crotale et du Mistral pour assurer en dernier recours la protection rapprochée des points sensibles. Sa portée est de l’ordre de 2 kilomètres. C’est un armement qui dispose d’une totale autonomie tant électrique qu’hydraulique. La conduite de tir assure automatiquement les corrections de tir, sur la base des données affichées par le tireur. La visée est facile et le service de l’arme peut être assuré par du personnel peu qualifié.
Arme rustique, facile d’emploi, le bitube de 20 mm offre des capacités de défense très intéressantes, face à des assaillants volant à très basse altitude à proximité de l’objectif.
Le SACP Crotale
Système sol-air courte portée à base de missiles, le Crotale est destiné à la défense rapprochée des points sensibles contre des attaques d’avions rapides évoluant à basse et très basse altitudes.
Mobile, autonome et aérotransportable, la section de feu est essentiellement constituée par :
– Une unité d’acquisition équipée d’un radar pulse doppler.
– Deux unités de tir comprenant chacune un radar monopulse et une rampe de quatre missiles prêts au tir. Le ralliement du missile sur l’axe radar s’effectue par écartométrie infrarouge. Une caméra de télévision aide l’accrochage et la poursuite. Le missile est équipé d’une fusée de proximité infrarouge. Sa portée est de l’ordre de 8 km et son plafond de 4 km.
Le système Crotale est bien adapté à la défense aérienne rapprochée des points sensibles contre un hostile rapide volant à moins de 4 000 m d’altitude. Sa fiabilité et son efficacité peuvent être renforcées en constituant des sections de feu à 2 unités d’acquisition et 3 unités de tir.
Le missile Sol-air très courte portée (SATCP) Mistral
Pour faire face à l’évolution de la menace, l’Armée de l’air a décidé de compléter la défense sol-air des bases aériennes, assurée principalement par des systèmes Crotale et des canons de 20 millimètres, avec un missile sol-air dont la portée se situe entre celle des canons et celle du missile Crotale.
Le Mistral se présente sous la forme de deux fardeaux individuels pesant une vingtaine de kilogrammes chacun. L’un comprend la munition, dans son emballage tactique, l’autre le trépied de tir. Le missile est guidé par son autodirecteur infrarouge passif ; une fusée de proximité au laser assure la mise à feu de la charge militaire.
Les principales qualités de ce système sont sa légèreté qui lui confère une grande mobilité, sa simplicité d’emploi, sa discrétion avec son autodirecteur passif infrarouge, et sa rusticité.
Le système Hawk
Une batterie Hawk se compose d’un radar de surveillance à longue portée, d’un radar doppler continu pour la couverture basse altitude, de 2 illuminateurs grande puissance assurant chacun la conduite en site et en gisement de 3 rampes dotées de 3 missiles prêts au tir. À cet ensemble, sont associés un radar de télémétrie et un poste de commandement qui centralise toutes les informations et attribue les cibles.
La batterie Hawk compte 18 missiles prêts au tir. Un missile est un engin semi-actif dont la vitesse est supérieure à Mach 2 [NDLR 2021 : soit 2 fois la vitesse du son], la portée de l’ordre de 40 km en distance et de 18 km en altitude.
Le système Hawk est bien adapté à l’interception moyenne portée des cibles volant à haute et moyenne altitudes, créneaux qu’il occupe seul parmi les systèmes sol-air à la disposition de la défense aérienne. Son domaine d’action est complémentaire de celui du Crotale.
L’avenir
La défense sol-air des bases aériennes est assurée par des moyens passifs et actifs adaptés à la menace actuelle et à celle des dix prochaines années.
À l’échéance 2000-2010, il est communément admis que la menace principale sera constituée par des aéronefs et des missiles, systématiquement employés avec des contre-mesures électroniques. Cette menace sera alors omnidirectionnelle, tout temps, saturante et discrète de par la réduction des signatures radar et infrarouge. Elle fera également largement appel à la technique de tir « à distance de sécurité », qui consiste à délivrer des armements ou des missiles précis, parfois « intelligents », dont les caractéristiques permettent d’éviter au vecteur porteur le survol ou l’approche immédiate de l’objectif.
Les différents moyens évoqués précédemment ne seront pas entièrement capables de prendre à partie les missiles et les avions volant à très basse altitude et tirant des armements à des distances dites de sécurité supérieures à une dizaine de kilomètres. Il apparaît donc, à l’horizon considéré, un besoin pour un nouveau système de défense sol-air, capable de contribuer efficacement à la défense rapprochée des points sensibles de l’Armée de l’air.
Ce système, appelé Sol-air moyenne portée (SAMP), devra être en mesure de détruire non seulement des avions, mais également des missiles. Ses performances et sa probabilité de survie devront, par rapport aux systèmes actuels, être améliorées par la recherche d’une meilleure résistance aux contre-mesures électroniques, d’une capacité multicibles, de temps de réaction très courts et d’une densité de feu significative. Sa portée devra être de l’ordre de 25 km contre les avions volant à basse altitude et de l’ordre de 5 km contre les missiles supersoniques manœuvrants. Le SAMP devra également être mobile et aérotransportable. Sa mise en place dans l’Armée de l’air devrait intervenir au début des années 2000.
Dans l’attente de ce système adapté aux menaces prévisibles de l’an 2000, l’Armée de l’air a prévu d’améliorer le Crotale afin d’en maintenir l’efficacité globale et la crédibilité. La modernisation retenue consiste principalement à augmenter la résistance aux contre-mesures et à la saturation. L’unité d’acquisition connaîtra une amélioration sensible de la chaîne de détection. L’unité de tir sera pourvue d’une caméra thermique et d’une conduite de tir optique ; l’ergonomie de la console de tir sera perfectionnée.
Enfin l’évolution du SATCP Mistral est déjà prévue, avant même que ce système commence à équiper les défenses sol-air des bases de l’Armée de l’air. Cette évolution concerne en particulier un durcissement aux contre-mesures infrarouges, une meilleure capacité à intercepter des cibles réalisant des évasives sous très forts facteurs de charge ou en éloignement.
Parallèlement, et toujours dans l’optique de la menace prévisible, l’Armée de l’air a entamé la modernisation des cellules tactiques des bases par leur automatisation en vue d’une meilleure gestion de l’ensemble des moyens. Cette dernière passe, en particulier, par la coordination optimale des systèmes de défense sol-air et la réduction des délais de réaction. En effet, les conflits récents du Proche-Orient ont démontré combien était nécessaire une bonne coordination des moyens pour empêcher la destruction des appareils amis et éviter le gaspillage des munitions sur les assaillants (over-kill).
Conclusion
La défense aérienne, en mettant en œuvre l’ensemble des moyens dont elle dispose, est en mesure d’assurer la protection rapprochée de ses bases aériennes face à des avions, quelle que soit leur altitude. Dans le cadre de l’opération Épervier, le dispositif de N’Djamena (Tchad) associe l’ensemble des moyens antiaériens (bitube de 20 mm, Crotale, Hawk) aux moyens de détection (Centaure, Sneri) disponibles dans les forces. Ce dispositif a fait ses preuves en mettant en évidence l’efficacité et la complémentarité des systèmes mis en œuvre.
Cependant, l’Armée de l’air est consciente de la nécessité de poursuivre les efforts financiers et humains consentis depuis une vingtaine d’années pour maintenir à un haut niveau de crédibilité la défense sol-air de ses bases.
En particulier, l’évolution en cours des vecteurs et de leurs munitions va accroître la menace aérienne susceptible d’être rencontrée sur les théâtres de Centre-Europe ou d’Afrique. Il s’agit donc de doter les défenses sol-air d’un système non seulement apte à détruire des avions pourvus de contre-mesures électroniques, mais également capable d’intercepter des missiles lancés par des vecteurs hors de portée des défenses.
Le défi de l’épée contre la cuirasse continue. L’Armée de l’air s’attache à le relever. ♦