Afrique - Soudan : après sept mois de régime militaire - Le Sénégal en butte à l'adversité
Le Soudan est un État à tradition démocratique et parlementaire, mais où le heurt des tendances, parce qu’elles se fondent sur des particularismes ethniques ou religieux, prend une telle intensité que l’armée se croit obligée d’intervenir périodiquement, au moins pour calmer le jeu sinon pour bloquer, au nom d’éventuels opposants, une évolution que ses dirigeants jugent trop hasardeuse. Il n’est jamais facile de comprendre les motivations des auteurs d’un coup d’État militaire, au Soudan pas plus qu’ailleurs. Ceux qui l’ont inspiré, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays concerné, sont quelquefois surpris de la direction que les nouveaux dirigeants impriment à la politique nationale, tant les exigences de la vie collective contraignent les chefs à l’occultation de leur opinion en période d’activité normale. Lorsque cette opinion doit se concrétiser en une action politique, cela risque d’éveiller d’autres tendances et de provoquer des difficultés de commandement, si les contradicteurs disposent d’une audience, nationale ou internationale, ce qui est rarement le cas. Pourtant, au Soudan, l’armée avait été tellement associée aux rivalités partisanes et avait subi tellement d’épurations que les partis politiques, ainsi que les gouvernements des États voisins, Égypte, Arabie saoudite, Libye et même Éthiopie, croyaient en connaître les moindres arcanes. Apparemment, il n’en était rien : le comportement actuel de ses chefs, parvenus au pouvoir, est déconcertant pour tout le monde, sans doute même aussi pour leurs subordonnés.
Le coup d’État du général Omar Hassan el Bechir a été déclenché le 30 juin 1989. Depuis le début de l’année, la situation politique, déjà difficile, s’était peu à peu détériorée jusqu’à devenir impossible à dominer par les moyens parlementaires. Le gouvernement de M. Sadek el Mahdi était confronté à deux éléments de crise : impossibilité de mettre fin à la rébellion du Sud sans suspendre l’application de la charia sur l’ensemble du territoire, impossibilité d’imposer cette mesure au pays tant la position des « Frères musulmans » était devenue forte dans l’administration et tant leurs directives influençaient l’opinion des militants des deux partis traditionnels du Nord.
Ces deux formations, issues de sectes religieuses, se sont partagé l’exercice du pouvoir après la constitution de l’État et ont assis l’indépendance du pays, convoité par l’Égypte, sur une base parlementaire. Ils n’ont jamais pu disposer d’une audience vraiment nationale, puisqu’ils agissaient l’un et l’autre sur une fraction minoritaire de la population. De toute manière, le Sud non musulman, depuis l’indépendance (1956), disposait aussi de plusieurs partis qui exprimaient son désir d’autonomie et la personnalité de chaque tribu qui le compose. Le jeu politique fut troublé, dès 1956, par les interférences d’un parti communiste, à vocation nationale, qui recrutait dans les milieux urbains très importants au Soudan et par une influence trop exclusive de l’URSS. Les luttes partisanes disparurent, en 1969, lorsque le général Nimayri prit le pouvoir. Les marxistes et les coopérants soviétiques furent évincés en 1971. Le gouvernement militaire tenta alors d’imiter d’autres pays africains en établissant un régime à parti unique. Faute de disposer d’une idéologie assimilable par le plus grand nombre, l’union socialiste soudanaise ainsi formée n’empêcha pas le renouveau d’activité des formations traditionnelles. Elle fut amenée insensiblement à s’appuyer sur les « Frères musulmans », la seule force qui aspirât alors à diffuser sa doctrine sur l’ensemble du pays et qui n’hésitait pas à programmer l’islamisation progressive du Sud. La pression intégriste fut telle que le général Nimayri finit par imposer l’application de la charia sur tout le territoire national.
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