Armée de terre - L'École supérieure et d'application du matériel de Bourges
L’École supérieure et d’application du matériel (ESAM) est exceptionnelle à bien des titres. Elle forme à la fois des techniciens de toutes les armes de l’Armée de terre et des personnels civils des grands corps de l’État ou même d’armées et d’institutions étatiques étrangères. Le site est unique dans les armées par son volume de formation : on y enseigne chaque année, à 3 500 stagiaires répartis en 250 types de stages différents, les techniques de maintenance de tous les matériels en service. Elle est d’ailleurs aussi unique par sa capacité d’accueil : c’est le plus grand hôtel de France avec 1 200 lits. Sur 80 hectares, pas moins de 40 000 mètres carrés de halls d’instruction et un amphithéâtre de 500 places, sont à la disposition des 600 instructeurs de l’école qui ont formé 60 000 stagiaires en 23 ans. Une grosse machine, mais qui reste à une dimension humaine dans chaque groupe de travail. La qualité de l’instruction l’exige.
Si l’ESAM est exceptionnelle par sa taille et ses missions, elle l’est aussi par ses moyens et sa conception de l’enseignement. Son équipement pédagogique en fait la « grande école » de tous les techniciens militaires qui viennent y recevoir une formation de base ou une spécialisation technologique. Pour le plus grand nombre d’entre eux, c’est la consécration de leur carrière. La motivation est donc au rendez-vous et la transition entre les gardes ou les DO (disponibilité opérationelle) et les salles de cours en est d’autant plus facilitée.
Organisation
L’École supérieure et d’application du matériel de Bourges regroupe en fait deux écoles distinctes : une école d’application et une école supérieure de technologie militaire appliquée.
L’École d’application est constituée de trois groupements : perfectionnement pour les capitaines qui vont prendre un commandement ou pour certains officiers de réserve ; application pour les officiers du matériel sortant d’école, qui y sont formés à leur premier emploi ou qui complètent leur formation de base ; EOR (Élève officier de réserve) pour la formation des aspirants du matériel.
L’École supérieure de technologie militaire appliquée, qui représente les trois quarts des activités de l’ESAM, s’organise en cinq groupements, témoins de l’extrême diversité de l’instruction : mobilité (auto, moto, camion, engins blindés, engins du génie…) ; gestion informatique (finances, matériel, personnels, équipements, documentation…) ; aéromobilité (cellules, moteurs, avionique, télécommunications, armement…) ; pyrotechnie et armement (munitions, optronique, NBC – nucléaire, bactériologique et chimique) ; systèmes d’armes (Diadème, Pluton, Atila, Rita, Roland, antichars, détection électromagnétique…).
Il est à noter que ce dernier groupement absorbe 34 % des financements de l’école pour former 11 % des stagiaires. La formation aux techniques les plus modernes est un bien précieux… mais coûteux. Enfin l’ESAM participe à des études diverses, sur les doctrines d’emploi des armements en service ou à venir, ou sur les modalités du soutien opérationnel futur.
Recherches en formation
À l’ESAM, on peut apprendre toutes les disciplines militaires ou presque. Là est le savoir. Encore faut-il le dispenser à bon escient, en suivant les progrès constants de la technique et de l’évolution du soutien opérationnel. La formation est un investissement qui ne s’improvise pas : longue et chère, il faut la repenser, l’adapter régulièrement.
Une nouvelle pédagogie est en phase d’expérimentation. Les salles de cours de théorie et de pratique sont juxtaposées, de telle sorte que l’on peut passer facilement de l’une à l’autre. Les cours sont organisés en « plates-formes ». Les supports d’enseignement sont installés sur des panneaux montés sur roulettes, comme les estrades où les élèves viennent s’asseoir. Tout peut donc être déplacé à la demande. Deux ou trois stagiaires, qui n’ont jamais réalisé le travail, viennent le faire devant les autres, sous le contrôle permanent de l’instructeur, tandis qu’une caméra vidéo filme le déroulement de l’opération retransmise en direct sur écran.
La vidéo est très intéressante aussi pour certaines interventions qui ont lieu très rarement. Il serait trop cher de les pratiquer pendant la formation à l’ESAM, mais il est important de les avoir vues au moins une fois.
Avec quelques qualités et beaucoup d’expérience, on pouvait, sur un matériel ancien, détecter une panne assez facilement. Aujourd’hui, il faut analyser avant de se mettre au travail, savoir utiliser un outillage électronique d’aide au diagnostic.
Toutes ces machines d’aide au diagnostic ne pourront jamais remplacer toutefois l’homme qui sera le seul à pouvoir comprendre et réparer la panne imprévue. Parmi les problèmes posés par les technologies modernes existent ceux liés à la connectique (concerne les connexions électroniques en général). Pour les résoudre, la formation doit être renouvelée, complétée régulièrement. Dans sa spécialisation, un stagiaire doit réunir des capacités techniques multiples, lui donnant les moyens d’affronter toutes les situations.
Ordinateur et enseignement
Une autre nouveauté dans la panoplie pédagogique de l’école fait son entrée en force : l’enseignement assisté par ordinateur (EAO). Il est utilisé pour une partie du cours théorique d’aéromobilité, dans le cadre d’une expérimentation pilotée par l’état-major de l’armée de terre. Il devrait être étendu à d’autres domaines. La conception des programmes est très onéreuse, mais elle permettra à long terme de diminuer les coûts de l’enseignement et de libérer les instructeurs.
Cinq cents heures de cours ont été commandées sur deux ans à la société Framatome qui réalise les programmes à partir des cours de l’école. L’ESAM est d’ailleurs aujourd’hui la seule école qui se livre, à cette dimension, à ce type d’expérimentation à laquelle participent des scientifiques du contingent.
L’EAO dans certaines limites, a le grand avantage d’associer l’image et l’objet, sa localisation, sa description, ses principes de fonctionnement. Grâce au vidéodisque, il est aussi possible d’avoir de très bonnes images et d’exposer des méthodes de travail. La sophistication des logiciels permet un très grand degré d’interactivité entre l’utilisateur et l’ordinateur, chaque élève pouvant progresser à son rythme ; le jeu des questions et réponses pourra encore gagner en qualité.
À la pointe des progrès pédagogiques l’ESAM a tous les atouts pour former les meilleurs techniciens. Un regret cependant doit être mentionné : elle est victime de son propre succès. Les départs de ses stagiaires dans la vie civile commencent à peser lourdement dans la gestion des personnels du matériel. ♦