Défense dans le monde - Les réfugiés indochinois
Quinze ans après la fin de la guerre du Vietnam, le problème des réfugiés indochinois n’a toujours pas été résolu ; pire encore, il ne cesse de s’aggraver d’année en année.
Historique récent
En 1975, la chute simultanée de Saigon et de Phnom Penh ainsi que la victoire des communistes du Pathet Lao ont provoqué un exode massif des réfugiés, par voie terrestre ou maritime, vers les pays voisins, notamment en Thaïlande, à cause de sa contiguïté géographique aux trois pays indochinois (Vietnam, Laos, Cambodge).
Les pays de premier asile
La Thaïlande fut, pour des raisons humanitaires, le premier pays à accorder l’asile temporaire aux réfugiés en transit, en attendant qu’ils soient réinstallés dans des pays tiers. Cet exemple fut suivi par la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines, Hong Kong, la Chine populaire, l’Australie et même le Japon. Cependant, il est à noter que parmi ces pays, seule l’Australie est signataire de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, les autres n’ont aucune obligation légale envers ces « demandeurs d’asile ».
Une fois amorcé, le phénomène migratoire n’a fait que s’amplifier. On a dénombré 76 338 réfugiés, toutes origines confondues, en 1975. Le flux a atteint 200 000 en 1979 et 113 867 en 1980. Cette augmentation brusque des réfugiés indochinois, dont la majorité est d’origine cambodgienne, est la conséquence du renversement, en décembre 1978, du régime khmer rouge de Pol Pot par le régime de Hun Sen (soutenu par les communistes vietnamiens).
Après le chiffre record atteint en 1979, le nombre de réfugiés a régulièrement décru au cours des années suivantes, avant de connaître une nouvelle augmentation en 1987. Jusqu’à la fin de 1987, les attitudes des pays de premier accueil vis-à-vis des réfugiés n’ont pratiquement pas changé, à l’exception de Hong Kong.
Le cas de Hong Kong
Le phénomène des « boat people » (1) remonte à 1975. Le maximum des arrivées a été enregistré en 1978 (70 000), mais il s’agissait là surtout d’une population d’origine ethnique chinoise. Au début des années 1980, l’afflux des réfugiés s’est un peu atténué, mais est néanmoins resté à un niveau tel que le gouvernement de Hong Kong a été obligé d’instaurer une politique de dissuasion.
C’est ainsi que, dès 1982, tout nouvel arrivant a été sommé de choisir entre un statut quasi pénitentiaire dans un camp fermé ou la poursuite de son voyage après avoir reçu vivres et carburant. Cette politique s’est avérée fructueuse dans un premier temps, jusqu’au moment où les arrivées ont commencé à être plus nombreuses que les départs à destination des pays de second accueil traditionnels (les États-Unis, le Canada, l’Australie et, dans une très faible proportion, la France).
Le flux s’est intensifié en 1988, qui a vu tripler le nombre de réfugiés vietnamiens stationnés à Hong Kong, entraînant une exaspération prononcée du Conseil législatif (Assemblée nationale de Hong Kong), qui s’est traduite par une décision de fermeté avec l’entrée en vigueur, le 16 juin 1988, d’une nouvelle mesure : le « screening » (filtrage). Le but en est de déterminer l’octroi aux arrivants du statut de réfugié politique, défini par l’ONU, aucun choix n’étant laissé autre que « oui » ou « non ». D’après cette nouvelle mesure, les arrivants n’étant pas déclarés réfugiés politiques n’ont d’autre avenir que le rapatriement. C’est le cas, en particulier, des réfugiés dits économiques.
Une nouvelle politique commune
On a vu arriver en 1988 environ 45 000 réfugiés vietnamiens dans divers pays d’Asie du Sud-Est, et au cours des quatre premiers mois de 1989, leur nombre a atteint 72 000, bloquant ainsi la mise en application de l’accord intervenu en juillet 1979 à Genève. Celui-ci prévoyait qu’un asile temporaire serait accordé par les pays côtiers de la région, en attendant la réinstallation des demandeurs d’asile dans d’autres pays.
Face à cette situation, les pays de l’ANSEA (Association des Nations du Sud-Est asiatique) ont décidé, lors d’une réunion à Kuala Lumpur le 13 mars 1989, de fixer comme date limite le 14 mars 1989, date après laquelle les réfugiés vietnamiens arrivant dans des pays de la région ne pourront plus automatiquement demander à s’installer dans des pays tiers. Cette décision a pour but de prévenir un nouvel exode en masse à partir du Vietnam.
Le Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) et les pays du Sud-Est asiatique ont alors établi en juin 1989 un nouvel accord, susceptible d’intervenir sur la base d’un « plan d’action global » (PAG), mis au point à Kuala Lumpur et articulé en cinq points :
– les départs « clandestins et dangereux » du Vietnam devraient être découragés au profit de départs réguliers ;
– l’asile temporaire devrait être accordé à ceux qui le demandent ;
– des méthodes de détermination du statut de réfugié devraient être mises en place dans l’ensemble du Sud-Est asiatique ;
– les mesures de réinstallation seront étendues à toutes les personnes se trouvant déjà dans les camps de la région avant la date limite du 14 mars 1989 ;
– le rapatriement volontaire des réfugiés dans leurs pays d’origine devrait être encouragé le plus possible.
Ce règlement définitif adopté ressemble à la politique des réfugiés appliquée par Hong Kong depuis mars 1988 et montre un durcissement très net de la part des pays de l’Ansea. Cette attitude a été illustrée par la déclaration commune des pays de refuge temporaire (Ansea et Hong Kong) lors d’une réunion à Manille, le 16 mai 1990. Enfin, une fois de plus, Hong Kong a pris le 12 décembre 1989 une initiative très controversée : le rapatriement forcé de 51 Vietnamiens.
Conclusion
Quinze ans ont passé sans que l’on puisse résoudre le problème des réfugiés indochinois. Le Plan d’action global adopté, depuis mars 1989, par la quasi-totalité des pays du Sud-Est asiatique, est actuellement dans une impasse. Les résultats de la procédure de filtrage ont fait apparaître, par exemple en Malaisie, que 70 % des demandeurs d’asile ne pouvaient prétendre à un statut de réfugié politique. Il n’est, évidemment, pas question pour la Malaisie de garder indéfiniment ces « déplacés » sur son territoire. En fait, la poursuite du PAG repose avant tout sur la mise en œuvre des rapatriements non volontaires, mais cette pratique est totalement réfutée par les États-Unis et le Vietnam. II en résulte l’impasse dans laquelle on se trouve actuellement. ♦
(1) [NDLR 2021] C’est-à-dire les Indochinois fuyant jusqu’en Europe et en Amérique du Nord par la mer de Chine à partir de 1975.