Armée de terre - Les réserves dans l'Armée de terre
Le ministère de la Défense porte, cette année, une attention toute particulière à la promotion des forces de réserve tant au sein de l’armée active que dans la nation tout entière.
Un conseil d’étude sur les réserves, créé fin 1989, en est au stade des recommandations pour procurer aux réservistes, sinon un statut, du moins un cadre leur permettant de mieux s’insérer dans la société française. Il est vrai que la « réserve » ne bénéficie pas d’une image correspondant à son importance dans notre système de défense.
Une image perfectible
Elle continue, en effet, à véhiculer une connotation de gros bataillons sous-équipés et aux missions floues dont l’expression la plus instinctive se traduit encore dans l’imagerie populaire par la mobilisation de 1939, la « drôle de guerre » et les conséquences que l’on connaît. Tant et si bien que les associations de réservistes se confondent avec celles des anciens combattants dans l’esprit de nombreux non-initiés.
L’image de la réserve se réduit aussi, en fait, à celle de ses officiers. Leur désintéressement est souvent considéré avec suspicion par les cadres d’active et leurs compétences militaires mises en doute ou minimisées. Au sein de leur entreprise ou de leur administration, leur engagement est parfois jugé comme une échappatoire : pour certains patrons, l’énergie que les réservistes consacrent à leurs activités militaires devrait se focaliser sur leur vie professionnelle. D’ailleurs, « y a-t-il beaucoup de réservistes actifs qui réussissent pleinement leur vie dans l’entreprise ? », demandent-ils non sans une certaine mauvaise foi car les contre-exemples abondent. Plus objectivement, il est évident que le bon fonctionnement des petites et moyennes sociétés est sensiblement perturbé par les convocations. Cela est d’autant moins admis que l’utilité de celles-ci est trop souvent battue en brèche par les témoignages négatifs de ceux qui les ont vécues sans être vraiment volontaires.
Dans ce sombre tableau, une lueur cependant. Les officiers et les sous-officiers de réserve les plus impliqués ont généralement une bonne image de leur corporation, ce qui ne tombe pas sous le sens. On peut avoir une très bonne opinion de soi-même tout en méprisant ses pairs… Un signe qui ne trompe pas : l’officier de réserve a souvent une vie multi-associative. De ses divers engagements, le plus important pour lui est presque toujours celui de réserviste. À noter qu’une inquiétude perce parfois quand certains croient pouvoir constater que « cet engagement est plus agréable qu’utile ». Qu’en est-il exactement ?
Des chiffres parlants
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Complément indispensable pour réaliser les effectifs de guerre de certaines formations, la réserve représente dans l’armée de terre : 35 % du corps blindé mécanisé. 33 % des forces d’outre-mer, 26 % de la FAR (Force d’action rapide). Elle fournit 80 % des effectifs des brigades logistiques et 71 % des personnels des forces de défense du territoire. Autour de 45 000 personnels d’active, 120 000 réservistes seraient amenés à faire face aux manœuvres visant à paralyser le pays.
À la mobilisation, seraient constitués :
– 7 brigades de zone d’un effectif de 4 000 hommes, comprenant chacune 2 régiments d’infanterie, un régiment blindé, des éléments du génie ;
– 23 régiments interarmes divisionnaires, d’environ 1 000 hommes, disposant d’appuis nombreux à base de blindés, d’armes antichars Milan et de mortiers de 120 millimètres ;
– 6 régiments d’infanterie affectés à la défense des frontières ;
– 1 division d’infanterie et 6 régiments qui participent à la défense des points sensibles de la force nucléaire stratégique.
Une instruction multiforme
L’instruction collective, concernant l’ensemble des personnels titulaires d’un emploi de mobilisation, est conduite au cours des convocations : sélectives lorsqu’elles regroupent les équipes de commandement des unités ou la totalité des cadres et quelques spécialistes de ces mêmes unités ; verticales quand elles concernent l’ensemble des personnels d’une même structure organique, depuis l’unité élémentaire jusqu’au régiment.
Elle vise à rechercher une aptitude opérationnelle permanente. En plus de l’instruction individuelle et collective, qui revêt un caractère obligatoire, existent également des activités facultatives qui concourent directement à la mobilisation. Ces séances d’instruction, échelonnées à l’initiative des responsables locaux et en fonction des opportunités, s’adressent aux cadres et aux spécialistes qui désirent bénévolement acquérir un complément de formation : encadrement des centres d’entraînement prémilitaire et des réserves ; participation aux rallyes et à l’encadrement de la préparation militaire.
Cette instruction s’effectue dans le cadre d’une association étroite de chaque formation de réserve à une formation d’active.
Les réserves représentent donc un potentiel humain considérable qui concourt à renforcer la crédibilité de la dissuasion en manifestant clairement la volonté des Français de se défendre contre toute menace ou agression. Un réserviste sur dix a une affectation militaire de mobilisation ; certains des neuf autres peuvent avoir une affectation civile de défense. Mais le pays a besoin de tous pour consolider son esprit de défense.
Un système perfectible
Cette dernière considération est souvent perçue avec une pointe d’agacement. Nombreux sont les cadres de réserve estimant que cet aspect du discours officiel est un alibi à la limitation des crédits d’instruction ; une façon selon eux de confondre l’essentiel et l’accessoire. Mais tout autant que sur le volume des crédits, c’est aussi et surtout sur la manière de les optimiser qu’il faut agir. Le système est perfectible.
Trop nombreux sont encore les chefs de section ou de groupe qui tiennent, pendant leur service national, des emplois trop éloignés des exigences de la mobilisation. La finalité des cadres de réserve est oubliée au profit de l’emploi immédiat durant leurs douze mois sous les drapeaux.
La courte durée des convocations (36 heures au mieux), l’absence de progressivité et de continuité provoquée par l’absentéisme, d’homogénéité eu égard aux délégations successives de responsabilité, perturbent également la rentabilité de l’instruction telle qu’elle est organisée aujourd’hui.
C’est donc sur deux axes qu’il faut agir pour valoriser la réserve. Se limiter à une simple politique d’image serait insuffisant ; il faut agir tout autant sur la réalité que sur sa perception. La convocation de la 107e Brigade de zone du 5 au 10 juin 1990, qui sera traitée dans la prochaine chronique, tout comme les propositions pour une meilleure communication, ouvrent à cet égard des perspectives intéressantes. ♦