Défense à travers la presse
Le Proche-Orient est une planète qui a ses propres lois de gravitation. Rien ne s’y passe comme ailleurs et nos confrères ressentent le besoin d’y voir clair sans s’abandonner aux illusions. La très grave crise déclenchée par l’Irak leur en donne l’occasion. Si, avec les commentateurs attitrés des hebdomadaires, nous n’avons affaire qu’à un canapé de gens d’esprit, les éditorialistes des quotidiens, plus proches de la réalité et disciplinés par elle, nous apportent au jour le jour un décodage plus direct des événements. Les rebondissements successifs de la crise ne nous permettent cependant pas de retenir ici toutes les analyses qui ont été faites à chaud. Une certitude leur semble commune : pareil à un homme qui s’enlise, à chacune de ses initiatives le président irakien Saddam Hussein s’enfonce un peu plus avant dans les difficultés. Ne donne-t-il pas parfois l’impression de se livrer à des tentatives désespérées pour sortir d’une situation sans issue ?
En fait la crise se développe avec lenteur, plus de lenteur qu’on ne s’y fût sans doute attendu et ses effets, dont certains peuvent être pernicieux, sont multiples. Dans Le Monde du 8 septembre 1990, le journaliste André Fontaine insiste sur certains d’entre eux :
« L’un des rares effets positifs jusqu’à présent de la tempête actuelle aura été l’ampleur du consensus existant entre les principaux pays du monde sur la nécessité de faire respecter le droit international et de valoriser à cet effet le rôle des Nations unies. Il n’est pas jusqu’à la Chine et même à la Corée du Nord, en effet, qui ne se soient associées à la condamnation de l’Anschluss [NDLR 2021 : initialement l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1939] du Koweït par Bagdad… À l’heure actuelle, de la façon que les choses sont parties, le risque existe qu’on n’ait le choix, à terme, qu’entre deux mauvaises solutions. Qu’avec ou sans guerre, les États-Unis, devenus après l’effacement soviétique l’unique gendarme, établissent durablement leur hégémonie directe sur la région. Que ces mêmes États-Unis, n’ayant pas réussi à faire céder Saddam Hussein, retournent à l’isolationnisme vertueux et dégoûté que prêchait en quittant le pouvoir George Washington [NDLR 2021 : 1er président des États-Unis] et qui n’est jamais tout à fait sorti de leur inconscient collectif : ce qui laisserait libre cours aux entreprises de celui qui rêve de restaurer l’empire de Babylone. C’est parce qu’aucune de ces solutions ne peut durablement instaurer la paix et que le meilleur moyen d’éviter la guerre est encore d’imaginer le genre de paix qui pourrait la rendre inutile qu’il est urgent de donner autant d’importance aux scénarios de paix qu’aux scénarios de guerre. Et de tenter d’imaginer pour le Proche-Orient, dans le cadre des Nations unies, une structure régionale assez forte pour mettre fin au cycle infernal des rêves hégémoniques qui l’ont si souvent mis à feu et à sang ».
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