Marine - La XIIe exposition de matériels pour les forces navales
Du 22 au 27 octobre 1990, la douzième édition de l’exposition de matériels pour les forces navales proposait aux délégations étrangères et aux nombreux visiteurs un programme en deux étapes, devenu classique au fil du temps. La manifestation s’ouvrait à Brest sur une présentation dynamique des bâtiments et des aéronefs récemment admis au service dans la Marine nationale, comme la frégate antiaérienne Jean Bart, le patrouilleur de service public Grèbe ou l’avion de patrouille maritime Atlantique, présentation assortie de la première visite du chantier de construction du porte-avions à propulsion nucléaire Charles-de-Gaulle.
Au Bourget, quelque quatre-vingts concepteurs et équipementiers travaillant au profit des marines de guerre avaient dressé leur stand pour une exposition statique qui devait connaître, elle aussi, un grand succès.
Organisé depuis une vingtaine d’années par la Délégation générale pour l’armement (DGA) avec le concours de la Marine nationale, ce salon biennal est l’occasion de montrer aux pays hôtes les équipements navals que la France a choisis pour répondre aux impératifs de sa politique de défense et de mettre au service des marines clientes le savoir-faire technique des industriels français.
Ouverture et coopération
Tels sont les maîtres mots sous le signe desquels M. Chevènement, ministre de la Défense, a placé son discours inaugural. Soulignant l’importance des « enjeux modernes de la mer », il en a appelé à un nécessaire rapprochement entre la France et ses partenaires afin que s’établissent des relations commerciales et des coopérations durables. Le ministre devait développer cette notion de client partenaire en demandant que les transactions s’élargissent à la dimension d’un « support naval intégré » comprenant à la fois la formation des équipages, un soutien logistique et une assistance technique. À l’appui de son propos, il annonçait officiellement la création d’une société de droit privé à capital public chargée de promouvoir et de commercialiser les produits de la Direction des constructions navales, DCN International. Cet organisme pourra notamment opérer des transferts de technologie et conclure des alliances industrielles avec d’autres partenaires français et étrangers.
Dans une conjoncture lourde d’incertitudes, qui met dans la même perspective la signature du premier accord de réduction des armements conventionnels en Europe (les armements navals exceptés), l’accroissement des tensions dans la crise du Proche-Orient et la révision de la Loi de programmation militaire (LPM), une politique éclairée de coopération et d’exportation s’affirme comme la voie de la raison pour les nations européennes qui voudront se maintenir au niveau des plus grands et préserver leurs atouts technologiques.
Trois maquettes phares…
L’exposition 1990 du Bourget se voulait articulée autour de trois grands programmes.
L’avion de patrouille maritime de nouvelle génération Atlantique, dont la première flottille basée à Lann-Bihoué devrait être opérationnelle cette année. Les visiteurs pouvaient pénétrer dans le fuselage de l’appareil reproduit à l’échelle 1/1 et en apprécier tous les équipements.
Le Bâtiment antimines océanique (Bamo) conçu pour la menace grands fonds et en cours de construction à Lorient. Une grande maquette du navire, suspendue aux poutres du hall central, dominait l’exposition et offrait aux regards sa coque à tunnel, reliée aux différents apparaux de chasse aux mines posés sur un fond de la mer recréé pour la circonstance.
L’hélicoptère embarqué moyen-lourd NH-90 de lutte anti-sous-marine et antinavire, destiné à remplacer le Lynx et le Super-Frelon. Son acquisition par la Marine nationale et par les marines allemande, italienne et néerlandaise a été récemment évoquée dans ces colonnes [NDLR 2023 : en novembre 1990]. Le stand du constructeur s’ornait de maquettes grandeur nature de l’aéronef et de ses armes.
…Et bien d’autres aspects de la construction navale et aéronautique
Le foisonnement des matériels exposés ne permet pas de prétendre à l’exhaustivité. À côté des trois grandes réalisations mises en vedette par les organisateurs, on retiendra les matériels les plus significatifs.
La DCN présentait un modèle autopropulsé de la frégate La Fayette que les ingénieurs utilisèrent lors des essais d’hydrodynamisme et de stabilité au bassin des carènes. Rappelons que la Marine a commandé six frégates de ce type, dont la tête de série est en cours de construction à Lorient. Ces bâtiments de 3 000 tonnes pourront opérer aussi bien dans nos approches maritimes que sur des mers lointaines, et grâce à leur conception modulaire, recevoir l’armement le mieux adapté aux différentes missions qui leur seront confiées. Non loin de là, les chantiers de l’Atlantique exposaient la maquette de la frégate de surveillance Floréal, qui sera fabriquée en six exemplaires. Le premier bâtiment doit être livré dans le courant de l’année. Plus « rustique » et moins armé que le La Fayette, le Floréal est conçu pour être déployé outre-mer où il s’acquittera de tâches de service public et de contrôle des zones économiques exclusives, tout en ayant la capacité de prendre part à des opérations navales de temps de crise. Autre réalisation de ce chantier civil, le Monge, qui succédera au Henri Poincaré pour les essais et mesures de nos missiles.
Les visiteurs ne pouvaient manquer de remarquer sur le stand de la DGA une magnifique maquette du porte-avions Charles-de-Gaulle en cuivre rouge, réalisée pour étudier les phénomènes d’interférences radioélectriques et la résistance du bâtiment aux impulsions électromagnétiques qu’engendre une explosion nucléaire. Mentionnons également le patrouilleur de 250 t à coque catamaran et coussin d’air Agnès 200, conçu par le service technique des constructions navales et réalisé à titre expérimental par un chantier civil. Ce navire à effet de surface a commencé des essais qui doivent permettre de tester sa validité pour la lutte anti-sous-marine.
La Société française de construction navale (SFCN), constructrice du patrouilleur de service public de 300 t Grèbe, mettait l’accent sur l’excellente tenue à la mer d’un navire de 1 100 t à coque en V profond, l’Espadon 1000, tandis que de nombreuses entreprises spécialisées proposaient à la clientèle des embarcations de petite taille, telles que la vedette rapide Defender à coque en fibre de verre.
Dans le domaine de l’aéronautique, il convient d’ajouter aux appareils déjà cités la maquette de l’avion de combat Marine dérivé du Rafale, dont les premières livraisons sont attendues pour 1996 ; ainsi, la première flottille opérationnelle devrait être au rendez-vous du porte-avions Charles-de-Gaulle, dont la mise en service est prévue pour 1998. Citons enfin deux hélicoptères légers embarquables le AS550 Fennec et le AS565 Panther destinés à des bâtiments de faible tonnage.
Le vaste domaine des armes et des équipements
Dans la gamme très large des armes proprement dites et des équipements qui confèrent à une plate-forme la plus grande part de sa valeur militaire, on a choisi les éléments essentiels.
S’agissant des armes antinavires, le missile Anti-navire supersonique (Matra ANS) développé en coopération par l’Allemagne et la France, est appelé à succéder à l’Exocet à partir de 1998. Très manœuvrant et résistant aux contre-mesures adverses, il aura une capacité de pénétration accrue. Ce missile sera propulsé par un statoréacteur à accélérateur intégré qui lui permettra d’atteindre trois fois la vitesse du son. Il pourra être lancé par différents porteurs : bâtiments, aéronefs, batteries côtières.
En lutte ASM, le missile porte-torpille Milas, successeur du Malafon, construit en coopération avec l’Italie, devrait être opérationnel au milieu de la décennie et embarqué sur les frégates actuelles modernisées, puis au siècle prochain, sur la nouvelle génération de bâtiments ASM.
Quant aux armes antiaériennes, c’est le système surface-air antimissiles SAAM (Système Anti-Air Missile) qui doit retenir l’attention. Développé en coopération avec l’Italie, il assurera l’autoprotection du porte-avions Charles-de-Gaulle et des grands bâtiments de combat contre la menace des missiles antinavires de deuxième génération, y compris les missiles à vol rasant et à fort piqué final. Un Système Sol-air moyenne-portée naval (SAMP/N), dérivé de la version terrestre, est également envisagé par les deux partenaires. Il devrait équiper les futures frégates antiaériennes.
Cette rapide visite serait incomplète si l’on ne faisait état des moyens de guerre électronique ou des systèmes de communication et de commandement. Les concepteurs trouvent dans ces domaines des solutions originales à la mesure des problèmes fort complexes qui leur sont posés. Le Système numérique de transmissions intérieures (SNTI), dont sera doté le Charles-de-Gaulle, en est une illustration parmi d’autres.
En matière de discrétion, il faut noter le souci grandissant qu’ont les constructeurs de réduire ou d’absorber les vibrations et les bruits des bâtiments de surface ; ces derniers vont bénéficier à leur tour des améliorations considérables nées des progrès en acoustique sous-marine.
L’avenir
Cette 12e édition a démontré, s’il en était besoin, combien l’industrie française des matériels navals demeure performante. Elle a permis que se nouent des relations fructueuses qui déboucheront peut-être sur une prise de conscience plus aiguë des nécessités de la coopération internationale. La formule même du « salon naval » pourrait traduire cette évolution, puisqu’on envisage d’en faire à terme une véritable exposition européenne. ♦