Défense dans le monde - L'aéronautique navale soviétique
L’aéronautique navale soviétique connaît actuellement une évolution qui lui donne une importance croissante dans la défense de l’URSS, et qui résulte de la conjonction de deux événements, ce qui accroît l’intérêt que l’on peut accorder à cette composante de la flotte soviétique.
Ces deux événements sont : l’accord sur la réduction des Forces conventionnelles en Europe (FCE) ; l’apparition de porte-avions mettant en œuvre des avions classiques. Toutefois, malgré le poids de ces deux événements, il n’est pas possible de discuter de l’aéronavale soviétique sans jeter un regard rapide sur l’évolution future des matériels.
La réduction des Forces conventionnelles en Europe (FCE)
Pour des raisons qui ne seront pas examinées ici, l’aéronautique navale n’a pas été prise en compte dans ces négociations. Seule une déclaration politique contraignante, figurant en annexe au traité, mentionne que le plafond des appareils de combat basés à terre de l’aéronavale soviétique est de 400 appareils, déclaration qui exclut les avions de patrouille maritime.
Ce traité impose par contre une réduction du potentiel des forces aériennes et de défense aérienne en zone ATTU (Atlantic to the Urals : de l’Atlantique à l’Oural). Pour contourner cette limitation, l’URSS a utilisé deux « artifices », d’une part l’affectation d’une partie des unités rapatriées de la zone avancée à des forces situées au-delà de l’Oural, d’autre part le rattachement d’unités rapatriées à l’aéronavale. Cette dernière opération a fait gonfler le parc d’avions dépendant de la marine, parc qui inclut dorénavant, entre autres, au moins 500 chasseurs bombardiers et une centaine de chasseurs.
Ces unités, qui semblent conserver la mission qui leur était auparavant attribuée, vont conduire la flotte à entretenir un parc plus disparate, mais surtout la contraindre à élaborer de nouvelles procédures de coordination avec les autres composantes des forces armées soviétiques et notamment la défense aérienne (PVO). Sans entrer dans le détail, on peut néanmoins signaler que l’inventaire de l’aéronavale s’est ainsi enrichi d’unités très performantes, comme les chasseurs bombardiers Soukhoï Su-24 Fencer ou les Mikoyan-Gourevitch MiG-29 Fulcrum. Il convient de rappeler à propos de ce dernier appareil que l’aéronavale avait déjà reversé tous ses avions de chasse aux forces de défense aérienne en 1960.
Les porte-aéronefs
La possession ou non de porte-aéronefs par la marine soviétique est un débat très ancien, puisque l’on peut en trouver trace tout au début de l’histoire de la marine soviétique, dès la fin de la révolution d’Octobre 1917. Ce débat s’est poursuivi depuis, et à plusieurs reprises, les opposants et les tenants de cet outil se sont affrontés en URSS. Avant la Seconde Guerre mondiale, Staline notamment avait sollicité la coopération de l’Allemagne hitlérienne dans ce domaine. Après ce conflit, il avait planifié un ambitieux programme naval, incluant des porte-avions. Ce projet devait être balayé par Khrouchtchev lors de son accession au pouvoir. Néanmoins, à partir des années 1960, sous l’impulsion initiale de l’amiral Gorshkov, la flotte soviétique a entrepris de s’équiper de ce type de bâtiment.
Trois étapes ont été ainsi parcourues : une première avec l’apparition des porte-hélicoptères Moskva (1967) ; une deuxième avec la construction des quatre « porteurs d’aéronefs » Kiev (1975) et les avions à décollage et atterrissage verticaux Yakovlev Yak-38 Forger ; enfin, la troisième avec la mise en service prochaine du premier « croiseur lourd porteur d’aéronefs » Kouznetsov (ex-Tbilissi, ex-Brejnev). Cela ne constitue en fait qu’une demi-étape, puisqu’un autre bâtiment, encore en construction, l’Ulyanovsk, devrait être le premier « vrai » porte-avions soviétique, doté de catapultes au lieu d’un pont tremplin.
Nous ne reviendrons pas ici sur les Moskva. Par contre, la classe Kiev a permis aux Soviétiques d’aborder pour la première fois les problèmes posés par l’aviation embarquée. Si l’avion à décollage et atterrissage verticaux Yak-38 Forger n’est pas aussi performant que ses équivalents occidentaux, il faut néanmoins porter à son crédit les premières tactiques d’emploi d’une telle composante.
Avec les deux Kouznetsov, les difficultés sont d’un tout autre ordre. Pour la première fois, les Soviétiques vont pouvoir utiliser un appareil embarqué à décollage et atterrissage classiques performant. Reste à savoir si dans le concept d’emploi qu’ils ont défini, c’est-à-dire la mise en œuvre d’une défense aérienne avancée du territoire national, ces bâtiments sont aussi efficaces qu’ils le souhaitent. Les essais connus jusqu’à présent montrent que les Soviétiques ont mis l’accent sur l’utilisation de chasseurs Su-27 Flanker modifiés pour l’appontage (crosse, voilure adaptée…). Pour le moment, ces différents essais ont lieu en mer Noire, dans des conditions climatiques assez clémentes. Par contre, dans la Flotte du Nord, en hiver, au large de Mourmansk où les conditions climatiques et d’éclairage sont autrement plus sévères, l’utilisation d’un tel outil va se révéler notablement plus délicate.
Les essais effectués sur le premier bâtiment de la série ont montré, selon la presse soviétique, que les appontages et décollages du Su-25 Frogfoot n’ont pas été concluants, l’appareil se révélant sous-motorisé. Mais on ne peut a priori écarter l’hypothèse qu’une version plus puissante de celui-ci soit en expérimentation, ce qui permettrait de transformer ces « porteurs d’aéronefs » en instruments de projection de puissance.
Modernisation
Les faits examinés ci-dessus ne doivent pas masquer les opérations de modernisation des forces en cours ou en projet. L’aéronavale va ainsi, petit à petit, déclasser les plus anciens de ses appareils, comme les bombardiers Tupolev Tu-16 Badger et Tu-22 Blinder. Ce retrait devrait être compensé qualitativement par l’acquisition de Tu-22M Backfire C, qui continuent à être construits en série.
La composante de lutte anti-sous-marine (ASM), elle, va voir disparaître ses anciens Beriev Be-12 Mail et ses Iliouchine Il-38 May, qui devraient laisser la place à un nouvel appareil encore au stade des essais, le Beriev Be-42/A-40 Albatros, pudiquement présenté comme un avion Search and Rescue (SAR). Les hélicoptères embarqués Kamov Ka-25 Hormone sont peu à peu relevés par des Ka-32 Hélix plus performants.
Il s’agit là des échéances les plus criantes. Le développement à plus long terme comprend un remplacement des Yak-38 Forger par un appareil plus moderne et plus performant. Certaines informations font aussi état de l’acquisition de Ka-41 Hokkum par la marine.
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L’aéronautique navale soviétique devrait donc pour quelque temps encore être une force opérant principalement à partir de la terre. Sa composante embarquée, actuellement peu développée, va franchir un grand pas. Mais dans le cadre de la « doctrine défensive » actuellement en vigueur en URSS, il semble que pour le moment les Soviétiques se montrent plus soucieux de la défense de leur territoire et de ses approches que de leur capacité de projection de puissance. Nul doute que les résultats obtenus par leurs appareils mis en œuvre par les Irakiens, face aux appareils américains dans la guerre du Golfe, seront très soigneusement étudiés, tout comme le sera le déploiement des groupes aéronavals américains dans cette région. Enfin, le plafond de 400 appareils basés à terre devrait conduire les Soviétiques à retirer du service dans des délais assez brefs les appareils les plus anciens du parc.
Claude Monier
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