Défense dans le monde - Vers un satellite d'observation tactique
Les moyens photographiques nationaux de recueil du renseignement ne permettent pas actuellement de répondre entièrement aux besoins des armées, en particulier lors d’opérations éloignées du territoire national, où il s’agit de recueillir, réactualiser, traiter et diffuser des informations stratégiques dans des délais très brefs.
Dans le futur, les satellites d’observation militaires comme Helios apporteront une aide précieuse aux autorités nationales, lors de la gestion des crises. Limités cependant techniquement, ces systèmes devraient être complétés par d’autres, non encore définis, mais qui auraient pour caractéristique principale d’être rapidement mis en œuvre, pratiquement en temps réel, au niveau central comme au niveau d’exécution. Les systèmes nationaux de recueil de renseignements photographiques peuvent être répartis en deux catégories, l’une tactique, l’autre stratégique. Les critères de classement sont essentiellement : les performances du couple vecteur-capteur et l’âge du renseignement.
La catégorie tactique regroupe les systèmes embarqués à bord d’aéronefs (ou de drones), utilisables directement à l’échelon d’exécution, avec un préavis peu important, dans le but d’obtenir un renseignement de situation dont l’âge moyen est de l’ordre de 1 heure 30 à 2 heures (retour du vecteur après prise de vues et exploitation du ou des films). Les systèmes tactiques sont regroupés, en grande majorité, au sein de l’aviation de reconnaissance. Ils sont donc soumis, lors de leur emploi en temps de guerre ou de crise, aux dangers du champ de bataille et nécessitent parfois une mise en place préalable, en particulier lors de leur utilisation sur les théâtres extérieurs.
La catégorie stratégique englobe les moyens de recueil par satellites. Ceux-ci ont l’avantage d’être prépositionnés et de couvrir la totalité de la surface terrestre. Les systèmes sont moins performants que les systèmes tactiques mais sont aussi moins vulnérables. Suivant la localisation de la zone à photographier et en fonction des délais d’exploitation, l’âge moyen du renseignement sera de l’ordre de 24 heures à plusieurs jours.
La France met en œuvre actuellement le satellite de télédétection Spot, dont le pouvoir de résolution est de 10 mètres en mode panchromatique (P). Les photographies réalisées permettent de dresser des plans sommaires d’installations étendues (aérodromes, sites industriels), mais ne donnent que très rarement une idée de l’activité régnant sur celles-ci. Spot est un moyen de recueil civil, exploité par une société privée. Il est donc concevable que dans ces conditions le système ne présente pas toutes les garanties de disponibilité et de discrétion que doit avoir un moyen de renseignement. Celui-ci a cependant un mérite, il existe. Il est donc utilisé en tenant compte de ses défauts.
La mise en service du satellite d’observation militaire Hélios devrait permettre non seulement d’affiner les données relatives aux infrastructures, fournies par Spot, mais également de détecter tout ou partie de l’activité des sites survolés. On peut penser dès lors que les autorités politiques et militaires françaises disposeront d’un outil d’aide à la décision et à la gestion des crises donnant toute satisfaction. Les informations seront relativement précises et la nature exclusivement militaire du système permettra de s’affranchir des contraintes limitant l’utilisation opérationnelle de Spot.
Cependant, quelques problèmes subsisteront, dus en particulier au fait que le satellite est unique. En effet, pour un objectif donné, le délai séparant deux photographies effectuées dans des conditions identiques sera de l’ordre de 26 jours. En temps normal, ce délai sera compatible avec le suivi routinier d’un site particulier, mais en temps de crise, celui-ci deviendra vite prohibitif.
Afin de combler le vide existant entre les moyens de renseignements tactiques, vulnérables et d’un emploi trop ponctuel, et les moyens stratégiques satisfaisants en temps normal mais vite insuffisants en temps de crise ou de guerre, il importe d’imaginer un système complémentaire des deux catégories précitées. Il semblerait qu’un satellite lancé à la demande, dédié à une mission précise, dont les données seraient traitées par des stations aisément mises en œuvre par les échelons d’exécution, puisse répondre au besoin. Les composants du système pourraient avoir les caractéristiques suivantes :
• Le capteur devrait travailler dans le domaine du visible ou du proche infrarouge, avec un pas d’analyse au sol inférieur au mètre, afin de pouvoir déceler un objectif tactique et de le représenter avec le plus de réalisme possible.
• Exclusivement militaire, le lanceur aurait pour caractéristique de pouvoir placer sur une orbite la mieux adaptée à la surveillance d’une zone donnée de petites charges, dans des délais très brefs. Une adaptation des systèmes balistiques actuels ou futurs pourrait être envisagée.
• La plate-forme, durcie contre les agressions diverses, serait prévue pour une durée de vie assez courte.
• Le système de recueil et de traitement devrait être mobile, facilement déployable au plus près du centre de commandement des forces intéressées par les données satellites. Celles-ci seraient, bien sûr, transmises parallèlement à l’échelon central.
Complémentaire des moyens déjà existants, le système décrit est à concevoir et à développer. Il s’avère indispensable, car il est l’un des éléments, et non le moindre, concourant à la bonne compréhension d’une situation. Il peut être également considéré comme une arme permettant d’anticiper sur l’événement, en révélant les intentions d’un adversaire potentiel, en dénonçant les tentatives de désinformation. Souple d’emploi, il peut être facilement doublé par un système similaire. Mobile, il est immédiatement utilisable sur le terrain.
Les moyens de recueil de renseignements joueront un rôle toujours plus important dans la gestion des crises, car ils apporteront la connaissance indispensable aux prises de décisions objectives. Étant donné que les théâtres potentiels d’opérations s’éloignent de plus en plus de la métropole, donc des moyens tactiques classiques, il semble que la solution d’avenir puisse reposer sur un système d’un ou plusieurs satellites photographiques tactiques permettant de résoudre les problèmes de rapidité d’information, de disponibilité, d’indépendance et de permanence qui ne manqueront pas de se poser. ♦