Mai 1991 - n° 520

Réforme de la défense

Tel un homme qui verrait son ombre se détacher de lui et s’en éloigner sans qu’il parvienne à la rattraper, notre société semble assister au galop de l’évolution sans réussir à en maîtriser les conséquences. Jadis nos façons de vivre étaient en harmonie avec nos possibilités matérielles, car les sciences de la matière évoluaient lentement et que le temps permettait une sage adaptation. Puis, voici moins d’un siècle, les progrès scientifiques et techniques s’emballèrent, bouleversant nos conditions de travail, de loisir, de vie familiale, d’éducation, de défense contre les agressions de la nature et des hommes. Surtout, nos possibilités de communication changèrent de nature, contractant l’espace de notre planète, réduisant le temps de nos déplacements et de nos rythmes de vie, décloisonnant notre monde, augmentant l’ampleur et l’écho des mouvements d’idées, conférant ainsi aux opinions publiques une puissance à laquelle les dirigeants du monde durent se soumettre. Lire les premières lignes

  p. 9-23

L’expérimentation « Armées 2000 » a débuté le 1er septembre 1990. Nécessaire en raison de la complexité de cette réforme, elle s’effectue en région militaire de défense Méditerranée. Cette région a été choisie pour de nombreux motifs : coïncidence de ses limites avec celles de la 5e région militaire, de la 4e région aérienne et du littoral de la 3e région maritime ; présence sur son territoire de forces des trois armées et de la gendarmerie nationale et, pour l’armée de terre, de formations appartenant à la 1re armée, à la force d’action rapide et au commandement des écoles. La région Méditerranée ne présente pas, par contre, les complexités de la région Nord-Est, avec ses PC de corps d’armée (CA) et d’armée et qui serait appelée à devenir, le cas échéant, zone arrière d’armée. Elle n’a pas non plus les dimensions importantes de la région Atlantique. Elle réunit donc tous les caractères requis pour un déroulement satisfaisant de l’expérience. Lire les premières lignes

  p. 25-40

Repères - Opinions - Débats

Nous avions déjà évoqué la défense maritime de l'Europe, en particulier lors d'un colloque en 1986, mais nous n'avons guère fait de progrès depuis. Les idées et opinions personnelles avancées par l'auteur peuvent faire l'objet de discussions, elles ont l'avantage en tout cas de poser des questions auxquelles il faudra bien répondre si nous voulons construire l'Europe politique et organiser sa défense.

  p. 41-57
  p. 59-66

Cet article a été écrit dans le cadre d'une réflexion conduite à la délégation aux études générales sur les enseignements à tirer du conflit du golfe Arabo-Persique. Les auteurs ont volontairement limité leur analyse à l'étude globale des théâtres d'opérations. Ils s'expriment à titre personnel et leur opinion n'engage qu'eux-mêmes.

  p. 67-73

L'auteur, capitaine de frégate affecté à l'état-major des armées, avait développé, en un long article publié dans notre revue en novembre et décembre 1990, les problèmes soulevés par la protection NBCD des postes de commandement majeurs. Maintenant, dans ce domaine très particulier, il tire les premiers enseignements de la guerre du Golfe : ceux-ci sont très importants et doivent être pris en compte dans l'élaboration de toute stratégie militaire.

  p. 75-87

La guerre du Golfe a été l’occasion, pour Saddam Hussein, de brandir la menace de l’arme chimique, et cette crainte a été une des préoccupations majeures des belligérants d’une part, d’Israël d’autre part. L'auteur, spécialiste dans ce domaine, nous rappelle les différentes étapes des négociations concernant les armes chimiques. Ultérieurement, il nous fera part des réflexions sur la non-utilisation de celles-ci par le chef d’État irakien. Lire les premières lignes

  p. 89-98

En avril 1990, l'auteur avait analysé l'œuvre littéraire du général de Gaulle, en particulier en ce qui concernait la réunification allemande. Celle-ci ayant été réalisée, il évoque maintenant l'avenir de nos relations avec cette nouvelle Allemagne, le rôle majeur que notre « couple » doit tenir dans l'édification de l'Europe, économique certes, mais aussi politique, diplomatique, capable d'assurer sa sécurité. Les espoirs de notre auteur rejoignent ceux de M. l'ambassadeur de France Jacques Morizet, exprimés dans son article du mois dernier sur la coopération franco-allemande de défense.

  p. 99-114

En février 1991, nous avons publié un dossier sur certains aspects des industries d'armement. En outre, avec les premiers enseignements de la guerre du Golfe et en pensant au grand marché de 1993, il est devenu indispensable de faire le point sur l'état actuel de l'industrie européenne de l'armement, et de prendre les décisions qui s'imposent pour assurer sa survie. C'est ce que développe de façon très complète l'auteur, directeur général adjoint de Thomson International.

  p. 115-127

En complément à l'article de M. Denis Verret, voici le témoignage d'un membre du directoire de Deutsche Aerospace. Ce texte nous donne des précisions fortes intéressantes sur certaines difficultés, juridiques entre autres, que rencontrent les industriels de l'armement dans le domaine des exportations. Lire les premières lignes

  p. 129-132

Dans les précédentes livraisons, l'auteur a traité de l'attitude de divers États d'Afrique du Nord face à la guerre du Golfe. Nous poursuivons cette série fort intéressante, dans laquelle nous trouvons des divergences mais aussi des points communs, par le Maroc : les réactions du roi Hassan II en particulier montrent combien cet événement majeur a été dans bien des cas difficilement vécu. Lire les premières lignes

  p. 133-148

En janvier dernier, l'auteur nous avait fait profiter de ses connaissances sur Taïwan, cette « autre » Chine. Diplômé de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et de l'Institut américain de Taïwan, ce passionné de l'empire du Milieu et de ses habitants nous explique maintenant pourquoi ce n'est pas la conquête de la démocratie qui constitue la préoccupation essentielle des 800 millions de paysans chinois, mais l'autosuffisance alimentaire : si celle-ci n'est pas assurée, ce sera la fin de la « dynastie communiste ». Lire les premières lignes

  p. 149-160

Chroniques

Les guerres ont ceci en propre que leurs effets ne se cantonnent pas au théâtre des opérations et que le pays vaincu n’est pas seul à en subir les dommages. Par l’engagement radical qu’elles impliquent, elles mettent à l’épreuve plus encore que les États les coalitions et les institutions internationales, révélant du même coup leur fragilité. Pour circonscrit qu’il ait pu être, le conflit du Golfe n’échappe pas à la règle. Contrairement à ce qui a pu être avancé, il n’a guère rehaussé le prestige de l’ONU et, d’une autre manière, il a malmené la construction européenne, déjà rendue plus complexe du fait des libertés partiellement retrouvées dans les pays de l’Est. Lire les premières lignes

  p. 161-164
  p. 165-172

Chacun tire à sa manière les enseignements de la guerre du Golfe. Les télévisions européennes veulent remédier à l’inefficacité dont elles ont fait preuve face à la chaîne américaine du magnat américain Ted Turner, CNN. Du temps d’Hérille, les batailles étaient ensuite recomposées par d’excellents graveurs ; le temps nécessaire à la tâche évitait de nouer les nerfs de l’opinion. Plus tard, nous attendions les actualités qui ouvraient les séances de cinéma : elles n’étaient pas plus objectives que les reportages auxquels nous convie la TV, mais leur fréquence hebdomadaire permettait la critique ou l’analyse en fonction d’autres sources. De nos jours, les médias électroniques entendent nous transmettre la guerre en direct, comme une nouvelle forme de spectacle ! Allons-nous devenir les Fabrice del Dongo de nouveaux Waterloo auxquels nous ne serons pas mieux initiés que lui ? Lire les premières lignes

  p. 173-176

Les moyens photographiques nationaux de recueil du renseignement ne permettent pas actuellement de répondre entièrement aux besoins des armées, en particulier lors d’opérations éloignées du territoire national, où il s’agit de recueillir, réactualiser, traiter et diffuser des informations stratégiques dans des délais très brefs. Lire la suite

  p. 177-178

Le contrôleur général des armées Jean-François Lazerges expose avec beaucoup de clarté les principes qui président à la réorganisation du plan « Armées 2000 », et l’ampleur d’une réforme qui touche à tous les domaines : les objectifs opérationnels, les structures, la gestion des unités et des services. Sur un grand nombre de points, il apporte des précisions qui rassureront les échelons d’exécution qui n’auraient pas compris parfaitement la logique et les acquis positifs de cette réforme : continuité du commandement du temps de paix au temps de guerre, raccourcissement des circuits, autonomie des forces par rapport au territoire. Il reste que la complexité des problèmes posés et l’importance des changements envisagés nécessitent une adaptation progressive et des aménagements qui n’ont pas encore trouvé toutes leurs conclusions. La présente chronique se propose de souligner les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du plan, et les réflexions qu’elles suggèrent, en étendant l’analyse aux trois armées ainsi qu’à la défense civile et économique. Lire les premières lignes

  p. 179-183

Ce serait une erreur de penser l’Armée de terre de demain à travers le seul filtre de la crise du Golfe. En effet, notre stratégie outre-mer vise avant tout à éviter une situation comparable, probablement aussi rare dans l’avenir que lors de ces quarante dernières années. Lire la suite

  p. 184-186

L’informatique a droit de cité partout. Dans la Marine nationale, c’est l’informatique opérationnelle qui, chronologiquement, a fait la première son entrée. En effet, voici un quart de siècle, l’état-major développait un système dont la vocation était de donner aux grands commandements à terre des outils de traitement électronique de l’information, le Système électronique d’information et d’aide au commandement (Seidac). À la même époque, le Centre de programmation de la Marine mettait au point le premier système de traitement de l’information embarqué, qui devait ensuite connaître d’incessants perfectionnements. Lire les premières lignes

  p. 187-190

Nous avons vu dans une première partie comment était né le combat aérien et combien est importante pour un pilote de chasse la connaissance de l’environnement opérationnel, compte tenu de la mutation technologique des dernières décennies. Lire les premières lignes

  p. 191-194

Saddam Hussein n’a pas construit sa politique africaine sur une base idéologique qui lui aurait permis d’étendre son influence à l’ensemble du continent. Il s’est efforcé plutôt de mêler sa voix à celles venues de l’Est dans la zone sahélienne s’étendant de la Mauritanie à la Corne orientale, région d’instabilité, les populations noires, soucieuses d’exprimer leur négritude dans l’islam, y cherchant d’autant plus à se protéger de l’influence exclusive des pays de l’Afrique méditerranéenne que ceux-ci se montraient incapables de les aider à sortir du sous-développement et qu’ils ne cherchaient, en s’assurant une clientèle d’États musulmans non arabes, qu’à augmenter leurs poids respectifs au sein de la Ligue arabe. De 1960 à 1970 approximativement, Israël avait su profiter de la méfiance traditionnelle des pays de la rive méridionale du Sahara à l’égard des riverains du Nord. Par la suite, une certaine solidarité religieuse se manifesta peu à peu ; elle devint continentale lorsque l’Éthiopie, où siège l’Organisation de l’unité africaine (OUA), eut rompu avec Israël. L’Arabie saoudite et l’Iran, venus eux aussi de l’Est, surent en profiter pour amorcer une implantation. Leur concurrence cessa avec la chute du Shah (1979). Riyad prit alors la mesure exacte du potentiel économique de la zone et s’en désintéressa progressivement. Lire les premières lignes

  p. 195-198

• Le 6 mars 1991, devant le Congrès, le président Bush a tiré les enseignements de la guerre du Golfe : « Premièrement, nous devons travailler ensemble à mettre sur pied des accords de sécurité mutuelle dans la région. Deuxièmement, nous devons agir pour contrôler la prolifération des armes de destruction massive et les missiles utilisés pour les envoyer. Désormais, il devrait être clair pour toutes les parties que faire la paix au Moyen-Orient demande des compromis… Le moment est venu de mettre fin au conflit israélo-arabe. Maintenant, nous voyons apparaître un nouvel ordre mondial, un monde où les Nations unies, libérées de l’impasse de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs ». Lire la suite

  p. 199-200

Bibliographie

Pascal Boniface : L’armée. Enquête sur 300 000 soldats méconnus  ; Éditions n° 1, 1990 ; 320 pages - Pierre Morisot

Méconnu, dit le « Robert » : « qui n’est pas estimé à sa juste valeur » et le propos est éclairé par une citation lapidaire de Vigny : « L’armée a toujours été outre mesure décriée ou honorée ». Lire la suite

  p. 202-203

Gilles Kepel et Yann Richard (dir.) / Gilles Kepel : Intellectuels et militants de l’Islam contemporain / La revanche de Dieu (chrétiens, juifs et musulmans à la reconquête du monde  ; Seuil, 1990 ; 290 pages / Seuil, 1991 ; 285 pages - Claude Le Borgne

L’ouvrage collectif que nous présentons d’abord est une promenade à travers l’islamisme moderne. Il éclaire les ambiguïtés d’un mouvement qu’on avait initialement simplifié. La dénomination très impropre d’intégrisme, la connotation rétrograde qu’on lui appliquait à tort et le soupçon d’hétérodoxie dont Bruno Étienne, entre autres, a fait justice, tels sont les effets regrettables de cette simplification. L’islamisme est, hélas ! dans le droit fil de l’orthodoxie, ses activistes sont souvent praticiens des sciences exactes et leur credo réduit à quelques rudes principes. Aussi bien l’introduction de Gilles Kepel nous montre-t-elle comment les oulémas traditionnels ont cédé une partie de leur espace à l’intelligentsia occidentalisée et comment celle-ci a été relevée par de jeunes diplômés réislamisés, contestataires ultimes de l’impiété du prince. Lire la suite

  p. 201-201

Pascal Boniface (dir.) : L’année stratégique 1991  ; Stock et Iris, 1990 ; 580 pages - Pierre Morisot

L’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), dirigé par Pascal Boniface, s’est donné pour tâche de publier annuellement un document regroupant un panorama de la stratégie mondiale et la version française de Military BalanceLire la suite

  p. 203-204

Daniel Rondeau : Chronique du Liban rebelle  ; Grasset, 1991 ; 187 pages - Maurice Faivre

Reporter dans un grand hebdomadaire, Daniel Rondeau débarque à Jounieh en janvier 1988, dans un Liban ravagé par la guerre. « Enthousiaste de la révolution », et engagé dans les révoltes de 1968, il a toujours pris le parti des opprimés : les Palestiniens à l’origine de leur lutte, les Polonais de Solidarnosc. Il découvre au Liban un peuple – chrétiens et musulmans confondus – soumis aux exactions des seigneurs de la guerre (les milices), à l’occupation étrangère et à la présence pesante des Palestiniens. Il est alors conquis par la personnalité du général Aoun, dont il suit avec passion le combat pour la libération et les efforts de rassemblement de toutes les communautés. Notre chroniqueur s’efforce de mobiliser des personnalités françaises contre les accords de Taëf et pour le soutien de l’indépendance nationale, et apprend avec désespoir, le 13 octobre 1990, la reddition de la résistance libanaise, obtenue avec l’active complicité des Américains et des Israéliens. Lire la suite

  p. 204-205

Ronald Reagan : Une vie américaine. Mémoires / Les discours de Ronald Reagan  ; J.-C. Lattès, 1990 ; 790 et 430 pages - Eugène Berg

La lecture des mémoires de Ronald Reagan n’apportera aux historiens que peu de révélations. Elles ne fourmillent ni de faits nouveaux, ni de portraits saisissants. Elles ne sont pas un monument littéraire et donnent bien l’impression d’avoir été dictées. Mais l’ancien Président s’y livre tel qu’il est : spontané, social, charmeur, vivant. Son texte est alerte et sincère et il découvre à chaque moment son goût marqué pour le contact direct, pour le message simple, pour la compréhension entre les hommes. À chaque chapitre, Ronald Reagan illustre sa répulsion du dogmatisme, des lourdeurs bureaucratiques, son aspiration à une société d’individus libres et entreprenants, son credo principal. Lire la suite

  p. 205-206

Philippe Humbert : Inde. Les années Rajv Gandhi  ; L’Harmattan, 1990 ; 277 pages - Eugène Berg

Rajiv Gandhi, héritier d’une lignée prestigieuse d’hommes d’État, succéda à sa mère Indira, abattue par ses gardes du corps sikhs, en octobre 1984. Il connaît en décembre de la même année un véritable triomphe électoral. L’homme est jeune (40 ans), son discours est moderniste, son programme ambitieux : porter l’Inde au seuil du véritable développement à l’aube du XXIe siècle. Sa campagne « anticorruption » captive les masses attentives au comportement de ceux d’en haut. L’économie progresse à des rythmes inégalés. C’est pour le jeune Premier ministre qu’a donné le Congrès au pays, 450 jours d’état de grâce jusqu’en janvier 1986. Lire la suite

  p. 207-207

J. William Zartman : La résolution des conflits en Afrique  ; L’Harmattan, 1990 ; 268 pages - Eugène Berg

Même si les conflits africains se sont fortement réduits en nombre et en intensité depuis l’été 1988, leur étude relève plus que du simple intérêt historique. Tel est le principal mérite de l’étude fouillée de William Zartman, l’un des plus réputés africanistes américains. Celui-ci, en procédant à une étude comparative et à une description détaillée de la plupart des conflits africains de ces trente dernières années, fournit un tableau de leurs causes, dont l’intérêt demeure, pour une large part, encore actuel. Il en distingue six catégories. Lire la suite

  p. 207-208

Revue Défense Nationale - Mai 1991 - n° 520

Revue Défense Nationale - Mai 1991 - n° 520

Il n'y a pas d'éditorial pour ce numéro.

Revue Défense Nationale - Mai 1991 - n° 520

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