Armée de terre - « Armées 2000 » : la nouvelle organisation du commandement de l'Armée de terre
Parmi tous les défis qui se présenteront à l’Armée de terre dans la période à venir, l’un d’entre eux s’impose dès aujourd’hui : celui lié à la mise en place d’Armées 2000, effective depuis le 1er septembre 1991.
Il s’agit d’une mutation très importante, qui a notamment nécessité de réécrire les textes réglementaires sur lesquels reposait, jusqu’à cette date, l’organisation de notre défense. Décidé dès 1989, c’est-à-dire avant tous les événements qui ont secoué depuis l’actualité, Armées 2000 vise à améliorer les structures de commandements de l’ensemble des armées et de l’Armée de terre en particulier.
Dysfonctionnement
On avait pu constater certains dysfonctionnements dans l’ancienne organisation, qui datait de la loi de 1882, et des dernières dispositions prises en la matière en 1976. Ils résultaient, pour une bonne part, des mutations successives et des redéploiements géographiques de nos forces, survenus lors de ces dix dernières années. La création de la Force d’action rapide (FAR), le passage de trois à deux corps d’armée, font que ces grandes unités sont aujourd’hui réparties sur l’ensemble du territoire national ainsi qu’en Allemagne.
Le principe d’unicité des commandements opérationnel, territorial et des services, dans les régions, relayés par les Divisions militaires territoriales (DMT), qui avait présidé à la mise en place des anciennes structures, était donc battu en brèche. Il en résultait des subordinations qui compliquaient l’exercice du commandement et de l’administration. Certaines divisions étaient même implantées dans les territoires de deux ou plusieurs régions militaires. En bout de chaîne, les charges des corps de troupe s’alourdissaient et, pour eux, sous la pression du temps de paix, le commandement territorial prenait souvent le pas sur le commandement opérationnel. Il était donc nécessaire d’assurer à nouveau la continuité paix-crise-guerre, en redonnant la priorité à l’opérationnel tout en assurant une meilleure coopération interarmées et en allégeant les structures territoriales.
Les dispositions les plus visibles d’Armées 2000 concernant l’Armée de terre se traduisent par la suppression des 22 DMT et la création de 9 Circonscriptions militaires de défense (CMD) qui en reprennent les attributions territoriales ainsi que d’une large partie de celles des 6 anciennes régions militaires.
Mais c’est surtout la séparation entre les 4 chaînes hiérarchiques (la chaîne opérationnelle, celle des commandements militaires de défense – ex-chaîne territoriale –, celle des services et celle des écoles), qui dépendent désormais directement de l’État-major de l’Armée de terre (EMAT) par l’intermédiaire de leur commandement propre, qui est nouvelle et implique un changement de mentalité. Les liaisons entre ces 4 chaînes ne sont que « contractuelles » en temps de paix. Il est admis cependant, en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles, que des relations de type hiérarchique s’instaurent à nouveau sur ordre. Quoi qu’il en soit, cette autonomie de chaque chaîne, avec tous les avantages liés à l’unicité du commandement et à la clarification des responsabilités qui en découlent, implique cependant une mentalité très coopérative de chaque échelon des 4 commandements pour que cette autonomie ne se transforme pas en indépendance et en cloisonnement préjudiciables au fonctionnement de l’ensemble.
Le rôle exact des 3 régions militaires de défense reste également à définir. Pour l’instant, il se limite à la coordination des plans de défense établis par les CMD et aux liaisons interarmées. La période de rodage des prochains mois permettra sans doute d’étendre leur compétence si le besoin s’en fait sentir.
La nouvelle organisation du commandement dans l’Armée de terre
Corps de manœuvre |
CDT militaire de défense (2) |
Services |
Formation |
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CA et FAR |
RMD et CMD |
Directions centrales |
CEAT |
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Commandement opérationnel (1) |
Préparation et application des plans d’engagement en tout lieu des divisions |
• préparation et application des plans de défense de zone |
Les formations de soutien rattachées au corps de manœuvre sont sous l’autorité directe des commandants de forces |
Sans objet |
Commandement organique (1) |
• Organisation, instruction, entraînement et sécurité des forces de manœuvre |
• communication et recrutement, mobilisation, infrastructure, logement, service de garnison, prestations non opérationnelles, organisation des examens, ASA, gestion des personnels civils et des réservistes, répartition des MDR dans leur zone, contentieux, hygiène et sécurité du travail… |
Les établissements de soutien dépendent de leur direction centrale par l’intermédiaire des directions locales |
Les écoles dépendent directement du CEAT |
Liaisons contractuelles (3) |
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4 chaînes hiérarchiques, 2 types de commandement |
(1) Peuvent être assurés par la même autorité.
(2) Ex-territorial.
(3) Sauf en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles où des relations de type hiérarchique s’instaurent.
« Forces à la demande »
Un autre avantage opérationnel est attendu d’une distinction plus nette entre les commandements opérationnel (emploi des forces) et organique (maintien en condition et préparation) dans chaque chaîne hiérarchique. Cette distinction, déjà en vigueur dans la Marine, a l’avantage de faciliter la constitution de forces opérationnelles, à la demande et en fonction de la menace, avec des modules provenant de chaque chaîne hiérarchique et aux ordres de l’autorité opérationnelle désignée.
Cet « engerbement » ne doit pas se limiter à l’Armée de terre d’ailleurs, car le combat sera toujours interarmées. Aussi, dès le temps de paix, chaque commandement opérationnel s’entraînera à employer divers éléments qui ne lui sont pas affectés normalement.
C’est un progrès réel que l’on attend de ces nouvelles dispositions. Elles permettront d’éviter en partie les difficultés que l’on a connues pour mettre sur pied la Division Daguet [NDLR 2023 : lors de la guerre du Golfe], constituée d’éléments venant de tous les horizons, et suivant des anciennes structures non prévues pour ce type de situation. ♦