Armée de terre - Le service à dix mois
Par la multiplicité de ses conséquences dans de nombreux domaines, le passage du service militaire à 10 mois effectifs, depuis le 1er octobre 1991, constitue sans aucun doute un défi majeur pour l’Armée de terre. De plus, le fait que cette mesure s’imbrique avec la mise en place de la Disponibilité opérationnelle différée (DOD) rend son application plus complexe encore.
L’état-major a en effet choisi de concentrer dans le temps l’instabilité liée à cette double transition, en acceptant le risque de la voir atteindre un niveau important mais supportable, compte tenu du changement de nature des menaces en Centre-Europe.
Par ailleurs, la réduction drastique des effectifs à laquelle sera confrontée l’Armée de terre dès 1992 imposait de rechercher toutes les voies permettant d’éviter des dissolutions d’unités supplémentaires. La disponibilité opérationnelle différée, par les gains d’effectifs que l’on en attend, du tuilage des fractions du contingent, des unités d’instruction, en est une. Il fallait donc la mettre en œuvre sans attendre.
Reste que si les deux événements, passage du service à 10 mois, passage à la DOD, se superposent, il convient de les dissocier au niveau de leurs conséquences pour en analyser toute leur portée.
Effets mécaniques
La réduction de la durée de service militaire entraîne un certain nombre d’effets mécaniques dont le premier est que, à format égal, il nécessite d’augmenter le nombre d’appelés à incorporer.
Pour tenir un emploi pendant un an, là où il ne fallait qu’un soldat dans l’ancien système, il en faut aujourd’hui un pour tenir le poste pendant 10 mois et un deuxième pour l’occuper les 2 mois suivants.
Cette augmentation nécessaire du volume de chaque fraction de contingent est de 25 %. Pour « alimenter » un régiment de 1 000 postes opérationnels, il fallait dans le cadre du service à 1 an, 5 contingents instruits de 200 appelés, le sixième étant à l’instruction pendant 2 mois. Il en faut désormais 4 de 250, le cinquième du même volume étant en formation initiale. Ceci bien sûr dans le cadre de la solution qui a été retenue à savoir la conservation du système d’incorporations bimestrielles.
Les charges d’instruction sont donc elles-mêmes augmentées de 25 %, toujours dans l’hypothèse où la période initiale continue à se faire en unité spécialisée pendant 2 mois.
Le deuxième effet mécanique à prévoir est la baisse brutale d’effectifs qui surviendra en août 1992. À cette date, partiront simultanément la dernière fraction de contingent effectuant un service à 12 mois (91/08) et la première bénéficiant de la mesure de réduction à 10 mois (91/10).
Ceci aura pour effet de créer dans les corps un sous-effectif de la valeur d’une fraction de contingent instruite correspondant à 20 % des postes opérationnels qui resteront vacants pendant une période qu’il faut s’efforcer de rendre la plus courte possible.
Le remède à apporter à ces deux effets mécaniques aurait pu consister tout simplement à augmenter le volume des incorporations de 25 % à compter du 1er octobre 1991, si cela avait été possible.
Malheureusement, le volume des crédits budgétaires alloué au titre de l’année 1991 ne permet pas d’alimenter des incorporations majorées en volume. Quant à 1992, même si les crédits correspondant au sureffectif sont votés, c’est à un problème de nature démographique que l’on sera confronté : tout en intégrant une déflation minimale de 17 000 postes d’appelés, le volume des incorporés devrait en 1992 dépasser les 190 000 contre 173 500 en 1991 pour faire face au besoin de l’Armée de terre. Or les projections de la Direction centrale du service national laissaient penser, en octobre 1991, qu’il y aurait un déficit de 13 000 à 15 000 incorporés au premier semestre 1992.
Priorité à la DOD
La gestion des effectifs sera donc très tendue dans la période à venir et il est envisagé de protéger certaines unités des problèmes de cet ordre qui affecteront l’ensemble de l’Armée de terre. Il s’agit de celles menant des expérimentations particulières ou relevant des transmissions d’infrastructures ou chargées de mission de transport à caractère permanent, par exemple. Les très petites unités seront elles aussi protégées dans la mesure du possible, une baisse d’effectifs importante étant difficilement supportable pour elles.
Par ailleurs, il est prévu que les 4 divisions blindées (DB), la 15e Division d’infanterie (DI), la 27e Division alpine (DA), les 2 régiments d’appelés de la 11e Division parachutiste (DP) passeront en DOD dès 1992. Ils bénéficieront eux aussi d’une nette priorité en matière d’effectifs dans le cadre de l’alimentation des unités de combat en fraction de contingent homogène à un niveau quantitatif et qualitatif suffisant.
En effet, il ne s’agit pas de rater le lancement de ce nouveau système dans lequel l’Armée de terre met beaucoup d’espoir. Les effets psychologiques d’un « départ » un tant soit peu chaotique seraient désastreux.
Dans ce contexte, il est primordial pour l’Armée de terre de recruter plus de Volontaires service long (VSL) en 1992 afin de limiter la tension sur les effectifs résultant de cette réduction de la durée du service national.
Sinon, il va sans dire que les unités qui paieront la note, celles qui ne seront pas « protégées », celles dont la mission ne nécessite pas d’être en disponibilité immédiate et celles qui ne mettront pas en œuvre la DOD connaîtront une année 1992 particulièrement difficile. ♦