Armée de terre - La Disponibilité opérationnelle différenciée (DOD)
Le mois dernier, la chronique décrivait, dans le cadre de l’ancienne organisation de l’Armée de terre, les conséquences mécaniques du service à 10 mois portant d’une part sur la nécessité d’incorporer 25 % de recrues supplémentaires pour rester à effectif constant, et se traduisant, d’autre part, par une déflation brutale, en août 1992, résultant du départ simultané de deux fractions de contingent.
Aujourd’hui, son contenu nous explique comment le concept de Disponibilité opérationnelle différenciée (DOD) permet de pallier, dans une certaine mesure, ces deux effets tout en optimisant l’organisation de l’Armée de terre face aux nouvelles donnes concernant notre sécurité.
L’adaptation à une nouvelle situation
En France, comme dans de nombreux pays, l’évolution de la situation internationale se traduit entre autres par la réduction de la durée du service militaire et le resserrement de son dispositif de sécurité. Avec cette nouvelle donne, l’Armée de terre doit adapter ses structures en « faisant autrement » quand cela est nécessaire.
Les menaces, qui pesaient encore sur l’Europe jusqu’à une époque récente, exigeaient une disponibilité immédiate de la plupart de nos unités d’activé, obtenue par le système de recouvrement des fractions de contingent. Aujourd’hui, les risques d’une autre nature qui se sont substitués aux anciennes menaces en Centre-Europe autorisent des délais plus importants pour la montée en puissance éventuelle d’une partie de nos forces.
La nécessité de disponibilité immédiate, avec pour corollaires le principe du « tuilage », consommateur d’effectifs, et le manque d’homogénéité des unités alimentées tous les deux mois, perd donc aujourd’hui son caractère impératif pour environ deux tiers des régiments. Il est possible désormais de donner la priorité à l’instruction, à la cohésion et aux économies d’effectifs dans la plupart des formations constituées d’appelés, cette « bascule » étant d’autant plus utile que le service a été ramené à 10 mois.
Il était donc nécessaire d’appliquer un nouveau principe – celui de la DOD, partie intégrante de la disponibilité opérationnelle différenciée –, afin d’optimiser cette situation nouvelle.
La DOD : 7 piliers
La DOD est déjà expérimentée dans 7 régiments et prendra toute son ampleur en 1992. Elle repose sur 7 piliers :
– l’incorporation directe dans les unités de combat afin, entre autres avantages, d’augmenter leur cohésion ;
– la création d’éléments de sécurité dont l’encadrement sera gagé par la suppression des unités d’instruction et qui permettront de protéger les soldats en formation individuelle, des multiples services liés à la vie du corps ;
– la formation individuelle sera portée à 4 mois au lieu de 2 dans le système actuel : cette période sera totalement protégée comme il a déjà été précisé (pas de prestation ou exercice d’entraînement) ;
– les unités fonctionneront avec des fractions de contingent homogènes, ce qui permettra de mieux rationaliser l’instruction ;
– après 6 mois de disponibilité immédiate de l’unité, les cadres bénéficieront d’une période de remise en condition de 2 mois en attendant l’incorporation suivante ;
– un allégement des charges et une meilleure instruction seront permis grâce à l’augmentation du taux d’encadrement gagée par les dissolutions ;
– l’augmentation du nombre de Volontaire service long (VSL) permettra de donner une certaine permanence aux postes à haute technicité s’accommodant mal du service à 10 mois.
Mesures d’accompagnement
Il est à noter que ce principe nécessite d’abord d’atténuer, dans la mesure du possible, les disparités entre fractions de contingent : chaque unité élémentaire étant « abonnée » à une seule d’entre elles, il faut leur permettre d’atteindre sensiblement le même niveau de compétence. Ensuite, pour sauvegarder la possibilité de montée en puissance en temps de crise et le bon fonctionnement des corps de troupe en temps de paix, certaines unités élémentaires des régiments en DOD resteront en disponibilité immédiate.
Il s’agira de l’Unité de commandement et de logistique (UCL, ancienne CCS, Compagnie de commandement et de soutien) et de l’Unité de défense et d’instruction (UDI) nouvellement créée. Sa mission sera d’assurer :
– la sécurité du quartier avec une équipe spécialisée (environ 60 hommes) ;
– les charges de la vie courante régimentaire (casernement, cercle, sport, service général…) ;
– l’instruction, avec deux sections, de la partie permanente du régiment constituée par ces deux unités ; elles seront alimentées en effectif comme dans l’ancien système, selon le principe du « tuilage ».
La DOD ne concernera donc, au sein des régiments, que les unités de combat ainsi que les éléments d’appui et les systèmes d’armes de l’UCL.
Enfin, la mise en place de la DOD dans les unités concernées nécessite des mesures transitoires. Elles verront leurs effectifs diminuer progressivement lors du premier semestre 1992 par non-remplacement des fractions de contingent quittant le service actif avant l’incorporation homogène ouvrant le cycle DOD au second semestre. Certes, cette mesure perturbera la vie des corps pendant un semestre mais, de toute façon, les effets du passage au service à 10 mois – sans DOD – auraient été tout aussi préjudiciables.
Adaptation aux rôles
Si chaque compagnie ou batterie est alimentée en contingent homogène, qu’en sera-t-il dans les régiments ? Des expérimentations ont été faites. Il en ressort que le nombre de fractions de contingent destiné à chaque régiment devra être adapté aux caractères spécifiques de leur rôle.
Types d’alimentation des corps de troupe en DOD
Type de formation |
Alimentation |
Régiments d’infanterie et Arme blindé cavalerie ou ABC (sauf 15e DI et 11e Division parachutiste, DP) |
Écart de 4 mois entre 2 contingents |
Régiments d’artillerie |
2 contingents successifs |
Régiments de génie de DB (Division blindée) |
Écart de 6 mois entre 2 contingents |
Régiments d’infanterie et d’ABC appartenant à la 15e DI ou à la 11e DP |
4 ou 5 contingents |
Il faut insister sur le fait que la disponibilité opérationnelle différée s’inscrit dans un concept plus large, celui de la disponibilité opérationnelle différenciée : un tiers des unités de l’Armée de terre restera en disponibilité immédiate ; les unités fonctionnant selon les principes de la DOD seront en disponibilité immédiate la moitié du temps.
Au total, ce sont donc les deux tiers de l’Armée de terre qui, à un instant donné, seront immédiatement disponibles. Par ailleurs, le principe de la disponibilité opérationnelle différenciée – qui marque un véritable tournant dans l’organisation de l’Armée de terre – permettra de limiter le nombre de dissolutions de régiments résultant de la déflation attendue de ses effectifs passant de 280 000 à 225 000 à l’horizon 1997. ♦