Aéronautique - Un nouveau système de gestion des matériels : Sigma (Système d’information pour la gestion des matériels air)
La bonne pièce, au bon moment, au bon endroit : ainsi est souvent résumé le contrat que les services logistiques doivent tenir pour que les unités opérationnelles puissent accomplir dans les meilleures conditions leurs missions d’entraînement ou de combat. Réduire les coûts de soutien des systèmes d’armes, tel est l’autre objectif qui s’impose également, avec une force grandissante, à tous les responsables logistiques.
L’Armée de l’air met en œuvre un parc très diversifié d’aéronefs, de radars au sol, de missiles, dont le soutien logistique est complexe et coûteux. Par exemple, les Volants de matériel, les pièces de rechange et les moyens supports divers (VRD) nécessaires à un avion de combat s’évaluent financièrement à 30 % du coût unitaire. L’importance du volume des matériels de soutien air nécessite une gestion sans cesse plus performante, dans le but d’accroître simultanément, et sans que cela soit contradictoire, l’efficacité opérationnelle et la maîtrise des coûts.
Cette gestion incombe, en grande part, au Service du matériel de l’Armée de l’air (SMAA) et à son Centre de gestion des matériels techniques (CGMTAA) implanté sur la Base aérienne de Châteaudun.
Centralisé, global, prévisionnel
Telles sont les caractéristiques du système informatique développé, dès les années 1960, dans le but de connaître à partir d’un centre unique (CGMTAA) tous les rechanges techniques de l’Armée de l’air, quels que soient leur position géographique ou leur état technique, de les répartir en fonction des besoins, de les faire réparer et de les approvisionner en anticipant sur les besoins futurs des unités.
Ce système de gestion a rendu d’immenses services. Comme beaucoup d’organisations informatiques de sa génération, et malgré les modifications et les compléments dont il a été l’objet en permanence depuis sa création, il a fini par atteindre ses limites structurelles et matérielles : manque de souplesse pour s’adapter aux exigences d’une gestion plus sélective ou pour satisfaire les besoins nouveaux d’utilisateurs plus sensibilisés à l’informatique, maintenance lourde et, enfin, défaut de capacités de simulation pour évaluer les incidences des évolutions de paramètres de fonctionnement. Dès 1980, une rénovation devenait indispensable et, après quelques tentatives infructueuses en interne, la complexité de la tâche a nécessité le recours à des sociétés de services.
Schéma directeur
Sous la coprésidence effective du sous-chef d’état-major « logistique » et du directeur central du matériel de l’Armée de l’air, une démarche classique de schéma directeur a été d’abord conduite en 1989. Cinq ingénieurs d’un important cabinet de conseil en organisation, deux officiers à plein temps, une collaboration de 70 utilisateurs de l’État-major, du service, des forces et de la Direction générale de l’armement (DGA) ont, à l’issue d’un travail intense de 8 mois, dégagé les principes du nouveau système de gestion et les modalités d’élaboration des logiciels d’application.
Dans la recherche des deux objectifs majeurs retenus – adaptation permanente de la gestion aux nécessités opérationnelles et plus grande maîtrise des dépenses et des délais –, le nouveau Système d’information pour la gestion des matériels air (Sigma) apportera plusieurs améliorations importantes. L’utilisation sera plus claire : un mode de gestion remplacera les cinq précédents. Les rechanges seront gérés de manière plus sélective, donc plus efficace, en fonction de leur coût, de leur « chiffre d’affaires » et de leur critère de réparation. Les magasins des bases aériennes participeront plus activement aux décisions de recomplètement de leur stock. L’efficacité de l’ensemble du soutien logistique sera encore accrue grâce à une meilleure intégration des différentes fonctions, comme le transport et la réparation. Enfin, les dépenses attachées à de grands ensembles d’utilisation ou à des flottes d’avions ainsi que les comptes rendus par le service seront élaborés de façon précise et fiable. L’Armée de l’air disposera ainsi, grâce à des tableaux de bord adaptés, d’un outil très complet d’aide à la décision.
Les équipements informatiques existants (ordinateurs, réseaux) ont, quant à eux, été jugés bien adaptés, et la politique suivie par la DCMAA dans ce domaine n’a pas été remise en cause.
Un projet important
Le projet de réalisation des logiciels confié, après appel d’offres, à une importante société d’ingénierie informatique est évalué à 2 000 mois-homme, soit l’équivalent de 50 personnes à plein temps pendant 4 ans.
Commencée en août 1991, une première phase, qui doit durer jusqu’en 1993, réorganisera d’abord sur le site central de Châteaudun toutes les applications traitant de la génération des ressources (approvisionnement initial, réapprovisionnement et réparation). Cette étape est normalement en concordance avec les décisions d’approvisionnements initiaux du Rafale. Dans une seconde phase, de 1993 à 1995, seront refondues les fonctions de distribution, de transport et de comptabilité en cohérence, là aussi, avec la mise en place des premiers matériels Rafale.
Comme son prédécesseur, le nouveau système de gestion est destiné à demeurer en service bien au-delà d’une décennie. Véritable système sanguin qui irrigue toutes les unités, son fonctionnement a un rôle capital pour l’Armée de l’air. Il est donc de la plus haute importance que le projet aboutisse dans les délais, apporte les avantages attendus, et que la transition entre ancienne et nouvelle gestions s’effectue au mieux. Au-delà de moyens financiers, les structures adaptées ont été mises en place.
Une équipe de marque, créée dès 1989 et composée de quatre officiers supérieurs, a été chargée, au nom de l’Armée de l’air, de la direction opérationnelle du projet. Plus encore que pour le schéma directeur, les utilisateurs de tous niveaux et en particulier le centre de gestion et le centre de programmation du service sont étroitement associés aux travaux, condition essentielle pour que Sigma réussisse. Un comité directeur auquel participe l’État-major, présidé par le directeur central du matériel, assure la haute direction de l’ensemble. Enfin, pour disposer de compétences et de continuité pour l’aider à conduire ce projet très technique s’étalant sur une période assez longue, l’Armée de l’air a fait appel à une société civile en tant qu’assistant à la maîtrise d’ouvrage.
Un système ouvert
Un des objectifs majeurs, déjà cité, fixé au nouveau système, concerne sa capacité d’adaptation aux nécessités opérationnelles. Il doit être capable, également, d’absorber des extensions de son domaine d’application.
Poursuivant la démarche d’optimisation de ses moyens, l’Armée de l’air a entrepris, par ailleurs, de créer un système informatisé de gestion des activités des unités de maintenance. Ce futur système et Sigma, lesquels traitent des aspects complémentaires de la vie des mêmes matériels, doivent se compléter et s’enrichir mutuellement. Les équipes en charge des deux projets veillent en permanence à assurer à terme la cohérence des développements. Ultérieurement, les applications dites locales fonctionnant sur les bases aériennes au profit des unités implantées, seront reprises et mieux intégrées à l’informatique du site central.
Hors l’Armée de l’air, l’aéronautique navale a entrepris, elle aussi, une modernisation de son système d’information logistique. Dans la perspective de la mise en service des versions air et marine de l’avion issu du Rafale (ACT et ACM), un groupe de travail service central aéro-SMAA a été créé pour veiller à la compatibilité des deux futurs systèmes logistiques et faciliter les échanges d’informations, facteurs d’économie dans le soutien de deux avions dont la communauté sera importante. Les normes de documentation et d’approvisionnement retenues sont maintenant identiques. Pour les procédures, le fait qu’une même société de services réalise les deux systèmes d’information constitue un facteur extrêmement favorable.
À terme, l’Armée de l’air participera à la constitution de la base commune de données logistiques, techniques et financières permettant, pour les flottes futures et dans le cadre des procédures de Soutien logistique intégré (SLI), d’aller vers plus d’anticipation et de maîtrise des coûts de soutien. Une étape aura alors été franchie vers l’intégration plus complète des informations visée par la démarche CALS (Computer-aided Acquisition and Logistic Support).
Le service du matériel s’est engagé avec détermination et continuité dans un projet complexe, dont l’aboutissement aura une influence capitale pendant une longue période sur l’activité logistique de l’armée de l’air. Devant l’importance de l’enjeu, les moyens financiers et humains ont été dégagés pour assurer la réussite d’une entreprise, au déroulement actuel très satisfaisant, dont l’objectif ultime est de contribuer à accroître l’efficacité opérationnelle des forces. ♦