Cassandre bleu marine
Pour une civilisation donnée, le progrès technique, non sans à-coups, va toujours dans le même sens ; et pourtant, à une génération d’intervalle, nous ne pouvons même pas imaginer la découverte qui, parfois, va changer le sens et le mode de notre vie. On ne peut donc s’étonner que la prospective militaire se trompe souvent dans ses prévisions, surtout lorsqu’elle est d’essence défensive.
La valeur des hommes est connue ; le génie des capitaines peut parfois être supputé ; mais la troisième clef de la victoire, la technique, va rarement deux fois de suite dans la même serrure.
De tout temps, en tout lieu, politiques et militaires ont laissé se glisser des erreurs, légères ou graves, dans leur futurologie. C’est ainsi, pour ne pas remonter au déluge et en nous en tenant à notre pays, que l’armée française en 1914 comptait 50 000 cavaliers qu’il a fallu promptement mettre à pied. En 1930 Maginot construisait en relief les tranchées qui nous avaient abrités en 1916. L’aviation française en était toujours à Guynemer cependant que les Allemands mettaient au point le couple Stuka-char. La marine française attendait 1938 pour mettre en chantier deux vrais porte-avions sans voir que l’aviation condamnait à terme les cuirassés. Bien souvent, de surcroît, le désir d’économie ou mieux le désir de ne pas consacrer aux forces militaires ce qu’il faudrait enlever à la défense de notre culture et de notre économie fait que la paresse des idées va de pair avec les soucis budgétaires. Il est bien vrai que l’indépendance, si l’on veut en plus conserver la paix, coûte encore plus cher.
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