Armée de terre - L'efficacité et l'unité
Face à la mutation considérable à laquelle doit se préparer l’Armée de terre, deux soucis principaux dominent le lot des préoccupations de l’état-major.
Le premier vise à maintenir l’unité d’un grand ensemble qui risque de se distendre avec une spécialisation croissante et l’élargissement de l’éventail des missions. Par ailleurs, dans un contexte incertain entourant un milieu longtemps habitué aux certitudes, la préservation du moral des cadres est le second souci majeur aujourd’hui. Dans ce sens, les arguments objectifs ne manquent pas.
Moral
Malgré le resserrement important des effectifs, le volume des personnels de carrière et sous contrat devrait être globalement maintenu : le ministre [Pierre Joxe] l’a déclaré devant l’Assemblée nationale le 13 novembre 1991. Le nombre d’Evat (Engagés volontaires de l’Armée de terre) pourra donc être augmenté à terme, après une déflation provisoire en 1992, et le taux d’encadrement sera amélioré de manière significative pour dépasser 30 % en 1997, ce qui devrait permettre d’alléger les charges dans les corps de troupe.
Un rééquilibrage appelés-engagés sera aussi entrepris, afin de mieux répondre aux risques futurs. Il passerait en « gros » à près de la moitié pour chaque catégorie. Enfin, il ne devrait pas y avoir de loi de dégagement des cadres comme dans les armées américaine ou anglaise par exemple.
Un effort important a été également consenti pour améliorer le niveau de vie des personnels sous contrat : 691 millions de francs y ont été consacrés en 1991. Par ailleurs, les inquiétudes sur les retraites ne concernent pas les militaires dans l’état actuel de leur régime : le Premier ministre [Édith Cresson] a été très clair sur ce sujet le 22 mai 1991.
Enfin, l’hypothèse de voir une division blindée rester en Allemagne devient de plus en plus probable. Cela, associé au fait que le Corps blindé mécanisé (CBM) devrait voir un nombre croissant de ses unités manœuvrer hors de la métropole, donnera aux cadres la possibilité de garder les légers avantages financiers qui leur permettaient jusqu’à ce jour d’atteindre une certaine décence dans leurs conditions de vie.
Unité
En ce qui concerne l’unité de l’Armée de terre, il est vrai que la guerre du Golfe a développé une double perception de l’institution dans laquelle les unités à base d’appelés ont pu paraître les parents pauvres.
La réduction du CBM, associée au maintien à son niveau actuel de la Force d’action rapide (FAR), devrait favoriser, si l’on sait prendre les mesures appropriées, l’osmose des cadres entre les deux types de forces. L’outre-mer, où les forces prépositionnées vont probablement garder le même volume, continuera d’offrir des perspectives intéressantes à ceux qui montreront les qualités requises pour y être affectés. Mais, au-delà des intentions visant à maintenir cette unité, l’efficacité doit primer, et celle-ci passe obligatoirement par une spécialisation à certaines techniques, à certaines missions, à certaines affectations. Le problème est de savoir aujourd’hui quels sont les postes qui requièrent un savoir-faire particulier pour définir des règles de gestion claires et acceptées par l’ensemble.
Efficacité
Certains considèrent, en toute hypothèse, que la logique imposant la création de deux Groupements organiques de forces (GOF), aux missions bien différenciées et aux matériels adaptés (1) doit se prolonger par une certaine spécialisation de leurs personnels, si l’on considère avant tout l’efficacité comme critère déterminant.
Ce n’est pas un moindre paradoxe de risquer aujourd’hui de voir efficacité et unité s’opposer… Aussi s’agit-il surtout, pour le commandement, de faire en sorte que les spécialités soient bien comprises et admises par tous, afin de sortir « dialectiquement » de cette fausse contradiction. ♦
(1) Les forces terrestres disposeront de deux GOF. L’un sera doté de matériels fortement blindés, chenilles, dont les atouts seront la puissance de feu, la mobilité tactique et la protection ; ce sera le CBM réduit en volume. L’autre disposera de forces plus agiles mais moins protégées, capables d’une grande mobilité stratégique ; il s’agira de la FAR. Les professionnels et les volontaires seront répartis entre les deux groupes.