Afrique - La démocratie a-t-elle été étouffée en Algérie ?
Aux yeux de l’opinion française, la démission du président Chadli Bendjedid (en fait une destitution), la création d’un Haut comité d’État (HCE) et l’annulation des élections législatives, sont apparues comme une violation du processus démocratique. Le président Mitterrand a résumé cette impression en déclarant, le 14 janvier 1992, qu’il fallait « qu’au plus tôt les dirigeants algériens renouent les fils d’une vie démocratique qui s’amorçait et qui devra arriver à son terme ».
L’analyse attentive des événements n’incline cependant pas à une conclusion aussi tranchée. On a, certes, volé au Front islamique du salut la victoire qu’il allait obtenir des urnes sans pour autant l’octroyer à ses rivaux. Que le FIS se sente frustré, rien de plus normal, mais peut-on considérer qu’il s’agit là d’un coup d’arrêt porté à la démocratisation du pays ? Répondre par l’affirmative reviendrait à juger qu’il suffit d’organiser des élections pour ouvrir la voie démocratique. Or, d’autres considérations entrent en jeu. L’armée a estimé qu’en la circonstance les dispositions énoncées par la Constitution de 1989 étaient directement menacées, puisque le FIS n’entendait pas se conduire comme un parti parmi d’autres, mais cherchait à s’imposer comme une force révolutionnaire, déterminée à remettre en cause la Constitution elle-même. La loi démocratique n’implique-t-elle pas au premier chef le respect des institutions en place, surtout lorsqu’elles ont été approuvées par voie référendaire ? Il y avait donc dans l’attitude du FIS un facteur de contestation radicale ne garantissant aucunement l’épanouissement d’une vraie démocratie.
Eût-il fallu, sous prétexte d’honorer un scrutin auquel n’a participé qu’un Algérien sur deux, laisser courir les choses ? Le comportement des responsables du FIS durant ces derniers mois n’y incitait guère : n’ont-ils pas, en mai 1991, lancé un mot d’ordre de grève générale pour obtenir la démission du président Chadli et une révision de la loi électorale ? N’ont-ils pas fomenté des troubles et provoqué des affrontements avec l’armée à seule fin de bien manifester leur détermination ou leur intransigeance ? N’ont-ils pas attendu le 14 décembre 1991 pour accepter de se lancer dans la compétition électorale ? Et, le 18 janvier, n’ont-ils pas ouvertement incité les militaires à la désobéissance, ce qui entraîna aussitôt l’arrestation d’Abdelkader Hachani [NDLR 2024 : son chef] ? De tels faits ne s’inspirent guère d’une saine pratique de la démocratie : convenait-il de les tenir pour négligeables ?
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