Editorial
Éditorial
Les choix sont difficiles mais ils sont à faire maintenant. Le peuple américain doit se choisir un président, le 44e ou le 45e, le 18e Congrès du Parti communiste chinois doit définir sa ligne politique et désigner celui qui l’incarnera, les Syriens doivent reprendre en main leur destin tragique, les Africains de l’Ouest le contrôle du Nord Mali, les Européens redéfinir leur projet collectif et la France redistribuer ses moyens entre consolidation de sa sécurité, de sa cohésion et de sa prospérité. Aucun de ces choix n’est facile, presque tous seront déterminants pour les équilibres des prochaines décennies et la sécurité de la France. Or le sentiment qui se dégage est celui d’un moment d’hésitation général.
Partout, on oscille entre des processus de concertation et de coopération et de rudes formules de compétition et de confrontation. De vieilles recettes pointent comme autant d’alternatives au désordre. La relance de la compétitivité par la guerre, la relance de la cohésion par l’idéologie ou le martyre ; la maîtrise de la stabilité par le bon voisinage et celle du progrès par une rigoureuse répartition de ressources comptées. À ce grand jeu, on s’adonne partout et de façon peu coordonnée.
Pourtant coup sur coup deux choix viennent d’être faits qui confirment que les Européens défrichent, dans le scepticisme général, une voie nouvelle, celle d’une puissance d’équilibre qui résiste à la tentation de la confrontation et lui préfère celle de la concertation. Le Prix Nobel de la paix décerné à la construction européenne est inattendu et presque paradoxal tant les Européens semblent douter d’eux-mêmes mais il révèle un espoir. Le projet de fusion-acquisition de BAE par EADS relevait d’une vision militarisée et financiarisée de la compétitivité européenne. Son échec est celui d’une approche capacitaire d’une Europe de la défense rêvée : le ciment de l’UE n’est pas militaire et son développement ne passe pas par l’armement relégué par son histoire récente. La puissance européenne est « civile » et son identité industrielle passe par le transport sous toutes ses formes, l’énergie dans tous ses usages, la haute technologie dans tous les domaines-clés, ceux de la santé, de l’alimentation, de l’observation spatiale, des sciences de la matière… La défense est d’autant moins centrale que les opinions publiques européennes, si elles déplorent une réelle précarité sécuritaire, n’envisagent guère un traitement militaire pour la résorber. En Europe, la concertation/compétition prévaut sur la confrontation/défense, on peut le comprendre au vu de l’histoire du continent.
C’est aussi que la mondialisation dont les océans, les ports constituent des infrastructures vitales, a ouvert de nouveaux champs de prospérité et de développement qui se jouent des frontières terrestres pour lesquelles on s’est tant battu, notamment en Europe. Labourer ces champs d’action fluides requiert de constituer de fortes bases de compétitivité et des moyens mobiles, notamment navals, spatiaux et cybernétiques, pour les sécuriser. Là sont des enjeux de sécurité pour le XXIe siècle, ceux que, dans son secteur, Euronaval s’emploie à relever. Là sont tous les ingrédients d’une nouvelle ambition pour la France.