Cette radioscopie de la puissance qu’expose l’auteur à partir de l’ouvrage monumental de Pierre Buhler révèle la complexité et l’ampleur de ce phénomène qui organise le monde. Les mutations en cours en Asie et en Europe n’effacent pas le déterminisme des facteursclés de la géographie, du nombre et de la richesse.
Préambule – Une brève histoire de la puissance
Preface–A Brief History of Power
The author exposes a radioscopy of power starting from the monumental work of Pierre Buhler, revealing the complexity and breadth of this phenomenon that organizes the world. Ongoing evolutions in Asia and Europe do not erase the determinism of key factors of geography, numbers, and wealth.
L’ouvrage de Pierre Buhler (1) s’ouvre sur une citation de Thucydide. L’auteur est à la mode. Sacrifions donc : « Nous le savons, et vous le savez aussi bien que nous, la justice n’entre en ligne de compte dans le raisonnement des hommes que si les forces sont égales de part et d’autre ; dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder ». On pourrait arrêter là notre lecture. Tout semble dit et le reste ne serait que le vain habillage d’une loi d’airain, artefact des éternels professionnels de l’illusion. Mais poursuivons, il serait mal céans de ne pas faire honneur à un excellent travail de fond.
La guerre, dont les causes sont multiples, est centrale dans le développement de la civilisation et l’émergence de l’État, comme de l’Empire. Coercition, mais aussi échange de prestations pourvoient à leur formation. Pax Romana ou Pax Sinica. L’impérialisation tend à épouser les contours des grandes aires culturelles existantes. Si la Chine est « la perfection de l’empire », en regroupant dix-huit provinces, certes différenciées, mais liées par un fort continuum géographique et culturel, l’Empire romain serait en revanche une aberration, car mordant sur trois aires culturelles différentes, européenne, nord-africaine et asiatique. D’ailleurs l’Empire d’Occident, son successeur théorique ne se reconstituera pas, ouvrant la voie au bouleversement le plus productif de l’histoire, l’avènement de la modernité.
Dans cet univers instable, la puissance est tout sauf une donnée constante. La réalité du rapport des forces ne se révèle que dans l’affrontement dont l’apothéose de la violence en Europe sera la guerre de Trente Ans sanctionnée par le Traité de Westphalie en 1648, considéré comme l’acte fondateur des relations internationales. Il annonce le principe de l’équilibre de la puissance et frappe d’illégitimité toute prétention à l’hégémonie, l’hubris napoléonien en fera les frais. Le développement considérable de l’Allemagne au XIXe siècle achemine l’Europe vers la Grande Guerre, redonnant force à l’écho lointain du constat de l’inoxydable Thucydide : « La cause véritable de la guerre était la puissance à laquelle les Athéniens étaient parvenus ».
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