Armée de terre - La coopération européenne : un atout majeur
Le développement de l’interopérabilité des forces, objectif premier de la coopération européenne, est plus que jamais une nécessité qui s’inscrit aussi bien dans la perspective d’une construction européenne que dans celle d’une action conjointe des Alliés en Europe ou hors d’Europe.
L’Armée de terre participe à la coopération européenne depuis des années : le but recherché est de maintenir et de développer l’interopérabilité des forces en ce qui concerne les doctrines, les procédures, l’entraînement et les équipements. Cette politique est conduite à plusieurs niveaux : l’État-major de l’Armée de terre (EMAT), les unités et les écoles.
Chaque année, mille réunions à l’étranger
La coopération entre les états-majors européens concerne essentiellement la préparation, l’élaboration puis l’harmonisation en commun du concept, des principes d’organisation, des procédures et des équipements. Les relations que l’EMAT entretient avec les états-majors européens se situent soit dans les organisations internationales (Otan, Finabel (1)), soit dans des relations bilatérales.
Le bilan est impressionnant : chaque année, l’EMAT participe à 1 000 réunions à l’étranger ; en outre, il est responsable de 500 Standardization Agreement (Stanag, accord de standardisation). Le développement en commun de nombreux systèmes d’armes témoigne de l’efficacité des actions menées : hélicoptères HAP-HAC [NDLR 2023 : Tigre] et NH90, Lance-roquettes multiples (LRM), missile Sol-air moyenne portée (SAMP), antichar de troisième génération (AC3G) [NDLR 2023 : seule l’Allemagne a poursuivi le développement du Trigat-LR], missile de reconnaissance CL-289, etc.
Coopération franco-allemande privilégiée
Dans les forces, les échanges avec les armées européennes se caractérisent par leur nombre et leur diversité. L’année 1991 a donné lieu à 300 échanges de volume et de nature variés : grands exercices type Colibri, exercices de PC transmissions, séjours en centre d’entraînement commando, échanges simultanés d’unités, campagnes de tir, etc. Les buts recherchés sont l’échange d’informations, la connaissance mutuelle et l’amélioration de l’interopérabilité. La moitié des activités est menée avec l’Allemagne. Les deux tiers se déroulent sur le sol français. Un dixième concerne des échanges simultanés.
Les écoles, quant à elles, échangent des officiers de liaison et de nombreux stagiaires (à titre d’exemple, 10 officiers européens suivent le cours de l’École supérieure de guerre, 20 stagiaires français suivent celui des capitaines en Allemagne), et les échanges au pair concernent chaque année 70 officiers, dont 30 avec l’Allemagne.
Un constat s’impose : la coopération franco-allemande est la plus importante. La Brigade franco-allemande (BFA) constitue d’ailleurs un riche exemple concret de coopération vécue chaque jour, visant à rechercher des procédures communes, des procédés d’interopérabilité, le rapprochement des hommes, la standardisation des matériels et des équipements ; la création d’un corps d’armée est une heureuse décision.
Concilier les différences
L’interopérabilité est en effet une nécessité, et le récent conflit du Golfe a illustré cette affirmation. Cependant, l’expérience de la BFA montre bien les difficultés qu’il faudra surmonter pour concilier les différences. Les obstacles à vaincre ne relèvent pas seulement des matériels et des équipements en service – qui sont remplaçables –, mais surtout de domaines autrement plus sensibles et enracinés : la langue, les cultures, les habitudes de vie, les méthodes de travail, les traditions de chaque armée, les systèmes administratifs distincts ou les statuts juridiques.
Construction européenne et intervention
Consciente de l’importance de l’enjeu, l’Armée de terre mène une politique résolument tournée vers la coopération européenne et orientée vers des missions de combat, mais aussi vers des actions humanitaires ou de maintien de la paix.
Avec l’Allemagne, partenaire privilégié mais également avec la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne et l’ensemble des pays de l’Europe des Douze, l’objectif à atteindre est la réalisation des conditions préalables à une défense européenne et à des capacités d’intervention communes. Ces actions de coopération sont indispensables dans la perspective d’une politique de défense européenne. La mise sur pied d’un corps européen s’inscrit dans cette logique. Avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, compte tenu du rôle mondial de ces pays qui peut nous amener à participer au règlement de crises à leur côté, l’accent serait plus spécialement mis sur l’interopérabilité.
La coopération européenne doit permettre à l’Armée de terre d’améliorer sa capacité opérationnelle, tout en apportant sa contribution à la construction de l’Europe. En multipliant les échanges, elle développe cette interopérabilité et favorise la création d’un esprit de défense européen. De même, la montée en puissance du « corps européen » (Eurocorps), qui se poursuivra jusqu’en 1995, concrétise cette volonté de mise en place d’une défense européenne commune. ♦
(1) Finabel : France, Italie, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg.