L'Albanie reste un morceau du Tiers-Monde égaré en Europe. À l'heure où s'ouvrent les frontières de l'URSS et celles de la Chine, ce jeune pays, jaloux de sa frêle indépendance, demeure, à deux pas de chez nous, l'un des plus fermés et des plus mystérieux de l'univers. Dans notre numéro de mars 1974, Marc Deloince a traité de la politique étrangère de Tirana. Aujourd'hui, c'est un panorama plus général que nous présentons, centré sur le style du régime et sur ses réalisations.
L'Albanie, Chine d'Europe
Fragment de l’antique Illyrie, l’Albanie a toujours été l’avant-poste de l’Orient aux lisières de la Méditerranée. Par une sorte de fatalité historique, cette terre si proche du talon italien fut tour à tour dominée par les Byzantins puis par les Turcs, avant de subir l’influence de l’U.R.S.S. stalinienne et, dernier avatar, de sentir l’attraction de Pékin. Aujourd’hui, le pays de l’aigle à deux têtes défie également, du haut de ses montagnes, l’Occident tentateur et la Russie révisionniste.
Pour être minuscule – deux millions et demi d’habitants – ce pays n’en est pas moins fier de son originalité et de son indépendance. Avant que la pioche du démolisseur n’abatte églises catholiques ou orthodoxes et, avec moins de zèle, les mosquées du sud, l’Albanie se partageait inégalement entre trois religions. L’Islam s’y trouvait prédominant et, parce que plus populaire, plus vigoureux. Mais, depuis des années, toute religion est considérée comme « opium du peuple ».
Le communisme à tendance maoïste y est solidement implanté. On se barricade derrière les frontières et les publications étrangères ne passent qu’au compte-gouttes. L’armée, où les officiers ne se distinguent des hommes que par le port de la casquette, se trouve étroitement subordonnée au parti et ne constitue pas une force autonome. Mais, à en juger par le nombre de soldats, son poids ne doit pas être négligeable.
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