Aéronautique - Nouveau cycle de formation des pilotes dans l'Armée de l'air
De tout temps, la formation des pilotes a été une préoccupation majeure pour l’État-major de l’Armée de l’air (EMAA). Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les élèves pilotes ont connu successivement les bases de l’US Air Force, les écoles implantées en Afrique du Nord puis, plus récemment, les bases installées en métropole. Les plus anciens des pilotes de chasse encore en activité ont été formés sur North American T-6 Texan. Depuis, les nouvelles générations de pilotes issus de l’École de l’air ont tous connu le célèbre Fouga-Magister, en service dans l’Armée de l’air depuis la fin des années 1950. Après plus de trente ans de service, cet avion arrive en fin de vie et, à l’occasion de son remplacement prochain, un nouveau cursus de formation des pilotes a été élaboré par le Commandement des écoles de l’armée de l’air (CEAA). Conçu dans une optique de recherche d’efficacité et d’économie, ce nouveau cycle de formation sera mis en vigueur en 1994. Approuvé par l’EMAA, il concernera les élèves pilotes des trois armés formés dans les écoles du CEAA.
Du Fouga au Tucano
Pendant des années, de 1960 à 1985, les écoles de début du personnel navigant ont assuré la progression « pilotage de base » des élèves pilotes sur Fouga-Magister CM 170. En 1978, souhaitant disposer d’un appareil léger susceptible d’assurer au moindre coût une part aussi grande que possible de l’instruction conduite sur Fouga, l’État-major de l’Armée de l’air lance le programme Epsilon, monomoteur à piston qui reprend la formule biplace en tandem.
En 1984, cet avion est mis en service sur la base de Cognac au sein du groupement école 315 où sont formés les Élèves officiers du personnel navigant (EOPN). Le CEAA estime alors que l’Epsilon est apte à remplacer le Fouga en école de début pour la totalité du cycle de formation élémentaire. Avec ce nouvel avion, le coût de l’heure de vol d’instruction est quatre fois plus faible que sur Fouga. À Cognac, toute la flotte de Fouga de première génération est progressivement remplacée par les Epsilon.
Sur la base de Salon, la division des vols (DV) continue à utiliser le Fouga au profit des élèves de l’École de l’air et de l’École militaire de l’air, appareil qui, dans sa version la plus récente Fouga VI, donne encore entière satisfaction. Le nombre d’avions est suffisant pour supporter le plan de charge jusqu’en 1994.
À compter de 1995, la déflation de la flotte Fouga aura atteint un niveau tel que son utilisation à la DV ne sera plus possible. Son remplaçant, choisi par l’Armée de l’air après une évaluation effectuée en 1988, sera le Tucano fabriqué par la société brésilienne Embraer. Cet avion, turbopropulsé, a des performances supérieures à celles de l’Epsilon ; elles lui permettent de satisfaire les besoins particuliers de l’École de Salon. La mise en service des premiers Tucano à la DV est prévue dans le courant de l’année 1994.
Un cycle de formation unique
À l’occasion du renouvellement d’une partie de la flotte des avions-écoles, le CEAA a remis totalement en question les structures et les cursus de formation des pilotes tels qu’ils existaient depuis de nombreuses années.
La réflexion de fond qui a été engagée avait plusieurs objectifs. Le premier consistait à améliorer la qualité de la formation en recherchant une meilleure adéquation entre le produit livré et le besoin des forces. Le deuxième objectif était de réaliser une meilleure adaptation de « l’outil » de formation, en définissant un cursus unique, identique pour tous les élèves pilotes. Enfin, le troisième objectif consistait en la recherche systématique d’une efficacité accrue et d’une économie de moyens. Le CEAA a donc élaboré une nouvelle progression pour la formation des pilotes : cette proposition s’est appuyée, bien évidemment, sur la définition du besoin, c’est-à-dire sur les plans de production des prochaines années tels qu’ils ont été définis récemment.
Les différentes phases
Le nouveau cycle de formation comportera trois phases : entraînement initial, entraînement en école de base, passage en école de spécialisation. Schématiquement, il se déroulera de la manière suivante :
– Phase 1 : entraînement initial sur Cap 10 à Salon (phase de sélection pour les EOPN) ; cours au sol, à Salon également, assurés par la division instruction sol du personnel navigant (DISPN).
– Phase 2 : école de base à Cognac correspondant à un tronc commun de 70 heures de vol sur Epsilon.
– Phase 3 : pré-spécialisation, filière chasse à Salon, 53 heures de vol sur Tucano ; filière transport à Avord, 33 heures de vol sur Xingu. Puis, école de spécialisation, filière chasse à Tours, 85 heures de vol sur Alphajet ; filière transport à Avord, 92 heures de vol sur Xingu.
Pour les phases 2 et 3, la progression en vol est associée à une progression sur simulateur qui, à moindre coût, permet aux pilotes d’apprendre les procédures relatives au type d’avion et d’acquérir rapidement un bon niveau dans le domaine du pilotage sans visibilité. Cependant, l’entraînement en vol reste l’élément essentiel de la formation pour permettre le développement du sens de l’air, l’affrontement du réel et du risque, la motivation du pilote ainsi que le renforcement du niveau de sécurité : la sanction du vol demeure indispensable pour la formation des pilotes.
Une amélioration de la qualité de la formation
L’adoption de cette réforme se traduira par une amélioration de la qualité de l’instruction et par une économie dans les coûts de fonctionnement. Ces résultats sont liés directement aux modifications les plus marquantes du nouveau cursus ; celles-ci, qui représentent une évolution essentielle, sont les suivantes : création des modules de pré-spécialisation en amont des écoles de spécialisation, définition d’un cycle unique de formation pour tous les élèves pilotes.
Les modules de pré-spécialisation représentent une phase transitoire entre l’école de base et celle de spécialisation. Sur le plan pratique, ils amèneront les élèves pilotes à exécuter, avec un avion plus performant et dans un domaine de vol plus étendu, les exercices déjà étudiés en école de base. Cette pré-spécialisation, sur Tucano pour la filière chasse et sur Xingu pour la filière transport, permettra une amélioration de la qualité de la formation en assurant un enseignement plus progressif et plus sélectif par rapport au cursus précédent. S’agissant de la filière chasse, le degré de technicité des pilotes brevetés sera accru de fait par l’existence du triptyque Epsilon-Tucano-Alphajet.
Le cycle unique de formation pour tous les pilotes procurera une économie évidente grâce à l’existence d’une phase « tronc commun » sur Epsilon en école de début à Cognac. Ce « tronc commun » remplacera les deux stages qui existaient précédemment, l’un sur Fouga pour les élèves de l’École de l’air et École militaire de l’air, l’autre sur Epsilon pour les EOPN. Désormais, tous les élèves pilotes, quelle que soit leur origine, passeront par la même filière pour leur formation. Une autre source d’économie sera le centre unique pour l’instruction sol (DISPN de Salon) qui permettra d’obtenir une meilleure rentabilisation du personnel instructeur.
Enfin l’application de cette nouvelle progression doit correspondre à une optimisation des flottes Epsilon et Tucano et à une meilleure utilisation des zones aéronautiques de Salon et Cognac.
Le nouveau cursus, approuvé par l’État-major de l’Armée de l’air, entrera en vigueur en septembre 1994 pour la partie cours au sol à la DISPN. La phase vol débutera en janvier 1995, phase « tronc commun » sur Epsilon à Cognac.
Cette évolution s’inscrit dans une réflexion globale menée par le Commandement des écoles de l’Armée de l’air, dont l’objectif est d’améliorer l’efficacité de la formation tout en réduisant les coûts de fonctionnement. Sa mise en application permettra d’obtenir une adaptation optimisée des écoles du personnel navigant, dont la qualité reste un élément essentiel pour la capacité opérationnelle de l’Armée de l’air. ♦