Aéronautique - Le Mirage 2000D : l'Armée de l'air renforce ses capacités
En janvier 1991, la guerre du Golfe débutait par une longue phase aérienne essentiellement axée sur l’attaque d’objectifs au sol. Les Français participèrent à cette phase avec succès et la qualité des résultats des missions des Sepecat Jaguar et Dassault Mirage F1CR fut saluée de façon unanime par la coalition chargée de libérer le Koweït. Cependant, cette prestation fut l’objet de quelques interrogations des médias, quand il leur apparut que nos avions (1) n’effectuaient pas d’attaques de nuit contrairement à ceux des Américains et des Anglais. Depuis le 29 juillet 1993, ces questions ne sont plus d’actualité avec l’arrivée des premiers Mirage 2000D opérationnels au sein de l’Armée de l’air.
Pourquoi attaquer tout temps ?
Au-delà de l’effet de surprise, plus important, et des effets psychologiques, plus marqués, les avantages que l’on retire de la capacité d’attaquer tout temps confèrent à une armée moderne une supériorité stratégique et tactique.
Les conflits actuels peuvent naître, se développer ou changer de nature très rapidement. Ils peuvent également être gagnés ou perdus dans des délais très courts, de l’ordre de quelques heures.
L’arme aérienne, la seule à pouvoir intervenir rapidement à distance, ne doit donc pas subir la contrainte de la nuit, période qui pourrait être mise à profit par un ennemi pour se replacer favorablement, renforcer ses défenses ou préparer une contre-attaque. De plus, cette capacité permet de maintenir la pression sur l’ennemi en le harcelant par des attaques successives et ininterrompues, l’empêchant par là même de faire reposer ses combattants qui perdent ainsi très vite leur aptitude opérationnelle.
Par ailleurs, à l’époque des radars et des conduites de tir très perfectionnées des systèmes de Défense sol-air (DSA), il peut ne pas être évident de saisir l’intérêt tactique que l’on a à attaquer tout temps. Pourtant, à mesure que le bouclier des défenses s’épaissit, le glaive des assaillants s’affûte. Les avions d’attaque, grâce à leurs contre-mesures électroniques, sont capables d’aveugler ou de leurrer les radars des systèmes sol-air adverses qui ne peuvent alors être utilisés qu’avec des moyens de visée optique. Nombreux sont les viseurs de ce type qui ne fonctionnent que de jour, et même si aujourd’hui se développent des viseurs basés sur des caméras thermiques utilisables de nuit par ciel clair, leurs performances n’autorisent pas des portées de missiles de même ordre que celles obtenues grâce aux radars.
Ainsi la capacité de prononcer des attaques aériennes tout temps procure un avantage stratégique en permettant de s’affranchir de la contrainte de la nuit, et un avantage tactique en compliquant la tâche des systèmes de défense sol-air adverses.
Comment attaquer tout temps ?
Une mission d’assaut aérien comprend essentiellement une phase de pénétration pour rejoindre un objectif et une phase d’attaque permettant de délivrer un armement sur celui-ci. Dans un environnement hostile, la phase de pénétration se fait le plus bas possible pour se mettre à l’abri des systèmes sol-air. De jour, par bonnes conditions météorologiques, pénétration et attaque s’effectuent en se repérant visuellement au sol. De nuit ou par mauvaises conditions météorologiques, le problème change complètement de nature : pénétration et attaque doivent être prises en charge pour partie ou en totalité par la technique.
S’agissant de la phase de pénétration en aveugle, deux problèmes majeurs se posent à l’avion. D’une part, il doit connaître parfaitement sa position géographique et d’autre part, il doit être capable de suivre le terrain le plus bas possible. La connaissance de la position géographique est nécessaire pour suivre une navigation précise imposée par la situation tactique et par la coordination entre les différents avions amis. Elle est également nécessaire parce qu’elle conditionne le résultat du tir des armements qui sont soit largués sur coordonnées, soit, dans le cas des armements du type « missiles de croisière », largués après une initialisation de leur navigation propre par l’avion porteur. Enfin, cette connaissance est indispensable pour effectuer une navigation en aveugle dans le mode de suivi de terrain sur fichier numérisé ; en effet, dans ce cas, l’avion monte et descend en épousant le relief sur les seules informations de l’altitude du terrain survolé qu’il possède en mémoire. Cependant, un autre moyen de suivre au plus bas le terrain est de posséder un radar qui transmet des ordres d’évitement du sol au pilote.
Les spécificités du Mirage 2000D
Le Mirage 2000D, servi par un pilote et un officier système d’arme, est dérivé du Mirage 2000N et a profité de techniques mises au point sur cet appareil dans le domaine de la pénétration. Grâce à son radar de suivi de terrain et à son fichier de terrain numérisé, le M 2000D est capable de pénétrer à 60 m de hauteur et à plus de 1 000 km/h.
L’attaque de nuit s’effectue sur cet appareil de différentes manières suivant que l’armement délivré est guidé par rayon laser ou non. Pour les missiles et les bombes guidés, l’équipage acquiert le visuel de l’objectif grâce à une caméra thermique, en effectue une désignation et autorise le tir de l’armement qui se dirige sur la tache laser. Les avantages d’un tel type d’armement sont de deux ordres : ils peuvent être tirés à distance de sécurité de l’objectif, soit environ 10 km, et ils ont une très grande précision de l’ordre d’un mètre. Quant aux armements non guidés, ils peuvent être délivrés sur un point de largage ou tirés, comme de jour, après une visée par un pilote équipé de jumelle de vision nocturne.
Pénétration et attaque, telles que décrites ci-dessus, s’effectuent avec une aide importante du système. L’équipage est ainsi plus disponible pour le suivi de la conduite de la mission, la mise en œuvre des contre-mesures ou la surveillance extérieure. Il est ainsi toujours prêt à une intervention immédiate à la moindre défaillance d’un système ou en cas de perturbation liée à un environnement hostile, augmentant ainsi efficacité et sécurité dans ce type de missions délicates.
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En se dotant d’un avion capable de délivrer un armement classique quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, l’Armée de l’air vient de se hisser au niveau des meilleures forces aériennes et d’augmenter de façon considérable ses capacités. Jusqu’à présent, seule des trois armées à pouvoir se projeter au loin et sans délais, elle peut maintenant, de tout temps, attaquer au loin et sans délais. ♦
(1) À noter que les Jaguar britanniques, qui possèdent les mêmes limitations que les nôtres, n’ont fait l’objet d’aucune critique des médias anglais.