La frontière du Rhin à l'époque romaine
Rhenus Germaniae modum faciat : « Que le Rhin marque la limite de la Germanie », écrivait Sénèque. L’idée avait dû être conçue, sinon formulée, avant les Romains par les Gaulois eux-mêmes ; ce sont les Gaulois, en effet, qui avaient imaginé d’appliquer le nom ou peut-être le sobriquet de Germain aux peuples, quelle que fût leur origine, qui demeuraient au-delà du Rhin. Elle avait été reprise avec une précision toute militaire par César qui définit la Gaule : le pays limité par les Alpes et l’Océan, les Pyrénées et le Rhin.
C’était vrai, mais seulement dans une certaine mesure car César lui-même rappelle l’existence, dans la région du Danube, dans la Bavière actuelle, de populations celtiques, les Volques Tectosages, proches parents de ceux du Languedoc. Ils jouissaient, nous dit-il, d’une haute réputation de courage militaire et de justice. Et nous nous apercevons que, de son temps, il restait au-delà du Rhin bon nombre de tribus celtiques de même famille que celles de la Gaule. Nous appelons Schwob, disait Hansi, ceux qui ont passé le Rhin huit jours après nous. De même les Gaulois en retraite vers l’ouest depuis environ deux siècles, s’efforçaient de fermer, chacun derrière soi, la porte du Rhin, traitant de Germains les retardataires.
Tels étaient par exemple les Némètes de Spire (Nemetomagus) et les Vangions de Worms (Borbetomagus), Germains, dit-on, mais chez qui tous les noms propres apparaissent celtiques, comme ceux de leurs deux capitales. Tels étaient encore les Triboques d’Alsace, arrivés parmi les troupes d’Arioviste, mais dont la civilisation dans son ensemble et la langue étaient celtiques : Brocomagus, leur capitale, aujourd’hui Brumath, signifie le marché de la Bruche ; on y retrouve comme celui des capitales des Némètes et des Vaugions le mot celtique magus, champ de foire, courant dans toute la Gaule. Le Rhin n’avait dû être promu que peu avant Vercingétorix à la dignité de frontière. Il n’en était pas encore une en réalité, puisqu’il ne marquait pas une séparation entre des peuples différents et qu’il se trouvait franchi constamment.
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