Marine - Taux d'encadrement, la ressource en officiers
Les difficultés qu’engendre la faiblesse des effectifs de la Marine, au regard de ceux qui seraient nécessaires à la bonne conduite des missions assignées, sont sérieuses ainsi qu’a pu le mentionner récemment une autorité maritime chargée de la mise en œuvre des forces : « Les problèmes rencontrés dans le domaine des opérations et de la logistique proviennent avant tout de l’insuffisance numérique du personnel officier ».
Il ne s’agit pas d’une situation nouvelle puisque les difficultés de la Marine, tout spécialement en ce qui concerne les officiers, remontent aux années 1970. En 1978, à la suite de différents constats sur cet état de fait, le ministre de la Défense décidait une augmentation du nombre des officiers : 503 postes hiérarchisés devaient alors être créés de 1979 à 1985. Ces décisions étaient justifiées par la création de la Force océanique stratégique (Fost) et du Centre d’essais du Pacifique (CEP) et surtout par la reconnaissance du trop faible taux d’encadrement de la Marine nationale comparé à celui des autres marines.
Dès 1982, l’augmentation se transformait en déflation programmée. Partant d’une situation de pénurie, la Marine a ainsi subi jusqu’en 1994 une déflation portant sur près de 13 % de son personnel d’active, à missions égales, voire croissantes. Pour s’adapter à une situation dont les conséquences sur le fonctionnement des unités et la vie des individus étaient de plus en plus difficiles à supporter, la Marine a dû proposer un resserrement de son dispositif. Cependant, si le plan « Optimar 95 » a permis de retrouver un peu de souplesse pour les autres catégories de personnel, il n’a pas permis de rétablir la situation des officiers.
Malgré les efforts constants qui ont été réalisés pour rationaliser les plans d’armement et pour confier des fonctions d’officier à des majors ou à des officiers du service national, l’inadéquation entre les effectifs budgétaires et les besoins nécessaires à l’accomplissement des missions toujours plus nombreuses et diverses pèse sur l’encadrement.
Un taux d’encadrement en officiers manifestement insuffisant
Bien que le nombre de bâtiments diminue pour atteindre une centaine d’unités dans le futur, le tonnage de la Marine évolue peu en raison de l’accroissement du déplacement moyen des bâtiments qui atteint près de 3 000 tonnes. Cette augmentation du tonnage moyen résulte de la nécessité d’installer des équipements plus nombreux et plus performants. Leur mise en œuvre et leur entretien exigent du personnel officier et officier marinier dont les qualifications sont plus poussées et plus diversifiées.
De plus, le soutien à terre des forces navales réclame une plus grande variété de techniques allant de pair avec celles qui sont nécessaires à la conduite des forces. Malgré les efforts de rationalisation poursuivis, cela implique un nombre très important d’organismes de contrôle et de soutien logistique ainsi que de formation du personnel.
La Marine a également besoin d’un nombre élevé d’officiers pour assurer des fonctions de responsabilité dans la conduite des opérations, en raison de la complexité croissante des systèmes d’armes et de la prise en compte toujours plus précise de l’environnement. Dans ces domaines, l’École des systèmes de combat et armes navales (Escan), qui satisfera les exigences de formation de ces officiers, ouvrira ses portes à l’été 1995.
Si l’on compare les taux d’encadrement en officiers des principales marines occidentales, il est aisé de constater l’insuffisance structurelle de la Marine française dans ce domaine : France 7,3 % ; Grande-Bretagne 13 % ; Allemagne 17 % ; États-Unis 13 %. Cette situation n’est que faiblement compensée, dans certaines unités opérationnelles, par l’emploi d’officiers mariniers supérieurs ou de majors occupant des fonctions tenues par des officiers dans les autres marines. Cependant, ce palliatif a des limites. Par ailleurs, le taux d’encadrement en officiers mariniers n’est pas plus important dans la Marine nationale (48 %) que dans d’autres marines (États-Unis 48 % ; Grande-Bretagne 54 % ; Allemagne 46 %).
La multiplication des organismes et la demande accrue d’officiers
Les besoins d’effectifs en officiers sont aussi conditionnés par les nouvelles structures de coopération interarmées et internationales qui n’ont pas fini de croître. Cette évolution des besoins a, inévitablement, une conséquence majeure sur le recrutement et l’emploi des officiers : le facteur quantitatif est de plus en plus lié aux besoins des structures et de moins en moins à ceux des forces !
Autrement dit, il est de plus en plus nécessaire de disposer d’un nombre important d’officiers qui possèdent un haut niveau technique et aptes aux fonctions d’état-major. Ces effectifs portent surtout sur des officiers supérieurs brevetés de l’enseignement militaire supérieur, principalement issus d’un recrutement direct.
Il faut aussi souligner le poids grandissant de l’assistance à « l’exportation de défense », notamment dans les domaines de la formation et du savoir-faire qui concernent, tous deux, des officiers de qualité.
Chaque armée participe à la création des nouveaux organismes interarmées au prorata de ses effectifs, à hauteur d’environ 8 % pour la Marine. La « règle du prorata » dans les instances interarmées mériterait cependant d’être pondérée : certains marins sont ainsi affectés dans des postes où leur compétence n’est pas toujours une nécessité, alors que la Marine devrait être davantage présente dans les organismes de réflexion, de décision et d’action, en ce qui concerne la préparation et la conduite des opérations interarmées. Cette sous-représentation par rapport aux besoins est encore amplifiée par le fait que la Marine n’est pas actuellement en état d’honorer tous les emplois qui lui reviennent.
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Au bilan, il semble nécessaire d’augmenter rapidement le taux d’encadrement dans la Marine nationale afin de répondre aux nouveaux besoins en cadres expérimentés.
Sans atteindre ceux que l’on observe dans les autres marines, un premier objectif a d’ores et déjà été fixé par l’état-major : il consiste à accroître le taux d’encadrement en officiers de 0,7 % pour atteindre 8 % en l’an 2000 grâce à la création de 320 postes budgétaires d’officiers. Cette étape sera franchie avec l’application de la loi de programmation 1995-2000 qui prévoit une augmentation de l’ordre de 500 officiers et officiers mariniers. Elle constitue un minimum vital pour le bon fonctionnement des unités de la Marine et des structures auxquelles cette dernière participe.
L’évolution vers plus d’activités interarmées et vers davantage de coopération, notamment entre les États de l’Union européenne, ne manquera pas d’exiger à terme un nombre d’officiers de haut niveau encore plus important que celui autorisé en fin de loi de programmation. ♦