Armée de terre - L'Armée de terre et les opérations extérieures
Depuis 1974, nos forces ont participé à une centaine d’opérations extérieures qui se répartissent en une soixantaine à caractère purement militaire, en une vingtaine d’évacuations de ressortissants et une vingtaine d’interventions à caractère humanitaire. Sur quinze opérations dans lesquelles notre pays se trouve actuellement engagé, douze sont placées sous mandat de l’ONU. Avec 5 500 hommes la France reste le second pourvoyeur de troupes de l’ONU (8 % du total) derrière le Pakistan. L’ex-Yougoslavie, où notre participation atteint 4 900 hommes, reste le théâtre d’opération principal.
La cadence, le type et les modalités de ces interventions évoluent à un rythme soutenu ; cela implique une adaptation permanente des structures chargées de leur exécution qui se caractérise essentiellement par la mise à contribution de l’ensemble de l’Armée de terre, l’apparition de principes nouveaux et la création d’organismes spécialisés dans la préparation et le suivi des opérations.
Toute l’Armée de terre est concernée par ces opérations
Les besoins engendrés par la multiplication des interventions, dont la diversité et l’éloignement vont croissant, sont tels que tous les grands commandements opérationnels et territoriaux, toutes les armes et tous les services, toutes les catégories de personnel d’active ou de réserve, se trouvent aujourd’hui concernés. La mise sur pied des forces projetées repose, à tour de rôle, sur l’ensemble des divisions de la FAR (Force d’action rapide), du 3e Corps d’armée et des forces françaises stationnées en Allemagne. Les régiments d’active de la Circonscription militaire de défense (CMD) sont également mis à contribution. En fonction de l’urgence et du type d’engagement sont utilisées, soit des unités professionnalisées, soit des unités d’appelés volontaires (AVAE).
Pour les organismes de commandement, il s’agit de pourvoir en officiers d’active et parfois de réserve des états-majors projetés à caractère très souvent international ou des Postes de commandement interarmées de théâtre (PCIAT). La taille de ces états-majors est bien sûr fonction du volume de forces engagées sur le terrain, mais aussi tient largement compte de la complexité des situations de crise. Afin de les constituer tout en permettant au reste de l’Armée de terre de continuer à fonctionner, il est nécessaire de mettre successivement à contribution l’ensemble des états-majors des forces, des structures territoriales, des écoles et des organismes centraux de commandement en s’appuyant sur un « noyau dur » d’état-major existant permettant de garantir la cohésion indispensable à cette structure de circonstance.
De plus, depuis 1994, pour faire face à une demande croissante de cadres spécialistes et conformément au plan « Réserves 2000 », il est fait appel à des réservistes qui souscrivent alors un contrat spécial pour une durée pouvant aller jusqu’à cent jours. Le 1er Comlog, en liaison avec le commandement territorial et l’EMAT, joue un rôle déterminant dans les opérations de préacheminement et de soutien des forces. Enfin, l’ensemble des armes et services est désormais sollicité pour participer aux forces projetées.
Un tel système faisant appel à l’ensemble de l’Armée de terre constitue pour ses hommes un puissant facteur de cohésion, d’unicité et de maintien du moral.
Une adaptation continuelle aux nouveaux engagements
Tout d’abord s’impose désormais le principe de modularité. La diversité des types d’engagement ainsi que la complexité des situations de crise imposent de constituer des détachements polyvalents et autonomes. Chaque régiment désigné comme « noyau dur » doit donc agréger un certain nombre de modules venant de l’extérieur (transmissions, commissariat, matériel, appui aérien, santé, équipes cynophiles. etc.).
Ensuite la volonté permanente de privilégier la protection et le soutien de nos hommes se renforce. La protection des hommes se caractérise notamment par la généralisation du port du gilet pare-balles ou pare-éclats, du casque en matériaux composites, l’utilisation d’un grand nombre de blindés (VBL et VAB), la mise en place de protections supplémentaires (Kevlar) sur les véhicules non blindés et les hélicoptères, l’installation de vitrages antiballes pour les sentinelles. Le soutien santé très élaboré mis en place est destiné à limiter les pertes au maximum ; il se concrétise par la présence d’un médecin et d’un poste de secours par unité élémentaire, un infirmier par section, voire par groupe, la mise au point d’une médecine de l’avant qui permet la médicalisation des blessés au plus tôt, leur opération sur place et leur évacuation rapide. À Sarajevo, par exemple, tout blessé grave est opéré moins de vingt minutes après sa blessure et évacué, si nécessaire, vers la France par avion spécial dans la journée. La nécessité, enfin, de durer dans des conditions souvent difficiles constitue également une priorité pour l’Armée de terre. Les enseignements tirés de la guerre du Golfe ont permis, par exemple, de mettre au point les « modules 150 » qui regroupent dans des conteneurs tout le matériel nécessaire à l’installation immédiate et à la vie d’une unité élémentaire de 150 hommes (cuisines de campagne, remorques douches, machines à laver séchantes, systèmes télévidéo par satellite, etc.). L’accroissement du nombre de groupes électrogènes, les progrès effectués dans le traitement et le stockage des eaux, la mise en place de bungalows-abris démontables, contribuent également à la préservation du moral des hommes. L’alourdissement consécutif des unités est pris en compte.
Il est enfin nécessaire d’adapter le comportement des troupes aux opérations de maintien de la paix ou à caractère humanitaire : l’environnement de celles-ci est en effet de plus en plus contraignant, caractérisé par la nécessité d’agir dans un contexte multinational complexe, sous la pression croissante des médias et de l’opinion publique, en appliquant des règles de comportement et d’engagement restrictives, l’ouverture du feu étant souvent limitée à la légitime défense : le vide doctrinal relatif qui a précédé le lancement de ces opérations a engendré des modes d’action imposés par la nécessité. Il paraît maintenant nécessaire de définir, au niveau international, les nouveaux concepts d’emploi des forces des Nations unies.
La création du Centre opérationnel de l’Armée de terre
Créé en février 1993, le Centre opérationnel de l’Armée de terre a, au cours des deux dernières années, procédé à la mise en place de quelque 40 800 personnels dans le monde et assuré le suivi de 28 opérations. Interlocuteur permanent du Centre opérationnel interarmées de l’État-major des armées (EMA), il assure pour l’Armée de terre la constitution de forces et de détachements de tous types en vue de l’exécution de missions opérationnelles, puis, en relation étroite avec le 1er commandement logistique, la conduite du soutien et de l’entretien de ces forces.
Témoin privilégié des crises dans lesquelles l’Armée de terre se trouve impliquée, il est le détenteur des données ou des enseignements qui permettent ensuite aux organismes spécialisés, et en tout premier lieu le Commandement de la doctrine et de l’entraînement (CDF), de faire évoluer les doctrines d’emploi, les équipements ou les systèmes de formation.
Conclusion
Par la multiplication de ses engagements dans toutes les parties du monde et les succès enregistrés jusqu’ici, l’Armée de terre prouve quotidiennement sa capacité à intervenir efficacement et longtemps dans le traitement des crises et à constituer le moyen privilégié de notre stratégie renouvelée telle que vient de la définir le Livre blanc pour la Défense : « projeter des forces pour agir au profit de la stabilité internationale ». ♦