Marine - La réserve de la Marine : chronique d'une évolution
L’histoire de France est riche des inestimables services rendus par la réserve pour protéger notre patrimoine national. La dissuasion nucléaire a transformé le paysage stratégique de notre pays en lui donnant un caractère de sanctuaire et en éloignant virtuellement toute menace globale de nos frontières. Le rôle historique de la réserve est-il remis en cause ? Assurément non, pour deux raisons au moins : d’une part les réserves participent activement à l’esprit de défense, véritable ferment de la cohésion nationale ; d’autre part, des instabilités nouvelles se sont créées qui peuvent toucher le territoire ou déboucher sur des crises extérieures : terrorisme, extrémismes religieux, prolifération nucléaire…
Le rôle de la réserve est réaffirmé, mais son évolution est nécessaire pour prendre un second souffle et s’adapter au contexte actuel. Un acquis solide, un nouveau cadre juridique et de nouvelles catégories de gestion permettent à la Marine d’élargir et de rénover le concept d’emploi pour avoir des réserves plus réduites, plus mobiles, plus disponibles, mieux instruites et plus proches des forces actives.
Un acquis solide
Près de 30 000 réservistes, formés et entraînés, apportent déjà le renfort nécessaire pour assurer l’ensemble des tâches planifiées de notre montée en puissance. Leurs activités couvrent des domaines aussi différents que la protection-défense de nos points sensibles, le contrôle naval des voies commerciales maritimes, la défense maritime du territoire et les renforts d’états-majors, de directions, et de services. Cet acquis opérationnel, affiné par les entraînements successifs, constitue un fondement sûr pour renouveler l’emploi de la réserve.
Le plan « Réserves 2000 »
Force est de constater cependant que. dans le même temps, la réserve était alourdie par une ressource excessive pour les besoins des armées, et par un cadre juridique limitant trop l’emploi des réservistes. Ces handicaps ont été pris en compte dans le plan « Réserves 2000 » élaboré en 1992.
C’est ainsi que la Marine, forte la même année d’une ressource de 265 000 réservistes (pour 27 000 postes à pourvoir) a rapidement réduit ses effectifs pour atteindre 135 000 au 1er janvier 1995, se rapprochant ainsi de l’objectif, établi à 100 000 réservistes (l’expérience montre qu’il faut une ressource de quatre réservistes par poste à honorer), fixé pour l’an 2000. Allant au-delà de la réduction des effectifs, le plan « Réserves 2000 » a permis de mieux structurer la ressource « utile » en créant quatre catégories de gestion (distinction déjà explicitée dans nos chroniques « Armée de terre » de mars 1995 et « Défense en France » d’août-septembre 1994).
La réserve spécialisée est formée des volontaires détenteurs d’une qualification professionnelle civile rare dont la Marine ou les armées peuvent avoir besoin.
La réserve sélectionnée, véritable ossature de la réserve, est composée des cadres ayant manifesté leur volontariat pour un engagement spécial et recrutés en raison de qualifications militaires ou professionnelles correspondant à notre besoin et les prédisposant à exercer des responsabilités dans les forces.
La réserve disponible : les militaires du contingent n’ayant pas atteint le cinquième anniversaire de leur incorporation au service actif font légalement partie de cette réserve.
La réserve générale est constituée d’officiers, d’officiers mariniers, de quartiers-maîtres et matelots en instance d’affectation et dont la Marine peut avoir besoin pour honorer les effectifs prévus dans les catégories précédentes.
Le volume de la ressource ainsi défini est bien adapté à l’emploi des réserves dans la Marine. Les nouvelles catégories de gestion permettent de mieux cerner les besoins d’entraînement, notamment en concentrant les efforts sur la seule réserve sélectionnée. En effet, eu égard à leurs qualifications civiles, les réservistes spécialisés n’exigent pas de formation complémentaire. Quant aux réservistes de la disponibilité, ils bénéficient de l’instruction récente reçue pendant le service actif.
Restait alors à élargir le cadre juridique délimitant l’emploi des réservistes. Cet autre aspect du plan « Réserves 2000 » a été concrétisé par la loi 93-4, modifiant le Code du service national en rallongeant la durée maximale autorisée des activités dans la réserve, en permettant aux réservistes d’occuper une fonction dans les années et en instituant l’engagement spécial de « volontaire dans la réserve ». Ces trois décisions sont liées, qui permettent tout à la fois un meilleur entraînement, une participation accrue à la vie des armées, et une « fidélisation » contractuelle du volontariat. Ces dernières mesures se sont traduites pour la Marine par de nombreux emplois occupés dès le temps normal quotidiennement par des réservistes. C’est ainsi que plus de 400 officiers ou non-officiers instruisent plus de 3 000 jeunes au cours de leur préparation militaire Marine (PMM) et que 133 réservistes ont occupé un emploi après avoir souscrit un engagement spécial de volontaire pouvant aller jusqu’à 100 jours ouvrables.
Vers un emploi renouvelé de la réserve dans la Marine
Un acquis solide, une nouvelle structure de gestion, un cadre juridique élargi, trois piliers qui soutiennent aujourd’hui une réflexion de fond sur l’emploi de la réserve dans le contexte actuel. Deux axes majeurs sont étudiés : une meilleure adaptation des compétences de la réserve aux besoins de la Marine et une mobilité nouvelle des unités de réserve.
À l’ancien concept d’emploi de la réserve de la Marine, orienté vers la mobilisation générale par stades successifs, se substitue un système nouveau, plus souple, modulaire, fondé sur l’analyse des besoins et orienté vers l’emploi des compétences offertes par la réserve.
Deux catégories ressortent de l’analyse. D’une part, les emplois à caractère militaire qui exploitent les compétences acquises et entretenues dans la Marine. Ces emplois sont regroupés en modules fonctionnels : protection défense, contrôle naval, défense maritime du territoire, renfort d’état-major… D’autre part, les emplois à caractère professionnel qui, contrairement aux précédents, exploitent directement une compétence civile : modules conseil, linguistes, relations internationales, pollution, communication, aide humanitaire, voire complément national d’équipage de bâtiments affrétés lors d’une crise…
La souplesse de ces modules doit permettre de prendre en compte sans difficulté de nouveaux besoins. L’avantage essentiel, dont la faisabilité est à l’étude, est une plus grande mobilité de notre réserve, chaque module n’étant plus lié à une unité ou à un groupe d’installations à protéger, mais pouvant intervenir dans les différentes enceintes de la Marine réparties sur l’ensemble du territoire national.
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« Une réserve plus réduite, mieux formée, plus disponible, mieux instruite, accordant la priorité aux cadres volontaires, véritables professionnels à temps partiel », tel est l’objectif fixé par le Livre blanc. La Marine s’est engagée résolument dans cette voie, consciente de l’apport d’une réserve plus flexible et adaptable rapidement aux changements de notre société. Pour réussir cette réforme, la Marine s’appuie avec confiance sur ses réservistes, dont la fidélité et le désintéressement n’ont jamais manqué à la France. ♦