Asie - Crise sino-américaine
Les relations sino-américaines, au plus bas après les événements de 1989, s’étaient progressivement améliorées depuis 1993, sans pour autant atteindre l’enthousiasme qui avait suivi la visite du président Nixon, en février 1972, lorsqu’il avait parlé d’une « semaine qui avait changé le monde », selon sa propre expression. Après un premier semestre 1993 catastrophique, le ton s’est fait plus conciliant, le temps de permettre à Hillary Clinton de se rendre à Pékin pour assister à la Conférence internationale de l’ONU sur les femmes. Toutefois, les problèmes de fond demeurent.
Le candidat Clinton, dans le climat de sinophobie qui avait suivi le massacre de Tiananmen, avait menacé de rétablir les relations diplomatiques avec Taïwan. Une fois au pouvoir, ses campagnes pour la défense des droits de l’homme et sa politique sourcilleuse sur les problèmes de prolifération des armements n’avaient guère permis une amélioration des rapports. Cependant, poussé par le lobby des hommes d’affaires, il avait, en 1993, renouvelé à la Chine le statut de la nation la plus favorisée tout en exigeant une amélioration de la condition des droits de l’homme dans l’année à venir. Dans le nouvel ordre mondial en train de s’établir, il est impossible de concevoir la paix et la sécurité en Asie sans la participation de Pékin et de Washington. Alors que le dialogue stratégique était, pour la première fois, établi entre la Chine et le Japon, Bill Clinton envoyait, du 31 octobre au 2 novembre 1993, Charles Freeman, secrétaire assistant à la Défense, pour renouer les contacts avec les Chinois concernant la sécurité et le maintien de la paix, et découvrir la perception chinoise des problèmes stratégiques. Freeman avait estimé que les résultats de ce voyage avaient été « très productifs », tandis que les Chinois avaient parlé d’un « bon début ». Les conditions étaient établies pour que les présidents Clinton et Jiang Zemin se rencontrent pour la première fois, le 19 novembre 1993, en marge de la réunion de l’APEC (Coopération économique de l’Asie-Pacifique), à Seattle.
L’année 1994, malgré quelques anicroches, s’était assez bien passée. En janvier, le renouvellement de l’accord sur les textiles avait donné lieu à un bras de fer, mais il avait été ratifié le 19 janvier. La visite du secrétaire d’État Warren Christopher, en mars, avait permis que les points de vue chinois et américains se rapprochent, mais il essuya une rebuffade sur la question des droits de l’homme. Cela n’empêcha pas la Maison-Blanche, le 30 mars, d’annoncer la fin de tous les contrôles sur les exportations des matériels sensibles en direction de la Chine, à compter du 4 avril, après la décision de mettre fin au système du Cocom (Coordinating committee for multilateral export controls). Par contre, la signature, le mois suivant, du Foreign Relations Act pour 1994 et 1995 par le président américain a provoqué la colère de Pékin. Le texte affirmait que la section 3 du Taïwan Relations Act prédomine sur toute autre déclaration gouvernementale (notamment le communiqué de Shanghai du 17 août 1982). Le même jour, Clinton recevait le dalaï-lama. Cela n’empêchait pas le vice-Premier ministre Zou Jiahua, venu représenter la Chine aux obsèques de Richard Nixon, d’entamer une visite officielle et, le 17 mai, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères déclarait que la Chine appréciait la déclaration du département d’État du 16 mai selon laquelle les États-Unis reconnaissaient la souveraineté chinoise sur le Tibet.
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