Gendarmerie - Rubis : le nouveau système de radiotélécommunication de la Gendarmerie
Évoluant incessamment entre tradition et modernité, la gendarmerie cultive à souhait les paradoxes : si certains aspects de son organisation paraissent se résigner à demeurer en marge des mutations et bouleversements sociaux, d’autres, au contraire, témoignent d’une ouverture résolue au progrès et à l’innovation. Ainsi, concernant les radiocommunications, la gendarmerie a engagé depuis plus d’une douzaine d’années diverses études prospectives destinées à moderniser les moyens de transmission de ses 4 000 unités implantées sur l’ensemble du territoire national. Cette initiative a donné naissance au programme Rubis, lancé en 1986 par la DGA et conçu par Matra Communication. Réseau de radiocommunication développant des solutions technologiques d’avant-garde, notamment le choix du « tout numérique », le système Rubis, après avoir fait l’objet d’une expérimentation en Haute-Normandie (juillet 1992-septembre 1993), connaît depuis 1994 un déploiement progressif sur le territoire métropolitain, qui doit être normalement achevé en l’an 2000 à raison de deux départements installés chaque mois (33 500 terminaux radio, 100 commutateurs de groupement, 415 relais radio, 700 liaisons par faisceaux hertziens et 11 000 ordinateurs de type « Zénith » auront alors été mis en service).
Avec une durée de vie estimée de vingt années, Rubis offre les performances exceptionnelles d’une infrastructure unique pour l’ensemble des services voix et données, d’un réseau national unifié (ce qui constitue un progrès considérable pour les opérations d’envergure conduites, par exemple, dans les domaines de la police judiciaire ou du maintien de l’ordre) préservant toutefois le caractère essentiellement départemental et local de l’exploitation opérationnelle. Sans entrer dans les détails de ses caractéristiques techniques, ce programme vise à renouveler l’ensemble des réseaux radioélectriques des unités de gendarmerie départementale, en remplaçant trois réseaux analogiques mis en œuvre depuis la fin des années 60 : celui de « compagnie », qui assure aux unités d’un même arrondissement une communication en phonie ; le réseau « autoroute », qui est utilisé uniquement par les formations intervenant dans l’infrastructure autoroutière ; celui de groupement, composante radio du réseau de transmission de données Saphir, qui permet au commandant de groupement de communiquer en phonie avec les unités de son département. Ces réseaux n’étaient pas sans présenter un certain nombre de limites d’emploi. En effet, chacun étant indépendant, il était nécessaire d’installer dans chaque véhicule au minimum quatre postes radio, qui d’ailleurs ne pouvaient être utilisés que sur les territoires d’affectation des unités. D’autre part, au-delà du caractère quelque peu vétuste et obsolescent des matériels employés, ce qui, ces dernières années, n’était pas sans difficulté pour trouver les composants indispensables à leur réparation, ces réseaux avaient l’inconvénient majeur de leur absence de confidentialité : les communications n’étant pas camouflées pouvaient aisément faire l’objet d’écoutes indésirables au moyen d’un scanner.
Le programme Rubis entend mettre en place dans chaque poste mobile de gendarmerie un équipement à la fois standard et unique, autonome et opérationnel, qui a pour principaux avantages : son caractère performant, la transmission numérique permettant de bénéficier d’un meilleur confort d’écoute et de débits de transmission de données dix fois plus importants que la transmission analogique ; le réseau Rubis emprunte une technologie de pointe utilisant des composants à très haute densité d’intégration et en synergie avec les développements du réseau paneuropéen GSM ; sa simplicité d’utilisation, aussi bien en services de phonie que de données, les études ergonomiques ayant permis d’élaborer des matériels relativement faciles à mettre en œuvre (terminaux auto et moto, portables, portatifs et stations fixes) ; le combiné Rubis s’utilise, en somme, comme un téléphone : en cas d’urgence, le gendarme peut ainsi lancer un appel de détresse par simple pression sur une seule touche ; la sécurisation des transmissions, qui procède de deux éléments, d’une part le chiffrement des informations qui garantit une totale confidentialité en empêchant l’écoute et l’intrusion de tiers, d’autre part la faculté de verrouiller à distance n’importe quel poste mobile, ce qui interdit l’utilisation de postes éventuellement dérobés.
Le modèle Rubis a essaimé dans un certain nombre de pays européens grâce au système « Tetrapol » : la police nationale française (« Acropol »), la police autonome catalane (« Nexus »), la police tchèque (« Pegas »), la SNCF pour son réseau de sécurité d’Île-de-France (« Iris »), ou encore l’aéroport de Francfort, s’étant dotés, en effet, de systèmes dérivés. Pour ce qui est de la gendarmerie, le succès du déploiement du réseau Rubis suppose deux conditions : en premier lieu, la mise en place d’actions de formation des personnels, ce qui a été engagé grâce à l’organisation de trois types de stage, assurés à la division d’instruction des télécommunications et de l’informatique de la gendarmerie du Mans, formateurs relais (une semaine), exploitants spécialistes des centres de transmissions (trois semaines), spécialistes dépannage et maintenance (un mois) ; en second lieu, la poursuite de l’effort budgétaire, qui semble quelque peu menacée par la baisse continue des dépenses d’équipement de la gendarmerie, qui affecte, outre le programme Rubis, le renouvellement de son parc de véhicules blindés et d’hélicoptères (1). ♦
(1) Les dotations en capital pour 1996 enregistrent, en effet, une double contraction par rapport aux prévisions de la loi de programmation, soit - 21 % pour les autorisations de programme et - 12 % pour les crédits de paiement. Voir à ce sujet « Avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le projet de loi de finances pour 1996 », tome V : Défense gendarmerie, présenté par Michel Alloncle, n° 80.