Comment étudier la Seconde Guerre mondiale ?
Il n’est pas rare d’entendre dire aujourd’hui, dans certains milieux militaires, qu’il est absolument inutile d’étudier l’histoire de la dernière guerre mondiale. Cette théorie, singulière au premier abord, s’appuie sur le fait que, pendant les six années de conflit, les belligérants ont utilisé — à peu près uniquement — du matériel « classique » : chars d’assaut, canons, mitrailleuses, avions, sous-marins, cuirassés, porte-avions. C’est seulement tout à fait à la fin que sont apparues les armes « révolutionnaires » : avions à réaction, engins télécommandés et, enfin, bombe atomique. Pour des raisons diverses, les belligérants ont à peine eu le temps de s’en servir, et on n’a aucune expérience de leur maniement et des parades qui auraient pu être mises en action. Pour l’avenir, on en est donc réduit aux conjectures. Étudier une guerre menée avec un matériel entièrement périmé serait perdre son temps. Il vaut mieux réfléchir et faire preuve d’imagination.
D’un autre côté, des théoriciens de valeur prétendent que les lois de la guerre sont éternelles, et que la bataille de Tunisie de 1943, par exemple, ressemble comme une sœur à la bataille d’Arbelles [NDLR 2023 : Gaugamèles] de 331 av. J.-C. Quoique les armes employées aient changé du tout au tout, les « principes » de la stratégie ou de la tactique sont toujours valables. Les Britanniques, qui ont beaucoup écrit, depuis quelques années, sur la théorie de la guerre, ne viennent-ils pas de rééditer récemment le « Livre de la guerre » du général chinois Sun-Tzu, qui vivait il y a 2.400 ans et chez lequel on trouve clairement mis en valeur les immuables principes qui régissent l’art des combats.
En effet, l’emploi des armes a toujours exigé la mise sur pied de forces armées plus ou moins organisées, et dont l’évolution peut être facilement suivie au cours de l’histoire. Après une première période, caractérisée par des « batailles » d’une durée généralement inférieure à une journée, livrées entre des hordes mal disciplinées et se terminant par le massacre des vaincus, on est passé à la période des « campagnes » longtemps limitées à la belle saison, et menées par des armées professionnelles, pour en arriver finalement à la guerre « totale », amenant la mobilisation complète des forces du pays, l’intérieur alimentant les armées chargées d’obtenir la décision. Dans toutes ces luttes entre armées, quelle que soit leur importance, l’art de la guerre s’est toujours appuyé sur un certain nombre de « principes ». Certes, selon les auteurs, leur présentation est différente. Pour le maréchal Foch, quatre suffisent : économie des forces, liberté d’action, liberté de disposition des forces, sûreté. Certains écrivains militaires modernes portent ce nombre à neuf : poursuite d’un objectif unique, primauté de l’offensive, concentration, mobilité, surprise, coopération, économie des forces, sécurité, simplicité. Pour d’autres enfin, tout peut se résumer en une seule règle qui contient toutes les autres : « s’assurer le maximum de forces pour la bataille décisive ».
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