Gendarmerie - La Gendarmerie dans la lutte contre le travail clandestin
Selon les dispositions du Code du travail, l’exercice d’une activité de production ou de prestation de services suppose, de la part de l’entrepreneur, l’accomplissement de diverses formalités, ainsi que le respect de certaines obligations sociales et fiscales. Ainsi, le responsable d’une entreprise qui n’a pas demandé son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, qui n’a pas procédé aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l’administration fiscale, ou encore qui dissimule tout ou partie des salariés qu’il emploie, se rend coupable d’un délit de travail clandestin, légitimement réprimé par le droit, dans la mesure où il porte préjudice aux intérêts économiques de sa profession et financiers de la collectivité, tout en lésant les droits et acquis sociaux des salariés.
Érigée, ces dernières années, en une priorité de l’action gouvernementale (1), la lutte contre le travail clandestin donne lieu à l’intervention de différents acteurs publics : les magistrats du parquet et les juges d’instruction, les inspecteurs et contrôleurs du travail, les ingénieurs des mines des directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire), les inspecteurs et contrôleurs de la direction générale des impôts, les agents des douanes, les inspecteurs des Urssaf et des caisses de la mutualité sociale agricole, les agents et officiers de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie, ainsi que les officiers et agents assermentés des affaires maritimes.
Pour ce qui est de la gendarmerie, son action en ce domaine particulièrement sensible comprend trois objectifs principaux : rechercher des infractions incidentes de travail clandestin apparaissant dans des procédures qu’elle diligente ; apporter son concours aux services d’inspection et de contrôle également engagés dans la lutte contre ce type de fraudes ; mener des enquêtes d’initiative afin de mettre à jour des infractions relevant de ce que le langage courant appelle le « travail au noir ». Sans pour autant mettre en place des unités spécialisées, la gendarmerie a réalisé d’importants efforts de manière que ses diverses composantes prennent une part de plus en plus active à la lutte contre ce qui apparaît, à maints égards, comme un véritable fléau tant économique que social.
Aussi le domaine de la formation des personnels a-t-il été tout particulièrement privilégié. À l’instar de la protection de l’environnement ou de la lutte contre la toxicomanie, cette action s’effectue au moyen du système des formateurs-relais. À l’heure actuelle, plus de 650 sous-officiers « formateurs-relais travail clandestin », soit un par compagnie de gendarmerie départementale (niveau de l’arrondissement), ont ainsi suivi un stage d’instruction spécifique (d’une durée d’une semaine), leur tâche étant de développer les connaissances des autres personnels, tout en pouvant leur apporter, le cas échéant, un soutien dans la conduite des enquêtes. Parallèlement, une sensibilisation à la lutte contre le travail clandestin est désormais effectuée à l’occasion de l’ensemble des stages de police judiciaire (stages de formation pour les officiers de police judiciaire, les commandants de brigade de recherche…) et de commandement (en particulier dans les stages de commandant de compagnie et de groupement). Dans le même ordre d’idées, la gendarmerie a procédé, l’année dernière, à l’impression et à la diffusion auprès de ses personnels de plus de 15 000 précis de réglementation. Elle participe, par ailleurs, aux actions de formation et de coopération interservices organisées par la Milutmo : mission interministérielle pour la lutte contre le travail clandestin, l’emploi non déclaré et les trafics de main-d’œuvre (2).
La progression, ces quatre dernières années, du nombre de procédures pour infraction au travail clandestin établies par les unités de gendarmerie fournit un indicateur pertinent des efforts réalisés en ce domaine (3) (voir tableau).
La création, au mois d’août dernier, à la direction générale de la police nationale, plus précisément, au sein de la Diccilec (l’ancienne police de l’air et des frontières) (4), d’un office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (5), a pu laisser penser que ce dernier élément, qui est un des volets les plus importants de la lutte contre le travail clandestin, allait passer, tout au moins dans le domaine opérationnel, sous la responsabilité de l’institution policière. Il est vrai, en effet, que les attributions de cet office en font une structure centralisée prépondérante dans la coordination des opérations, la centralisation et le traitement des informations, l’étude et la prospective, mais aussi l’interlocuteur principal de l’ensemble des services nationaux et organismes internationaux. Bien qu’il soit encore prématuré de porter le moindre jugement sur la mise en place et l’action de cet office, on peut malgré tout observer qu’un tel service, dont le bien-fondé ne souffre d’aucune contestation, parce qu’il se trouve directement intégré dans l’organigramme d’un des acteurs de l’action publique, ne présente peut-être pas, par définition, toutes les garanties nécessaires à la coopération interministérielle. À l’inverse, et de manière également que la lutte contre le travail clandestin ne se réduise pas à la répression de l’emploi d’étrangers sans titre, tout porte plutôt à préconiser une montée en puissance de la Milutmo (qui est simplement associée, au même titre que la gendarmerie ou la direction des douanes, aux activités de l’office), afin qu’elle se transforme en une délégation, rattachée au Premier ministre, chargée d’assurer et de coordonner, dans son intégralité et sa diversité, la lutte contre le travail clandestin.
Types d’infractions | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 |
Travail clandestin | 9 757 | 9 716 | 11 556 | 11 703 |
Commerce et prêt de main-d’œuvre | 260 | 175 | 163 | 830 |
Travail clandestin des étrangers | 1 039 | 406 | 428 | 615 |
Totaux | 11 056 | 10 297 | 12 147 | 13 148 (6) |
(1) Ainsi, dans une circulaire du 29 novembre 1995, le Premier ministre indiquait-il qu’« il relève de l’action prioritaire du gouvernement de mobiliser l’ensemble des services compétents de l’État dans une démarche active combinant la prévention et la répression du travail clandestin ».
(2) Créée en 1976, la Milutmo s’est vu confier, par les décrets du 25 juillet 1990 et du 30 octobre 1991, la mission d’animer et de coordonner l’action des pouvoirs publics dans la lutte contre le travail clandestin. Il s’agit d’une structure légère implantée à Paris (avec deux antennes, l’une à Marseille, l’autre à Toulouse), qui dispose d’une trentaine de personnels mis à disposition par différents départements ministériels. Un officier et un sous-officier de gendarmerie sont ainsi mis en permanence à la disposition de cet organisme, afin de mener, avec le soutien des chargés de mission des autres administrations, des actions de formation au profit des personnels de la gendarmerie, tout en participant également aux actions de formation interministérielles.
(3) La méthodologie statistique impose comme unité comptable la « procédure », quel que soit le nombre d’employeurs mis en cause dans la même procédure et de travailleurs employés dans des conditions irrégulières.
(4) Direction centrale du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins.
(5) Décret n° 96-691 du 6 août 1996 (Journal officiel du 7 août 1996).
(6) La police nationale a constaté, pour la même période, 3 954 délits concernant le travail illégal.