Gendarmerie - La Gendarmerie et la lutte contre les stupéfiants
Fléau de santé publique, tragédie humaine, phénomène de société, objet de politiques publiques, source de déviance et d’insécurité, la toxicomanie apparaît sans conteste, au même titre d’ailleurs que le sida, le chômage et l’exclusion, comme une des principales menaces auxquelles demeure confronté, en cette fin de XXe siècle, le monde occidental, victime d’une sorte de cancer qui gangrène ce qui représente sa force vive et son avenir, son dynamisme et ses espoirs, à savoir sa jeunesse. Par-delà la stigmatisation nécessaire et consensuelle du péril toxicomaniaque, seulement entamée par les débats sur la dépénalisation totale ou partielle des infractions liées à l’usage de drogue, cette forme de délinquance et de criminalité s’affranchit allègrement des frontières sociologiques et physiques entre les États (criminalité organisée, trafic international et blanchiment des capitaux occultes), mais aussi entre les zones urbaines et rurales.
Pratique circonscrite jusqu’au milieu des années 60, pour l’essentiel, aux grandes villes et à certaines catégories sociales ou groupes philosophiques, la drogue est devenue, en effet, un fait social de masse, qui sévit des bancs du collège jusque dans les ateliers et les bureaux du monde du travail, des cités HLM ou pavillonnaires des banlieues jusqu’aux villages et hameaux reculés. Ainsi, loin d’être l’apanage des forces de police plus spécifiquement chargées de la sécurité publique dans les villes et leurs prolongements, la lutte contre les stupéfiants constitue presque inéluctablement une des principales missions des brigades territoriales et des unités de recherche de la gendarmerie.
Sous réserve des actions de police judiciaire principalement orientées vers le démantèlement des trafics locaux, la gendarmerie a engagé, ces dernières années, un renforcement significatif des mesures de prévention, tant il est vrai — et c’est un constat qui s’applique d’ailleurs à l’ensemble des problèmes sociaux — que si le traitement du phénomène toxicomaniaque ne peut raisonnablement, au regard de l’intérêt général et des principes de l’État de droit, faire l’impasse sur la répression des délits et des crimes prévus en ce domaine par le Code pénal, il ne peut exister de solution exclusivement ou fondamentalement coercitive à un problème qui dépasse largement les limites des prétoires et des prisons. En d’autres termes, tout porte à considérer que la toxicomanie est et doit être considérée, dans ses origines et ses manifestations, comme une affaire — complexe et polymorphe — non seulement juridique et policière, mais aussi sociale et médicale.
Cette prise de conscience de la nécessité de développer une politique d’information sur les dangers multiples de la consommation de stupéfiants, notamment auprès des jeunes, c’est-à-dire le public le plus sensible et le plus réceptif parce que le plus confronté à ce fléau, a conduit la gendarmerie à mettre en place le système des « Frad » : « formateurs relais antidrogue ».
Depuis 1989, des stages spécifiques « Frad » sont, en effet, organisés au centre national de formation de police judiciaire (CNFPJ) de la gendarmerie de Fontainebleau. Ils ont permis de former, à l’heure actuelle, environ 300 sous-officiers, en privilégiant l’acquisition de connaissances générales sur la toxicomanie (la législation et la procédure, les produits stupéfiants et leurs effets, les techniques d’usage et le trafic, la psychologie du toxicomane…), mais aussi la maîtrise des techniques de communication ; en effet, la fonction première des « Frad » est de combattre la drogue sur le terrain de l’explication objective et du dialogue sincère, en opposant la connaissance et l’expérience aux stéréotypes, aux rumeurs et autres fausses informations. Aussi disposent-ils de matériels pédagogiques particulièrement adaptés (diapositives et films, brochures et affiches, valises permettant de montrer la consistance et le conditionnement des divers produits…), de manière à rendre concrètes leurs interventions.
À la fin de l’année 1996, pas moins de 1 500 000 personnes auront bénéficié — à l’initiative d’établissements scolaires, d’administrations, d’associations ou d’entreprises — de ce type d’information, dont la finalité première réside, bien évidemment, dans la sensibilisation aux risques présentés par l’usage des diverses formes de drogue et dont la cible principale demeure les jeunes (en 1995, les « Frad » ont dispensé cette formation auprès de 160 000 adolescents).
Accueillis à l’école, au collège ou au lycée pour effectuer une conférence ou participer à une table ronde, ces personnels qui exercent, par ailleurs, leur métier de gendarme dans une unité sur le terrain, s’efforcent ainsi quotidiennement de démythifier la drogue, en soulignant, entre autres, les conséquences sur la santé physique et mentale de la consommation de stupéfiants, les dangers des premiers « essais », l’engrenage entre drogues « douces » et « dures », la déchéance physique et sociale du toxicomane (petite délinquance, prostitution, marginalisation…), la nature mercantile du dealer, les moyens de détecter chez un proche les premiers signes de toxicomanie et la conduite à tenir face à ce type de situation, la dérive du consommateur occasionnel en revendeur… Avec comme point de départ la quasi-certitude que tous les adolescents ont été ou seront confrontés à un moment ou à un autre à ce fléau, et comme ambition que le moment venu, par la connaissance et la réflexion préalable, ils puissent, en toute conscience, tourner le dos à la drogue, tout en incitant leur entourage à en faire autant, le travail préventif de terrain des « Frad » constitue un des principaux maillons du dispositif départemental de la lutte contre la toxicomanie. ♦