Afrique - Le budget de coopération en baisse
Le budget du ministère français de la Coopération atteindra, en 1997, 6,27 milliards de francs, alors qu’il était en 1996 de 7,28 milliards, ce qui correspond à une baisse de 7,8 %. C’est depuis l’année 1993 que ce budget connaît en fait une tendance à la baisse : – 0,9 % en 1993 ; – 3,7 % en 1994 ; – 1,9 % en 1995 ; – 5,4 % en 1996. Jusqu’à présent, cette baisse s’est expliquée par plusieurs facteurs notables tels que la réduction progressive des effectifs des coopérants ou celle, récente, des crédits d’ajustement structurel, et notamment la fin des mesures d’accompagnement financières liées à la dévaluation du franc CFA dans les 14 pays de la zone franc, décidée en 1994. De l’avis de tous, ces éléments constituent une évolution positive de la politique de coopération et même, comme l’explique le ministre Jacques Godfrain, « un succès de notre politique d’aide ». Elle permet un mouvement de recentrage de la coopération française, en particulier la relance de l’aide, projet qui a considérablement souffert des effets de la crise financière et de l’endettement des pays du champ.
Ces efforts de recentrage ont été déjà ressentis depuis 1995-1996 grâce aux projets financés par le Fonds d’aide et de coopération (Fac), instrument budgétaire majeur du ministère de la Coopération. Ces dépenses du Fac font en effet ressortir ces grandes priorités nouvelles.
D’abord la décentralisation et le développement urbain, qui par ailleurs, favorisent l’accroissement de la coopération française. Ensuite la lutte contre le sida et les MST, la restructuration des systèmes éducatifs, la jeunesse et le sport en particulier dans les villes, le Fonds social de développement, créé à l’origine à l’occasion de la dévaluation pour financer des petits projets à haute intensité d’emploi, et qui a été institutionnalisé depuis et même étendu aux pays du champ qui n’appartiennent pas à la zone franc. Enfin, secteur prioritaire essentiel : celui de la consolidation de l’État de droit, destiné à renforcer le processus de démocratisation en Afrique : s’y trouve en particulier un domaine sensible, celui de la sécurité des biens et des personnes. Il révèle notamment, de manière significative, les nouvelles contraintes de la coopération concernant la sécurité.
La coopération militaire traditionnelle, mise en œuvre par la Mission militaire de coopération de la rue Monsieur, voit elle aussi ses crédits diminuer pour l’année 1997. Ceux-ci atteindront en effet 739 millions de francs, contre 776 pour l’année 1996. L’assistance militaire technique, sa première composante, voit ses crédits tomber à 505 millions, ce qui traduit la baisse des effectifs des coopérants militaires français dans les pays du champ : de 973 en 1987, ceux-ci sont passés à 792 en 1993, 715 en 1994.
Le niveau des crédits destinés à la formation dans les écoles militaires françaises de stagiaires africains reste stable avec 91,7 millions de francs. En 1987, 2 200 stagiaires avaient été accueillis en France. Ces effectifs sont tombés à 1 300 en 1996 et ils seront maintenus à 1 300 en 1997. Les plus gros bénéficiaires ont été en 1996 le Sénégal (142 stagiaires), le Togo (128), la Mauritanie (885), le Cameroun (85) et le Burkina Faso (80). Signe de l’élargissement du champ traditionnel, on constate également en 1996 que plusieurs pays anglophones d’Afrique ont pu bénéficier de ces programmes : l’Afrique du Sud (25 stagiaires), le Kenya (3), le Malawi (4), le Nigeria (1), la Zambie (1) et le Zimbabwe (1).
Troisième composante de la coopération militaire française : l’aide en matériels. C’est celle qui, pour 1997, voit ses crédits s’accroître et passer de 162 millions de francs en 1996 à 180 millions en 1997. Elle concerne quatre types d’actions : l’aide au fonctionnement et à la réorganisation des écoles de formation de toutes les composantes des forces de sécurité, qui est prioritaire ; l’aide à l’entretien des matériels pour prolonger leur durée d’utilisation et permettre à des armées dont les budgets sont insuffisants de maîtriser un minimum de programmes d’entretien ; l’aide à la réorganisation des forces de sécurité, et en particulier à la stabilisation de certaines unités vulnérables et susceptibles de dérapages (les mutineries récentes dans certains pays ont permis de mesurer l’urgence et la gravité du problème) ; enfin, l’équipement des forces, avec un accent sur celles de sécurité intérieure, dont les gendarmeries et les gardes nationales, pour les tâches de sécurité de proximité et pour la garantie d’un fonctionnement normal des institutions gouvernementales.
Dans l’ensemble, il apparaît que se confirme nettement la volonté d’orienter la coopération française concernant la sécurité dans la logique de l’État de droit, et au sens large de prendre en compte de plus en plus systématiquement les nouvelles menaces et les facteurs dangereux engageant la sécurité des biens et des personnes : sécurité urbaine, contrebande, « argent sale », drogue, grand banditisme, immigrations clandestines, etc. De fait, de cette orientation, se dégagent peu à peu les nouvelles missions que doivent assurer les forces de sécurité des États africains pour stabiliser la démocratisation et pour lesquelles elles sont souvent fort mal dotées et fort mal préparées.
Globalement en tout cas, la baisse du budget de la coopération se situe dans un contexte mondial de baisse de l’aide publique au développement qui devient préoccupant. Elle est évaluée à 9 % pour les pays de l’OCDE entre 1994 et 1995 ; et même si, en 1995, avec 8,4 milliards de dollars d’APD, la France arrive pour la première fois en deuxième position derrière le Japon, il apparaît que les moyens de la coopération française atteignent un seuil de financement critique. « Nous avons aujourd’hui atteint, prévient Jacques Godfrain, un étiage minimal qu’il conviendrait de ne pas franchir ». ♦