Gendarmerie - La Gendarmerie et la lutte contre la délinquance : bilan 1996
Après avoir atteint un sommet au cours de l’année 1994, en frôlant la barre hautement symbolique des 4 millions de crimes et délits perpétrés (3 919 008), les statistiques de la délinquance ont connu depuis une baisse assez régulière : – 6,47 % en 1995 ; – 2,88 % en 1996, soit un niveau relativement proche de celui du début des années 90. Ainsi, ces deux dernières années, la délinquance a régressé, en France, d’environ 10 %, ce qui représente une évolution pour le moins significative (soit 359 391 crimes et délits de moins par rapport à 1994) d’un phénomène présenté jusque-là, malgré, il est vrai, une légère érosion depuis 1992 (1992 : + 2,32 % ; 1993 : + 1,33 % ; 1994 : + 0,96 %), comme invariablement et presque perpétuellement inflationniste, le nombre de crimes et délits ayant été multiplié par sept entre 1950 et 1994. Pour l’année 1996, 3 559 617 faits de délinquance ont été constatés, se répartissant comme suit : vols (65,49 %) ; infractions économiques et financières (8,73 %) ; atteintes aux personnes (5,57 %) ; autres infractions, dont stupéfiants, 20,21 %.
Si cette baisse générale s’inscrit dans un phénomène plus global de relatif tassement, ces cinq dernières années, de la croissance de la délinquance, il paraît encore prématuré d’avancer l’hypothèse d’une régression tendancielle des crimes et délits, ne serait-ce que parce que les chiffres à la baisse des années 1995 et 1996 s’expliquent, pour une large part, par les effets indirects de la mise en œuvre du plan « Vigipirate », la multiplication des contrôles et la présence accrue des forces de police et de gendarmerie (renforcées également par des éléments militaires) sur le terrain ayant contribué à empêcher, à prévenir les actes criminels et délictueux. Ce bilan paraît d’ailleurs relativement contrasté selon les départements (de – 39,34 % pour la Loire à + 34,63 % pour la Vendée) et selon les grandes villes (– 6,13 % à Strasbourg, – 5,69 % à Bordeaux, – 3,21 % à Toulouse, mais + 3,55 % à Nantes, + 3,65 % à Lyon et + 5,84 % à Grenoble), les quatre régions les plus peuplées de la métropole (Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais) concentrant à elles seules près de 55 % des faits criminels et délictueux. Dans le même ordre d’idées, certaines des données fournies par ces statistiques sont particulièrement inquiétantes, notamment la recrudescence des coups et blessures volontaires et surtout l’augmentation du nombre de mineurs incriminés (respectivement, + 6,09 % et + 13,9 % par rapport à 1995) : 17,87 % des 804 655 personnes mises en cause, l’an passé, pour des faits de délinquance étaient âgées de moins de dix-huit ans !
Catégories d’infractions constatées par la gendarmerie |
1995 |
1996 |
Variation 1995-1996 |
Vols |
622 016 |
612 768 |
– 1,49 % |
Infractions économiques |
197 620 |
148 315 |
– 24, 95 % |
Atteintes aux personnes |
72 877 |
71 374 |
– 2,06 % |
Autres infractions (dont stupéfiants) |
143 633 |
121 513 |
– 15,40 % |
Total |
1 036 146 |
953 970 |
– 7,93 % |
Avec 953 970 crimes et délits constatés en 1996, la Gendarmerie a enregistré un peu plus du quart (26,80 %) de l’ensemble des faits de délinquance, ce qui représente, pour cette institution, une baisse de – 7,93 % par rapport à 1995 (soit 82 176 crimes et délits de moins). Si ce volume de délinquance constaté par les formations de gendarmerie est quantitativement bien moins considérable que celui de la police nationale (qui, pour sa part, a enregistré 73,20 % des faits criminels et délictueux), il ne permet pas toutefois de conclure à une activité policière de moindre importance ou de seconde zone, la constatation et la répression des infractions n’étant, au même titre que l’action de surveillance et de prévention, qu’un des volets de l’activité policière. Par ailleurs, force est d’observer, en ce domaine, une différence de taille concernant le taux d’élucidation (rapport entre le nombre de faits constatés et résolus). En effet, si cette mesure de l’efficacité des enquêteurs atteint 52,83 % pour la gendarmerie (98 % pour les atteintes aux personnes), il ne se situe qu’à hauteur de 21,93 % pour la police nationale, cette variation pouvant, entre autres, s’expliquer — au-delà même de toute incursion dans le débat sur l’aptitude respective de l’une ou l’autre institution à faire face efficacement au phénomène de délinquance à raison de ses caractéristiques professionnelles propres — par les différences du milieu humain dans lequel les deux services interviennent, même si la présence croissante de la gendarmerie dans les zones périurbaines conduit ses personnels à se trouver de plus en plus confrontés à des lieux d’habitation, à des modes de vie et à des formes de délinquance de type urbain.
L’insertion du gendarme dans le tissu social, concrétisée grâce au maillage réalisé par les brigades territoriales et par la mission fondamentale de surveillance générale, favorise grandement un rapprochement certain entre la population et la gendarmerie, notamment dans les zones rurales traditionnelles, particulièrement important pour la recherche des renseignements se rapportant aux crimes et délits susceptibles d’être commis. La connaissance des lieux et des personnes, le contact avec la population constituent alors les deux fondements de cette police judiciaire dite de proximité, qui bénéficie également du concours des moyens de plus en plus performants de la police technique et scientifique, dont disposent les unités de recherches de la gendarmerie.
Si ces statistiques policières fournissent à l’observateur et au décideur de précieuses indications sur l’évolution du phénomène de délinquance, il ne s’agit cependant que de moyens relativement partiels et imparfaits ; un nombre indéterminé d’infractions, bien qu’alimentant, pour une large part, le sentiment d’insécurité, échappe, en effet, à l’enregistrement effectué à partir des procès-verbaux dressés par les institutions policières, de sorte que ce type de statistiques doit être regardé avant tout, non comme les comptes d’apothicaire de la délinquance, mais comme le reflet de l’activité des services de police et de gendarmerie et, à ce titre, comme un indicateur somme toute pertinent de l’insécurité. Ainsi, et sans prétendre être exhaustives, ces statistiques ne prennent pas en compte :
— les infractions constatées par d’autres administrations dont les personnels sont pourtant investis de certains pouvoirs de police judiciaire (douanes, services fiscaux, services de la répression des fraudes, inspections du travail, eaux et forêts…) ;
— les actes de police administrative (fugues de mineurs, internements administratifs, recherches dans l’intérêt des familles…) ;
— les infractions relevant de la circulation routière, ainsi que les contraventions (notamment celles de cinquième classe) ;
— les faits qui, compte tenu des évolutions de la législation, ne relèvent plus d’une prise en compte policière (dépénalisation des chèques sans provision et suppression des polices d’assurance pour le vol de motocyclettes) ;
— les délits mineurs inscrits sur les registres de « main courante » des commissariats de police ou classés, pour des raisons de compétence territoriale, dans la catégorie des « renseignements judiciaires » par les brigades de gendarmerie ;
— les infractions et désordres ordinaires qui ne sont pas portés à la connaissance des institutions policières (vols à l’intérieur des véhicules, tentatives d’effraction, chapardages, troubles de voisinage…), dans la mesure où les victimes préfèrent — par renoncement ou lassitude, par crainte de représailles, parce qu’elles n’ont pas de police d’assurance ou ne sont pas en situation régulière — ne pas venir déposer plainte à la brigade de gendarmerie ou au commissariat de police.
En toute hypothèse, par-delà des chiffres dont les variations, pour rassurantes qu’elles paraissent, doivent être appréciées avec la plus extrême prudence, il n’y a guère que dans le quotidien des populations qu’il serait possible d’entrevoir une évolution significative d’une insécurité qui, loin de régresser fondamentalement, demeure l’une des principales préoccupations de nos concitoyens en cette fin de siècle. ♦