Afrique - Les évolutions majeures de la coopération militaire française en Afrique
L’année 1998 sera marquante pour la coopération militaire française en Afrique, en particulier celle concernant les actions menées par la mission militaire de coopération (MMC) du secrétariat d’État à la Coopération. Plusieurs tendances, apparues ces dernières années, seront largement confirmées et viendront notablement modifier les fonctions et les objectifs de cette coopération militaire avec l’Afrique.
À l’examen du budget 1998 apparaît d’abord la poursuite de la baisse globale de ces crédits qui se sont élevés à 739,3 millions de francs en 1997 et qui atteindront 703,3 millions l’année prochaine, soit une diminution en francs constants de 5,36 %. Cependant, celle-ci, contrairement aux apparences, n’est pas significative d’un désengagement dans ce domaine de la part de la France. Les réorientations dans les différents secteurs de cette coopération sont sans conteste plus importantes à noter que la réduction quantitative des crédits.
La réduction de l’aide s’explique en tout cas principalement par la poursuite de la politique de diminution des effectifs de l’assistance militaire technique (AMT), dont les crédits vont passer de 450,5 millions de francs en 1997 à 402 millions en 1998. Cette année, les effectifs de l’AMT ont été de 640 coopérants militaires dans 21 pays africains, plus le Cambodge (contre 714 en 1996). Ils seront ramenés à 570 en 1998. Les plus gros bénéficiaires prévus l’an prochain de cette AMT seront la Centrafrique (59), le Tchad (55), le Cameroun (45), le Niger et la Mauritanie (42), la Côte d’Ivoire et le Gabon (40). Sur ce total de 570 personnes, la répartition par armée ou service sera la suivante : gendarmerie, 130 ; armée de terre, 330 ; marine, 28 ; armée de l’air, 44 ; service de santé, 38.
Cette réduction de l’AMT a été amplifiée ces dernières années par les décisions politiques de suspension de la coopération militaire avec plusieurs pays : avec Haïti en octobre 1991, avec le Zaïre en 1991, avec le Togo d’octobre 1992 à juin 1994, avec le Rwanda en 1994, avec le Niger de janvier à mars 1996, avec le Burundi en juin 1996, avec le Congo en juin 1997. Cette tendance à la baisse devrait se poursuivre, sans toutefois qu’un seuil minimal de crédibilité soit franchi. Elle devrait être marquée par un renforcement de l’appui à la sécurité intérieure et à l’État de droit d’une part, au renforcement des capacités de maintien de la paix d’autre part, ainsi que par la multiplication de séjours et de missions de courte durée aux dépens des séjours longs. Deux tâches seront privilégiées pour cette AMT : améliorer le fonctionnement et l’efficacité des états-majors et des services centraux des armées et des forces de sécurité à statut militaire (gendarmerie et gardes nationales), et participer à la formation des personnels et aux capacités d’entretien et de réparation des matériels.
Deuxième grand domaine de cette coopération militaire : la formation. Là, les crédits seront en augmentation de 13,7 %, passant de 91,7 millions de francs en 1997 à 104,2 millions en 1998. Pour la formation, l’évolution la plus importante résultera des effets attendus de la professionnalisation des armées françaises qui entraînera une réduction importante des capacités d’accueil des écoles militaires françaises, et donc une diminution progressive du nombre des stagiaires militaires africains formés dans celles-ci.
Aussi, l’accent est-il désormais mis de manière systématique sur le développement des écoles de formation à vocation régionale installées en Afrique, qui devront accueillir un nombre croissant de stagiaires. Déjà, dans les écoles existantes, à Thiès au Sénégal (formation initiale des officiers), à Bouaké en Côte d’Ivoire, ou à Koulikoro au Mali, le nombre des stagiaires est passé de 66 en 1995 à 213 en 1997. De nouvelles écoles vont entrer en service en Mauritanie, au Togo et en Côte d’Ivoire. Près de 300 stagiaires supplémentaires pourraient au total être formés dans ces écoles dès 1998. L’objectif fixé pour ce programme est de diminuer de moitié la formation assurée en France au profit des écoles africaines d’ici l’an 2002. Les plus gros bénéficiaires en 1997 auront été le Cameroun (142 stagiaires), le Sénégal (124), le Gabon (119), le Togo (107), Madagascar (106) et le Bénin (101). Plusieurs pays anglophones, l’Afrique du Sud, le Botswana, le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Nigeria, la Zambie et le Zimbabwe sont devenus depuis peu des bénéficiaires de ces programmes de formation de la MMC, ce qui constitue une innovation particulièrement notable.
Troisième domaine de la coopération militaire franco-africaine : l’aide en équipement et en entretien des infrastructures. En 1998, avec 180 millions de francs, les crédits prévus seront les mêmes qu’en 1997. Ils seront utilisés avant tout pour améliorer les capacités d’entretien et de remise en état des matériels existants afin d’en prolonger la durée et de réduire au maximum les dépenses d’équipement en matériels neufs budgétairement inaccessibles aux États concernés.
Autre priorité : l’amélioration des forces de sécurité intérieure dans le but d’une consolidation des États de droit. À noter dans ce domaine qu’en plus des crédits propres à la MMC, le secrétariat d’État à la Coopération a depuis peu ouvert le financement du Fonds d’aide et de coopération à de tels projets (18,4 millions de francs en 1997 aux Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Gabon, Madagascar et Niger).
Ces crédits devront également servir au développement des écoles africaines de formation à vocation régionale. Enfin, nouvelle évolution importante, ils seront en partie consacrés à l’équipement d’unités des armées africaines destinées à participer à des opérations internationales de maintien de la paix. Une école spéciale de formation à ces dernières va être installée avec l’appui de la France à Zembakro en Côte d’Ivoire, qui accueillera des cadres militaires de l’ensemble de la zone francophone et sera également ouverte aux candidats de pays anglophones.
* * *
Réduction des effectifs de l’AMT et du nombre de stagiaires dans les écoles militaires françaises au profit des écoles locales, importance plus grande accordée aux forces de sécurité intérieure et surtout montée en puissance significative de l’appui au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, baptisé désormais « recamp » dans le jargon de l’aide, telles sont les grandes évolutions qui sont en train de remodeler le profil de l’aide militaire traditionnelle aux pays du champ. Au total, annonce-t-on à la MMC, dès 1998, pas moins de 20 % des crédits prévus, soit environ 150 millions de francs, seront désormais directement ou indirectement consacrés à l’appui aux capacités africaines de maintien de la paix : un tournant qui confirme la volonté française de plus en plus manifeste de ne plus se retrouver confronté à des situations d’intervention militaire directe bilatérale dans l’urgence. ♦