La Communauté internationale
Après avoir abordé à de nombreuses reprises les thèmes de la mondialisation et de la globalisation, Philippe Moreau Defarges s’attaque, dans ce court mais dense opuscule, au redoutable thème de la communauté internationale, sujet abordé par les juristes, les politologues et les sociologues à la suite, on le sait, de la distinction classique de Tönnies (1887) entre Gemeinschaft (communauté) et Gesellschaft (société). La première relève de l’ordre naturel, spontané, elle repose principalement sur des liens affectifs ou culturels ne suppose pas l’organisation d’un ordre politique structuré ; la seconde, plus rationnelle relève d’un vouloir délibéré, rationalisé et définissant un ordre légal.
Bien des communautés internationales ont existé dans le passé, mais elles furent partielles tout en étant hybrides : Grèce des cités, Empire romain, Europe chrétienne, concert européen, peut-on dire qu’elles ne reposaient sur aucun ordre étatique ou sur l’absence de règles. On le voit d’emblée, la distinction entre communauté et société internationale n’apparaît guère aisée. Avec l’apparition progressive, à partir de la sécularisation du monde aux XVIe-XVIIIe siècles et de la quête d’une paix « transétatique » au XXe, d’une communauté internationale le problème semble se compliquer. Il existe bien des embryons de communauté mondiale (droit international, système onusien…), mais l’une des caractéristiques principales de la communauté, la primauté du tout sur les parties, n’est guère assurée du fait de la souveraineté étatique et l’absence d’une véritable hiérarchie établie et reconnue entre ses composantes : les États et ladite communauté internationale. Ni le problème de l’emploi de la force légitime, ni celui des « gouvernances techniques » (commerce, finances, ressources naturelles, nucléaire), ni celui de la surveillance internationale ne font l’objet d’un consensus réel, de règles et de procédures unanimement établies et appliquées.
Doit-on donc se résoudre alors à n’admettre l’existence que de communautés partielles, embryonnaires ou inachevées, c’est-à-dire régionales (communautés atlantique et européenne, islam, CEI) ?
Dans ces conditions, l’édification d’une société internationale basée sur des valeurs pleinement universelles (droits de l’homme, bonne gouvernance, protection de l’environnement, lutte contre les fléaux mondiaux), une citoyenneté planétaire en formation et une réelle solidarité planétaire reste un objectif lointain. En définitive on ne semble guère sortir du dilemme classique : à défaut de la présence préalable d’une communauté mondiale, dont les valeurs, les principes s’imposeraient spontanément aux diverses composantes à savoir les États. Peut-on attendre de ceux-ci, encore largement détenteurs de la souveraineté, qu’ils l’abdiquent pour construire une société organisée lointaine, lourde, homogénéisante alors que partout le principe de subsidiarité est mis à l’honneur ? Louons l’effort pédagogique et de clarification de Philippe Moreau Defarges qui sait si bien manier considérations historiques, réflexion juridique et observation des faits. ♦