Lettres d’Indochine (Tome II)
À l’issue du premier tome des Lettres d’Indochine, le général Bigeard a reçu un courrier volumineux. Lettres aux familles, missives des fiancées, journaux intimes et carnets de route lui sont parvenus. C’est pourquoi l’officier le plus décoré de l’armée française a décidé de livrer un deuxième volume de ces témoignages captivants. Certaines lettres nous font revivre des épisodes poignants de la guerre d’Indochine. Parmi celles-ci, le récit de Françoise Autret sur l’occupation du Tonkin par les Chinois au lendemain de la défaite japonaise, l’espoir du jeune spahi Jacques Blondel à l’arrivée de Leclerc en mars 1946 et le journal de marche du caporal-chef Pierre Fort (du 8e bataillon de parachutistes coloniaux).
L’autre volet de la guerre, c’est la pacification. Cet aspect est remarquablement décrit par Jean Le Chatelier. Ce commandant d’un bataillon de tirailleurs algériens « croque sur le vif », dans des lettres émouvantes à sa femme et à ses enfants, « cette aventure où se mêlent la solitude, l’effort physique, l’attente, la violence, l’amitié et la méfiance ». L’esprit de ce concept qui consiste « à rester maîtres », c’est-à-dire « à pratiquer de façon simultanée l’art de la paix et de la guerre », est d’ailleurs défini avec une très grande lucidité par le lieutenant Paul Dhalluin : « Non, la France de Lyautey n’est pas morte ! Mais elle est en danger ».
La guerre psychologique occupe aussi une place importante : « Chaque nuit les Viets branchent leurs haut-parleurs et haranguent l’ennemi pour le démoraliser. Les Français ripostent par voie de tracts parachutés dans la jungle et dans les rizières. Ils parient eux aussi sur l’isolement. Quand les communications sont coupées entre les chefs rebelles et leurs troupes, ils mettent la pression pour obtenir des ralliements ». Dans ses carnets intimes, le commandant Vanuxem explique ainsi les méthodes utilisées pour rallier les populations locales par le truchement de personnalités bien choisies qui servaient de médiateurs.
De nombreuses lettres bouleversantes montrent également « les raisons du cœur ». Les milliers de kilomètres qui séparaient les soldats de leurs femmes, de leurs fiancées ou de leurs maîtresses « générèrent un courrier où s’exaltent les sentiments ». Sur ce sujet empreint d’une très forte émotion, les lecteurs seront extrêmement touchés par les missives du sous-lieutenant Jacques R., du sous-lieutenant Marcel B. et surtout du « marsouin gavroche » Roger Faro dont on peut suivre les premières amours avec Kim Lan, « Orchidée d’or ». Dans cet ouvrage où se mêlent tendresse, tragédie, espérance et désillusion, le général Bigeard nous invite à un double devoir de mémoire. Tout d’abord, un devoir de réflexion pour rappeler au grand public l’un des chapitres les plus douloureux et les plus mal compris de l’histoire de France. Ensuite et surtout, un devoir de reconnaissance à l’égard de combattants héroïques qui ont enduré, dans l’ignorance, voire le mépris de la métropole, de terribles souffrances physiques et morales pour servir leur patrie. Ce volet fait ressortir l’humanisme de l’ancien secrétaire d’État à la défense. Ce caractère spécifique qui a contribué à forger la légende du célèbre parachutiste est d’ailleurs mis en relief par un geste louable : à la demande du général Bigeard, comme pour le premier volume, tous ses droits d’auteur seront versés aux Restos du cœur. ♦