Du combat antique au combat moderne
Condisciple de Jean-Baptiste Duroselle à l’École normale supérieure, agrégé d’histoire et de géographie, industriel et chercheur, Jean Doise présente ici le fruit de longues années de réflexion sur l’évolution du combat, évolution que commande celle des armes. Relevons aussi que Maurice Vaïsse, directeur du Centre d’étude d’histoire de la défense, préface l’ouvrage. L’opposition du combat en rase campagne et de la guerre de forteresse, croisée avec celle de l’arme blanche et de l’arme à feu, forme le plan du livre.
La description précise que fait l’auteur des affrontements à l’arme blanche a de quoi faire rêver… et frémir. Le mouvement des masses rangées en « batailles » est une chorégraphie et, si le combat n’a lieu que « par consentement mutuel », le ballet qui s’ensuit est atroce, entremêlement de duels à mort. La qualité de l’information ici réunie est grande, toujours appuyée sur des exemples concrets. Tout au plus regrettera-t-on que Jean Doise n’ait pas davantage médité sur l’aspect théâtral de ces combats réglés et leur pauvreté tactique prolongée bien au-delà de l’apparition des armes à feu efficaces, fusil et canon à poudre noire. La couverture du livre, représentant la bataille de Fontenoy (1745), en est une bonne illustration. Si, par la suite, l’ordre divisionnaire marque la naissance de la stratégie, on ne voit pas qu’il ait, avant le XIXe siècle, révolutionné la tactique. La guerre de forteresse offrait au raisonnement un meilleur champ, mais c’est un raisonnement mathématique : nulle forteresse n’est imprenable, tout se calcule, et même le temps qu’il faut pour venir à bout d’une place assiégée. Le livre comporte une dernière partie intitulée « Les cadres de la guerre ». Les principes y sont à l’honneur. Ceux que l’auteur a choisis n’enrichissent guère une matière dont le propre est d’être pauvre. Riche, par contre, est le vocabulaire des armes, et vous découvrirez avec plaisir l’origine de quelques expressions courantes, mais obscures. Ainsi du troubade, que bidasse aujourd’hui remplace, du défaut de la cuirasse, du but en blanc, de la bataille et de ses bataillons, du tir à la billebaude et des feux de file où l’on s’embrouille.
Des jugements, souvent sévères, qu’il porte sur les acteurs de l’histoire guerrière, l’auteur s’excuse fort courtoisement : « L’historien qui voit toutes les cartes à plat sur la table peut dire facilement Voilà, l’erreur fatale a été commise. Cela ne signifie pas que les historiens peuvent faire des généraux ». ♦