Derrière cet éloge qu’inspire à l’auteur la bataille de Bir-Hakeim, livrée il y a soixante-dix ans, se trouve celui de la vaillance, du courage et de la vertu associés à l’intelligence pratique, des qualités partagées par des hommes libres de toute origine qui composaient alors la France.
Préambule - Éloge de la bataille
Foreword–Eulogy of the Battle
Behind this eulogy delivered seventy years ago, in which the author was inspired by the Battle of Bir Hakeim, we find valor, courage, and virtue associated with practical intelligence, qualities shared by free men of every origin, including France.
Le fait d’armes des Français à Bir-Hakeim, en mai-juin 1942, mérite qu’on y revienne encore et toujours, tant il est riche d’enseignements (1). Nous avons dit « fait d’armes » et non pas victoire, à dessein. À Stalingrad, il y eut la victoire du courage russe, en Normandie la victoire des Anglo-Saxons sur la Wehrmacht, aux Midway la victoire des marins et des aviateurs américains sur les porte-avions japonais. Bir-Hakeim ne s’inscrit pas sur ce tableau, Bir-Hakeim s’inscrit sur un autre tableau : celui des héros d’Homère et celui de Péguy, en même temps qu’au tableau de l’intelligence française appliquée à la chose militaire, de même que la défaite de juin 1940 s’est inscrite au tableau noir de la sottise militaire, comme deux générations plus tôt, celle de Sedan. Bir-Hakeim s’est inscrit dans le marbre comme l’exploit de Leonidas aux Thermopyles et peut-être mieux encore, puisque Kœnig a ramené les deux tiers de ses forces pour de nouveaux combats et la victoire finale.
Avant de célébrer le courage des soldats, il faut comprendre ce qui l’a rendu possible, l’intelligence des chefs. Pour étudier ce fait d’armes comme il convient et pour situer la part qu’y a prise Jean-Mathieu Boris, il faut rappeler « ce qu’étaient ces soldats » (2) en retraçant cet étonnant rassemblement qui tint du prodige des quelque 3 700 hommes composant la 1re Brigade Française Libre (1re BFL). Ce serait comme le catalogue des vaisseaux avant le départ pour Troie. Ils sont arrivés de partout, un par un, unité par unité, du Maroc et de Tunisie, des établissements français d’Océanie ralliés à De Gaulle dès septembre 1940, d’Afrique équatoriale (Cameroun, Oubangui-Chari, Tchad), d’Érythrée et enfin de Londres, comme le jeune aspirant Boris.
Arrêtons-nous un instant sur ce qu’a d’énorme et d’admirable ce rassemblement hétéroclite et spontané de tant d’hommes venus de tant de peuples différents. Ils sont Français de souche, Arabes de souche, Noirs ou Blancs, ou d’autres races comme les Tahitiens et les Calédoniens. Ils sont musulmans ou animistes, catholiques et protestants, juifs ou antisémites. Rien ne les fait semblables, rien ne les unit qu’un même désir, une même passion de venger une défaite qu’ils n’ont pas méritée ; rien ne les unit qu’un drapeau. Ce fut le premier et le dernier référendum, la première élection libre au suffrage restreint de ce qu’était alors l’Empire français. L’entreprise prend naturellement un vêtement religieux, celui d’une croisade pour la « Terre Sainte » qu’est la patrie, celui d’un baptême du feu qu’on trouve dans plusieurs témoignages ou celui du serment de Koufra par les troupes de Leclerc, en mars 1941, de ne pas déposer les armes avant de voir le drapeau français flotter sur Metz et Strasbourg. S’il y eut un jour identité française, ce fut bien celle de ce jour-là, « quand à Bir-Hakeim un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats… » (3).
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