Les réserves et la défense de la France
Pierre Pascallon, professeur agrégé de faculté (sciences économiques), est maire d’Issoire, ancien député du Puy-de-Dôme et membre de la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale. Président du club « Participation et progrès », il est l’initiateur de nombreux colloques et manifestations portant sur le renseignement, la sécurité européenne, l’avenir de la dissuasion nucléaire française ou encore la réforme du service national. Il a d’ailleurs été membre de la mission d’information commune présidée par M. Philippe Séguin.
Le 22 février 1996, le président de la République annonçait une profonde réforme de l’armée française. Tirant les conséquences de la fin de la guerre froide, il évoquait la nécessité de mettre rapidement en place une professionnalisation de nos forces armées, comme cela existe dans de nombreux autres pays occidentaux. Un tel processus n’est viable que s’il s’accompagne d’une revalorisation de la place des réserves au cœur de notre politique de défense, qui passe par une modification du recrutement, une redéfinition des structures et des missions, et enfin par la création d’un véritable statut du réserviste.
Le projet de loi sur les réserves devrait normalement être présenté à l’Assemblée au début de l’année 1998, la loi sur la réforme du service national venant d’être adoptée par le Parlement. L’ouvrage collectif, publié sous la direction de M. Pascallon, arrive donc opportunément pour nourrir les réflexions de nos lecteurs, car il met en lumière les enjeux et les questions que soulève l’avenir de nos réserves dans la mission essentielle de défense de la France.
Dans son avant-propos, l’auteur souligne que les réserves ont un rôle majeur à jouer et doivent être considérées comme « une pièce maîtresse de notre nouveau dispositif de défense ». Il s’interroge d’abord sur les missions à leur confier, puis sur les structures et les moyens nécessaires pour leur permettre de les remplir avec efficacité. Les réserves sont indispensables à l’armée professionnelle, car elles en constituent le complément individuel ou collectif nécessaire pour, le cas échéant, accroître ou maintenir leurs capacités. Elles pourraient également se voir confier le nouveau champ des « affaires civilo-militaires », sur le modèle américain. Qu’elles soient civiles ou militaires, les réserves ont vocation à participer à la défense globale du territoire national. Relais entre la population et l’armée, les cadres de réserve sont, enfin, irremplaçables comme « vecteurs » du lien armée-nation et comme « expression active de la volonté nationale de défense ».
S’agissant de la structure de nos réserves, M. Pascallon résume les différentes réflexions en cours à ce jour (essentiellement les propositions de M. Guy Teissier (1) et les orientations de la loi de programmation militaire 1997-2202). M. Pascallon souligne, à ce sujet, que la « deuxième réserve » n’a fait l’objet d’aucune prévision de crédits. Cependant, le défi majeur à relever est, bien sûr, de trouver des volontaires, « ce qui nous amène aux aspects plus financiers de cette réflexion ». Deux objectifs doivent donc guider la démarche : la garantie de l’emploi et la protection du réserviste, en faveur duquel il conviendra d’instituer un véritable statut social capable de le motiver et de lui conférer la reconnaissance de la nation qu’il mérite. « Reste à bien s’inquiéter, si l’on veut une réserve à la hauteur de nos ambitions, que les moyens financiers ne fassent pas défaut. Et il y a tout lieu d’être vigilant. La loi de programmation prévoit un budget global sur cette période de six ans de 2,2 milliards (240 millions en 1997 pour arriver à 584 en 2002). Cela représente un effort certain par rapport aux années antérieures. Il sera nécessaire de veiller à ce que le budget réserves ne soit pas minoré comparativement au reste des crédits alloués à la défense ».
Cet ouvrage comprend trois parties. L’organisation des réserves à l’étranger traite successivement de l’exemple belge, de ceux des États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada. La rédaction de ce chapitre a été confiée à des personnalités bien connues de nos lecteurs (2). Les réserves, un complément essentiel à la professionnalisation de l’armée française constitue la deuxième partie. Leurs auteurs, le président Xavier de Villepin et le sénateur Haenel, nous livrent leurs réflexions sur les missions essentielles à confier aux réservistes, sur leur recrutement, les moyens financiers à leur consacrer et sur la nécessaire « contractualisation » de leurs relations avec leurs employeurs civils. Quelle structure et quelles missions pour les réserves de l’armée française ?, dernière partie de cet ouvrage, traite successivement de la première réserve (recrutement et missions), de la contribution de la deuxième réserve au maintien du lien armée-nation, et enfin de la « nécessaire création d’un véritable statut social du réserviste » (instauration d’une contrepartie matérielle et sociale pour les réservistes et les entreprises, développement des conventions armées-entreprises) (3).
D’une manière générale, les diverses propositions recensées dans l’ouvrage de M. Pascallon, les suggestions ou les solutions que leurs auteurs préconisent et les différentes questions qu’ils suscitent, semblent de nature à aider aux travaux de préparation du projet de loi qui sera prochainement présenté. ♦
(1) Voir notre chronique « Défense en France », mars 1997.
(2) André Dumoulin, attaché de recherches au Grip (Bruxelles) ; général de Bressy du Guast ; contrôleur général Bonnardot.
(3) MM. Teissier, Vinçon, Cova, Milliasseau (président de l’Unor), Debray (président adjoint de la Fnasor), Gril (président du comité de liaison défense-CNPF), Caire (directeur département environnement et sécurité de la RATP), général Valéry, général Roquejeoffre, général Ascensi (EMA), contre-amiral Roy (conseiller militaire Aerospatiale), médecins en chef Tissot et Moulinié, colonel Méral (président de l’Association des officiers de réserve de Paris).