Un monde sans rivage : État, nation et globalisation
Un monde sans rivage, ouvrage dont le sous-titre est : État, nation et globalisation… D’emblée son auteur Juan Archibaldo Lanus, ambassadeur d’Argentine en France, plonge au fond d’un problème majeur de notre temps qui intéresse l’ensemble du monde, du pays industriel le plus développé à celui le moins avancé. Les thèmes abordés ont leurs répercussions au cœur de tous les peuples et, chez ceux-ci, touchent toutes les couches de la population. Certes, il ne faut pas exagérer et faire remonter tous les maux dont souffrent les sociétés d’aujourd’hui au phénomène de globalisation ou de mondialisation, les deux termes étant employés de façon à peu près équivalente. Comment l’auteur organise-t-il son étude ? Il part d’un rappel historique condensé mais précis de l’évolution constatée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et il fait ressortir les cinq éléments essentiels qui définissent la nouvelle situation internationale : révolution technologique, revalorisation de l’individu, conscience écologique, modification de la perception du rôle de l’État et « impuissance de la suprématie », limites du système de sécurité collective.
Un sort est fait ensuite à la coopération pour le développement, dont l’échec partiel est certain, mais sans qu’on puisse nier les réussites fragmentaires du dialogue Nord-Sud et les progrès considérables réalisés par de nombreux pays d’Asie et d’Amérique latine. Le rôle des divers organismes des Nations unies est rappelé avec leurs ombres et leurs lumières. Les réalisations du Gatt et maintenant l’essor de l’Organisation mondiale du commerce dessinent la nouvelle architecture du commerce mondial. Régionalisme et protectionnisme agricole n’ont pas disparu dans un système où la bonne foi est loin de régner toujours. Cependant, « le défi se pose en termes politiques », ceci expliquant largement cela.
Un chapitre est consacré à l’histoire monétaire, de Bretton Woods au flottement des monnaies, en passant par la marche vers la monnaie européenne et le rôle du Fonds monétaire international (FMI). À l’évidence, l’internationalisation quasi générale du système monétaire international n’a pas pu s’accompagner de l’instauration d’un véritable système, qui fait gravement défaut.
Une évolution de la pensée économique et politique sur les relations internationales a été mise en relief par d’innombrables groupes et études. Commission des Nations unies, Club de Rome, OCDE, fondations diverses, ont publié rapports sur rapports. Trois questions essentielles se posent (pages 142 et 143) : quelle est la forme la plus adéquate pour développer un pays ? Quelle est la meilleure façon d’organiser le système économique mondial ? Comment devraient être résolus et administrés les problèmes globaux ? Cela conduit à une véritable mutation, tenant au fait majeur de l’invasion de « phénomènes micro-économiques transnationaux que les États ne peuvent plus contrôler facilement ». En effet, la multipolarité du monde ne s’arrête pas aux relations entre puissances ni à la macro-économie des politiques nationales, elle est le fait de myriades d’individus et d’entreprises dans un monde ouvert et dérégulé. Technologie, mondialisation des finances, croissance exponentielle des investissements étrangers, libéralisation du commerce, déréglementation quasi généralisée, souplesse des systèmes de production et d’échanges, concurrence accrue, il en résulte évidemment une « érosion de l’État nation », d’où des problèmes internes complexes auxquels l’État traditionnel a du mal à faire face.
« Une certaine conscience planétaire » est née, les institutions nationales et internationales se cherchent encore, un très grand nombre d’individus se sentent abandonnés. Il faudra bien trouver le moyen de concilier les progrès apportés par la « mondialisation » avec le besoin des hommes « de retrouver les racines de leur identité ». Tel est ce livre, ce grand livre, pensé et écrit de main de maître par un homme de culture et d’expérience qui a accompli, ce faisant, une œuvre remarquable, passionnante et d’une grande utilité. ♦